Ousmane Camara alias “Hervé” du surnom déformé à partir de Rivelino grand footballeur brésilien, est né le 25 décembre 1959 à Gueckédou. Il est chanteur, auteur compositeur, membre de l’orchestre national Kèlètigui et ses tambourinis et du groupe standard de feu Petit Condé. Gardien du temple de la paillote comme nous l’avions surnommé, il est le fils de feu Fayçal et de feue Daloba Traoré. Il est marié à une femme et père de 7 enfants dont 3 filles et 4 garçons. Il a passé toutes ses études scolaires jusqu’à l’obtention du bac unique à Guéckedou.
A noter qu’il a suivi ses études dans la filière franco-arabe. ‘’Karamo’’ Ousmane ‘’Hervé’’ Camara a fait son école primaire à 0umar Nassif, le secondaire à Dar-es salam, et le lycée à Muslim Shakir, chez Oustaz Alhassane Keita à Farako dans son Guéckédou natal. A l’obtention du bac unique et lauréat, ‘’Oustaz’’ Ousmane Camara pour le moment non appelé Hervé, bénéficiera d’une bourse d’études pour Khartoum. Malheureusement, il sera rattrapé par une maladie qui lui contraindra de rejoindre après une année seulement à Khartoum son Guéckédou natal.
Plus ou moins instruit en franco-arabe, Ousmane Camara ‘’Hervé’’ est bien celui qui est le porte-parole des musiciens pour la lecture du coran en cas de décès, de mariage ou de baptême dans cette corporative. Ce gardien du temple du nid des artistes nous a reçu dans l es décombres Camayenne, qui ne ressemble plus à ce patrimoine tardivement décoiffé appelé la ‘’Paillote’’. Faites-en une visite, habitué du coin, des larmes certainement vont couler sur vos joues. Lisez l’interview
Guineenews : Pouvez-vous nous dire, très plongé dans le coran, option souhaité et pratiqué, comment cette musique vous a-t-elle rattrapé ?
Ousmane Hervé Camara : A dix ans, j’imitais déjà Aboubacar Demba Camara dans ces célèbres chansons notamment, ‘’Danya, Mobèni Baralé et autres’’. Mon père m’interdisait de chanter et me dirigeais vers les études coraniques. Même le livre coranique en main, je chantais le long de la rue avant d’atteindre déjà chez mon Karamoko.
Les amis de mon père l’ont attiré l’attention en disant, que je serai un jour chanteur. Du coin de sa réplique, j’ai entendu le papa dire qu’il n’est pas contre à ce que je fasse la musique, et qu’il tient simplement à ce que j’étudie et qu’il m’interdit tout ce que l’islam proscrit.
Guineenews : Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
Ousmane Hervé : Tout au début, c’était avec le Kébéndo Jazz de Guéckédou en compagnie de mon maitre et grand frère Georges Kanté qui est ex-sociétaire du Kébéndo jazz de Guéckédou.
Il avait plusieurs débutants sous sa main. Et, c’est au bar Kébéndo qu’il me faisait faire des exercices au chant. Et à chaque fois que je chantais avec cet orchestre, en soirée dansante, l’évènement de nuit rapporté à mon père, m’avait toujours coûté des punitions.
C’est suite aux incursions des rebelles à Gueckédou que je me suis rendu à Conakry avec mon grand frère George Kanté. Nous avions eu un ami du nom de Mamady Kouyaté alias Dyélikè, qui a évolué dans l’orchestre Niandan Jazz de Kissidougou et qui animait à la Paillote avec son groupe dénommé les ‘’Dyéliden’’.
J’ai intégré ce groupe qui a été soutenu par les défunts Lènkè Condé et Maitre Kèlètigui Traoré, afin d’occuper pour les soirées dansantes cet espace. En retour, cet ensemble de Dyélikè, au besoin déléguait des artistes pour accompagner l’orchestre national Kèlètigui et ses tambourinis. Je suis resté dans cet ensemble jusqu’à ce que mon tour arriva en 2001.
Guineenews : Recruté en qualité de chanteur au sein d’une formation nationale de renom comme Kèlètigui et ses tambourinis, peut-on savoir, quels sont les chanteurs dont vous aviez trouvé derrière le micro ?
