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Que sont-ils devenus ? Kémoko Camara relate son parcours de footballeur et plaide pour les anciennes gloires

Reconverti en qualité d’entraineur des gardiens, précisément ceux du Horoya Athletic Club et récemment de la sélection nationale, Kémoko Camara très détendu, a reçu votre quotidien électronique Guineenews dans les locaux de l’internat du HAC, sis au quartier Kakimbo.

Sans langue de bois et à bâtons rompus, l’ancien gardien de buts du Syli national irrité dénonce l’injustice dont sont victimes les ex-internationaux avant de lancer un appel pour le soutien en faveur de ces grandes gloires du football guinéen.

Né à Conakry le 5 avril 1975, Kemoko Camara est fils de feu Namory et Manimba Fadiga. Marié il est père de 5 enfants dont 3 garçons et 2 filles.

Il a fait ses études primaires à Lanséboundji et celles secondaires au collège de Coléah. Stoppé là par le cuir rond et surtout le désir du Papa de l’intégrer dans l’armée, où il ne fera que six (6) mois de formation militaire, la passion pour le cuir rond l’emportera finalement et sur les études et la carrière militaire.

Le destin vous ayant conduit sur les pelouses vertes, racontez-nous comment vous êtes venu au football ?

« C’est depuis ma tendre enfance que j’ai commencé à jouer au football au niveau de l’école et du quartier. C’est dans le quartier que j’ai été découvert par un frère, un ami feu Koumbassa ‘’Raba’’, qui nous proposa la création d’un club au niveau du quartier. En ce moment, je jouais au poste d’avant-centre. Lors d’un tournoi organisé entre les clubs et pendant lequel notre club fut qualifié en finale, nous nous sommes retrouvés peinés à cause du refus catégorique du gardien titulaire de faire partie de l’effectif. C’est ainsi que pour sauver l’honneur, j’ai pris la décision de le remplacer et je fus ce jour l’homme du match bien que n’étant pas gardien titulaire ».

Pouvez-vous nous retracer votre parcours en club et dans la sélection nationale ?

« J’ai appartenu après le club du quartier à la sélection de feu Naby ‘’Diass’ et c’est à partir de ce club que j’ai été copté par Bouba Sampil pour jouer dans son club qui s’appelait ‘’Olympique de Conakry’’. J’ai joué pendant deux (2) saisons de 1991-1993 avec ce club, qui d’ailleurs va monter en première division. Ensuite, je suis reparti dans le club de la SOGEAG, dirigé alors par feu Niatakoly où je n’ai joué qu’une seule saison. Enfin de compte, j’ai été contacté par les dirigeants de l’AS Kaloum, club dans lequel j’ai évolué pendant quatre (4) ans et demi et fut finaliste en coupe de la CAF en 1995.

Quant à mon recrutement au sein du Syli national, cela s’est passé suite au brillant match que j’ai livré au compte de la SOGEAG contre l’AS Kaloum. C’est le coach Maitre Naby Camara en compagnie du coach feu Aly Badara Kéita ‘’Kolev’’ qui m’ont sollicité en sélection. Je suis arrivé très jeune en qualité de quatrième gardien derrière Fodé Laye Camara, Saliou Diallo, et El hadj Moussa. Tous ceux-ci ont contribué à ma formation et sans oublier l’entraineur Samba qui m’a été d’un apport inestimable ».

Comment êtes-vous devenu par après le titulaire des perches du Syli ?

« On peut dire que cela est vite arrivé. Dans tous les cas, Fodé Laye fut mon idole, je faisais tout avec lui et je peux affirmer que j’étais son petit qui s’occupait même de son linge. Il m’avait toujours poussé vers le travail au même titre que Salam Sow qui a tout œuvré pour mon épanouissement. Je m’entrainais trois (3) fois par jour avec Maitre Samba.