Ousmane Hervé : Je suis venu trouver au chant mes aînés Ringo, Rizo Bangoura et Karim Camara ‘’Tchuck Berry’’. Je suis très à l’aise de vous annoncer aujourd’hui que Chuck Berry a été mon second maitre au chant. Il m’a initié et appris tout le répertoire de Kèlètigui et ses tambourinis. Sans compter, que feu Maitre Kèlètigui Traoré s’était aussi investi pour ma formation car, avec son orgue électronique, il m’invitait souvent à son domicile pour des répétitions. Je confirme que Maitre Kèlètigui Traoré a été celui qui m’a encouragé, pour mieux, tenir le micro et connaitre les gammes et surtout les compositions musicales.
Guineenews : toujours sur le parcours, vous êtes actuellement chanteur au sein du groupe standard de feu Petit Condé. Racontez-nous, comment aviez–vous, intégrer ce groupe ?
Ousmane Hervé : C’est après le départ de Dyélikè pour les Etats-Unis que son groupe, suite à des déplacements et décès a perdu l’élan. Le chanteur titulaire Bangaly Douno avait rejoint sa ville natale qu’est N’Zérékoré. C’est ainsi que j’ai attiré l’attention de feu doyen Lènkè Condé pour la conservation de l’animation à la Paillote, de faire appel au groupe de feu Petit Condé. Ainsi proposé et du coup accepté car, feu Petit Condé, n’est que le fils du Doyen Lènkè.
Etant membres de l’orchestre Kèlètigui et ses tambourinis, feu Petit Condé a accepté de nous adjoindre à son effectif au chant, moi et mon frère George. Et jusque-là, le groupe standard de feu Petit Condé tient en haleine les mélomanes à Landréah et à la Paillote. Voilà comment je suis arrivé dans le groupe standard de feu Petit Condé.
Guineenews : pouvez-vous nous rassurer que cette emblématique formation Kèlètigui et ses tambourinis est toujours opérationnelle ?
Ousmane Hervé : présentement l’orchestre Kèlètigui dans sa nouvelle version est bel et bien opérationnel. Il y a eu de nouveaux recrutements et tous les jours nous assurons les répétitions. Sans aucune crainte cet ensemble est fin prêt pour toutes représentations artistiques.
Guineenews : à votre actif aviez-vous produit des albums ou sinon quelles sont vos perspectives pour l’avenir ?
Ousmane Hervé : Je n’ai personnellement pas produit d’albums. En compagnie de l’orchestre Kèlètigui et ses tambourinis, suite à l’événement dénommé “La nuit de l’Espoir’’, organiser d’antan par son excellence Isto Keira et son cabinet, alors Secrétaire général du Département de la culture, au sortir de cet évènement, nous avions enregistré 12 titres. Il y a trois (3) de mes compositions qui font partie et qui passent sur plusieurs ondes et précisément sur la chaine nationale.
A titre de compositions, j’en ai plusieurs notamment ‘’hommage à Abou Guinness’ (paix à son âme), ‘’N’Tenin Tenin’’, ‘’Réconciliation nationale’’. Avec un module de l’orchestre Kèlètigui, dont vous faisiez partie d’ailleurs en qualité de récitant, nous avions produit quelques œuvres sous la supervision de feu Doyen Lènkè Condé.
Avec le groupe standard, nous étions juste à la porte de l’enregistrement d’un album. Dieu sait faire les choses, et il nous prive de notre leader qu’est feu Ansoumane Camara alias ‘’Petit Condé ‘’ (paix à son âme).
Guineenews : avec l’orchestre Kèlètigui et ses tambourinis, vous avez participer à nombreux festivals et quinzaines. Relatez-nous un beau et mauvais souvenir dont vous gardez à l’esprit ?
Ousmane Hervé : le jour où je suis arrivé à la Paillote, c’est Maitre Kèlètigui qui m’a accueilli et je n’oublierai pas ce jour. Et un jour, je voulais cueillir une mangue dans l’enceinte de la paillote et venant tout récemment de Guéckedou, et un des sociétaires de l’orchestre Kèlètigui, m’en a empêché et dont je ne dirais pas le nom et pour qui, je prie que le paradis céleste soit sa demeure.
Maitre Kèlètigu, m’a autorisé ce jour d’aller cueillir les mangues. Et c’est à partir de ce jour, il a autorisé mon appartenance à l’ensemble Kèlètigui et ses tambourinis. C’est le plus beau souvenir que je garde, et qui ne s’effacera jamais dans ma mémoire. Le plus mauvais souvenir est le jour où, je me suis vu en train de quitter Guéckédou, pendant la rébellion.