J’ai été pour la première fois titularisé à ce poste par feu Aly Badara Kéita ‘’Kolev’’, lors d’un match amical international, contre la sélection nationale du Gabon. Il avait dit d’essayer le plus jeune gardien ce jour dans les buts et s’il prouve ses capacités, on verra le reste.

J’ai joué mon premier match international en compétition contre le Malawi à Conakry. J’avais remplacé Saliou Diallo qui avait un problème d’adducteurs et le Syli avait gagné sur le score de 4-0. Tout est d’ailleurs parti de là ».

Vous aviez certainement joué en dehors du pays, pouvez-vous nous brosser votre carrière internationale ?

« C’est après la CAN 1998 lors de laquelle j’ai joué deux matchs et surtout celui contre le Cameroun qui a impressionné. C’est ainsi qu’un club Belge ‘’Aral Beck’’ a dépêché un agent pour mon recrutement. J’ai joué pendant 4 ans en ligue1 avec ce club. J’ai joué aussi en Israël entre 2004-2005 pendant deux saisons et par deux fois de suite. C’est lors de ma deuxième venue en Israël que j’ai inscrit le fameux but à partir de 95m. Avant la CAN 2008, j’avais signé aussi un contrat en 2007 avec le club ‘’Am zoulou’’ en Afrique du Sud. En bref,voilà comment se résume ma carrière en dehors du pays ».

Près de 20 ans de carrière, 4 participations à la coupe d’Afrique des nations, quels sont vos plus beaux et mauvais souvenirs dans tout ce parcours ?

« Je commence par le plus mauvais souvenir qui demeure toujours l’élimination du Syli national par la FIFA en coupe d’Afrique et en coupe du Monde. C’était en 2002 contre le Malawi à Conakry où le match s’était soldé sur un score nul de zéro but partout. Pour les différends je ne sais de quel ordre, la FEGUIFOOT fut dissoute par les instances supérieures du pays et ce qui ne relevait pas de leur ressort. Ainsi la Guinée fut suspendue des deux compétitions et ce qui empêcha à notre génération de participer à une coupe du monde pendant que nous étions d’ailleurs premier de la poule. Le Sénégal partira donc à notre place. C’est un amer souvenir que je ne vais jamais oublier.

Le plus beau souvenir pour moi est bien le match Guinée-Maroc qui s’est soldé sur le score de parité de 1 but partout. Pour d’autres, ce match devait être classé dans la corbeille des mauvais souvenirs. Moi je dis non ! Puisque ce jour, malgré toutes les injures qui pleuvaient des gradins et de la tribune à mon endroit, je ne fus point troublé. A cause du but encaissé et pour lequel on m’a fait porter le chapeau, j’ai continué sereinement jusqu’à la fin et pour la suite, les évènements ont continué en dehors du terrain. Je me suis senti très fort ce jour et je profite de l’occasion pour remercier tous ceux qui m’ont apporté leur soutien. J’en fais de ce jour un beau souvenir qui m’a forgé et a contribué à hausser mon moral et mon mental sur un terrain de football ».

Des affirmations vous concernant ont été attribuées au feu Général Lansana Conté. Citation ‘’ Je suis certes malade et c’est bien Kémoko qui finira par m’achever’’. Que pensez-vous de ces allégations ?  

« Je m’inscris à faux contre ces affirmations. Le guinéen est très fort en invention et surtout spécialiste en propagation de rumeurs. J’ai toujours été très d’accord avec feu Général Lansana Conté, chez qui au petit palais, je venais souvent partager le repas pendant nos internats à l’hôtel qui est à proximité. Par ailleurs, j’attire votre attention sur les bonnes relations qui ont existé entre mon père qui fut le premier commandant de la Brigade des Antigangs et feu Général Lansana Conté. Au même titre que vous, il y a longtemps que j’ai appris ces rumeurs qui ne me soulèvent pas un cheveux ».

Vous aviez essuyé pleines d’offenses, pour des ratés, dit-on, causé par vous lors des matchs et par maladresse. D’un mental très fort, souligne-t-on aussi, qu’aviez-vous ressenti en ces moments critiques de votre carrière ?

« J’ai toujours eu le mental fort durant toute ma carrière. J’ai connu des moments difficiles et je ne suis pas le seul qui ai connu ses instants. Je me suis inspiré de plusieurs autres grandes renommées du football guinéen qui n’ont pas échappé à ces pratiques de la part du public. L’unique ballon d’or guinéen Chérif Souleymane a été humilié au stade du 28 septembre en 1998 avant la CAN. Fodé laye Camara fut extrait des perches sans raisons. Le brassard a été retiré dans les mains de feu Mohamed Sylla ‘’Socrates’’ peu avant le début d’un match international. El hadj Aboubacar Titi Camara fut aussi victime des mêmes comportements. Lors d’un match contre la Cote d’Ivoire, Pascal Feindouno s’est vu dépossédé du brassard. Tous ces leaders du football guinéen n’ont pas été ratés et je me suis dit alors que je ne pouvais pas faire l’exception. Je me suis fabriqué un moral en fer et j’ai continué de foncer et de jouer mon football. Dans le football il faut savoir qu’il y a trois choses. Sois tu gagnes, tu perds ou tu fais un nul. J’ai donc ces trois principes inculqués dans ma tête qui m’ont permis de faire ma vie dans le football ».

Quelles sont actuellement vos sources de revenus ? Etes-vous fonctionnaire de l’Etat ?

« J’ai raccroché depuis un bon moment et actuellement, je vis de mon salaire et de mes primes en qualité d’entraineur des gardiens du Horoya Athletic Club. Quand à mes économies gagnées en Europe, elles servent toujours à l’entretien de mes enfants. Mon épouse m’assiste aussi et apporte de l’aide pour la survie de la famille.

A la question de savoir si je suis fonctionnaire de l’Etat, c’est un sujet qui me démange et me révolte à plus d’un titre. Je n’étais pas présent lors de ce recrutement et à voir la liste des inscrits, vous vous rendez compte de la partialité dans le choix. Des gens qui n’ont même pas mouillé le maillot pour le pays s’y retrouvent aisément et en profite au détriment des véritables méritants et cela c’est de l’injustice. Le pire est que tout le monde se tait là-dessus et continue de voir les autres galérer ».

A vous entendre, vous avez certainement un cri de cœur qui vous hante. Qu’est-ce qui vous irrite ?

« Mon cri de cœur concerne le cas des anciens footballeurs qui ne parviennent jusqu’à présent pas à s’en sortir de leur déchéance. Quand je vois les anciens footballeurs venir au stade dans un dépravant état, j’ai du mal à les regarder. Pourtant, ils furent nos idoles à un moment donné de notre évolution. Je vous donne quelques exemples de footballeurs, notamment les cas de Gormaya qui a joué dans le HAC, Thierno Aliou qui a brillé de mille feux dans le championnat guinéen sont entre autres des faits alarmants. Il y en a bien d’autres qui sont dans ces situations misérables. Qu’on puisse au moins leur donner le minimum afin de pouvoir faire vivre leurs familles. Vous savez que tout le monde n’a pas pu fréquenter l’école. D’aucuns ont utilisé leurs talents et ce sont les pieds qui étaient l’écriture qu’ils ont utilisée sur le terrain. Venons au secours de ces anciennes gloires qui ont tout donné à notre pays ».

En dépit de la réussite individuelle ou de la reconversion réussie d’un petit groupe, la plupart des anciennes gloires du football guinéen vivent aujourd’hui dans une pauvreté imprévue.

La question est de savoir comment orienter nos réflexions pour que le crépuscule de nos gloires qui nous ont tant bercé et tant fait vibrer, à défaut d’être resplendissant soit au moins paisible afin d’engendrer des aubes encore plus brillantes.

Evitons à nos anges du jour de devenir des dénués de nuit.

 

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