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Les maisons familiales, nos biens acquis pendant plusieurs années, voir cela partir en feu, c’est vraiment une détresse. Aujourd’hui, si je rêve de Gueckédou, je revois encore le feu. Au fusil, j’ai tiré un moment pour sauver ma patrie et, je reconnais le grand ou immense service qu’à effectuer la croix rouge pendant cette guerre.
Guineenews : très jeune, vous-aviez connu la musique guinéenne d’antan. Quel regard portez-vous sur cette musique qui a occupé les plus grandes scènes continentales ?
Ousmane Hervé : je ne pourrai m’adresser qu’aux autorités en charge de la culture guinéenne. Elles doivent faire face à la musique guinéenne, et aux artistes. Le regard est à la fois critique et su gestionnaire.
A cette nouvelle jeune génération, je dis que les textes ou messages laissent à désirer dans la plupart des compositions musicales. Je préfère aujourd’hui, que la musique guinéenne se base dans ses interprétations sur son riche et varié folklore.
Je conseillerai donc aux autorités en charge de la culture, de remettre sur sellette les orchestres nationaux, afin qu’ils soient opérationnels, afin de constituer un repère pour la jeune génération.
Guineenews : pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos sources de revenus ?
Ousmane Hervé : Ma principale source de revenus est ce montant mensuel accordé aux artistes et mes prestations en compagnie du groupe standard de feu Petit Condé et l’orchestre Kèlètigui et ses tambourinis. A cela s’ajoutent les revenus de mon petit café bar que j’appelle le ‘’café des artistes’’.
Tous viennent dans ce café pour échanger et consolider les relations entre artistes. Bien que ces recettes sont faibles, je suis fier d’être la courroie de transmission entre plusieurs artistes.
De passage et à travers cette interview laissez-moi remercier le commandant à la retraite Tiany Sylla gérant de la paillote, qui m’a porté confiance et plusieurs savent de quoi je parle. En plus tous mes remerciements à Algassimou Bah qui est mon second au niveau de mon café et de toutes las activités qui se déroulent à la Paillote.
Guineenews : L’entourage de la Paillote démolie et plusieurs familles d’artistes sont déguerpies de leurs domiciles. Qu’en pensez-vous ?
Ousmane Hervé : Je suis très affecté par le fait que mes voisins artistes ont subi ce sort. En bon croyant je m’en remets à la volonté de Dieu et prie ce tout Puissant, qu’il trouve des abris pour tout ce monde d’artistes.
Par ailleurs, je ne doute pas du projet envisagé par le gouvernement, concernant ces lieux. Le Ministre de la Culture ainsi que le directeur du patrimoine bâti sont venus arrêter les casses qui devraient toucher la vraie paillote, qu’ils considèrent comme étant un patrimoine à ne pas toucher.
J’ai la ferme conviction, que la Paillote aura une nouvelle toilette au compte des artistes.
Encore une fois, je déplore ce qui subitement s’est passé à l’entourage de la paillote.
Guineenews : L’on vous appelle le gardien du temple et nous, nous considérons la paillote comme étant le nid des artistes. Qu’est-ce que vous ressentez quand ce groupe standard de feu Petit Condé n’y évoluera pas pour un laps de temps et cette kyrielle d’artistes ne défileront pas à la satisfaction de ces nombreux mélomanes ?
Ousmane Hervé : Oui je suis entièrement d’accord que ces nombreux mélomanes seront privés de leurs écoutes et que ces artistes ne trouveront pas leurs dépenses journalières. Tous ces artistes, contraints de vivre à travers leurs passages au niveau du groupe standard seront privés de cette manne financière.
Pour l’instant, je demande à tous en attendant que le groupe standard de feu Petit Condé ne revienne à la paillote, de venir chez Goundoba, précisément chez Kalil Touré.
Guineenews : pour toutes manifestations religieuses vous êtes sollicité. Aux obsèques de Abdoul Karim ‘’Chuck Berry’’, nous vous avions découvert en compagnie de Riad Chaloub. Vous représentez qui dans cette corporation ?
Ousmane Hervé : je suis le porte-parole des doyens des orchestres nationaux. Voulez-vous que je m’abstienne quand il y a décès et autres, pendant que j’ai ces aptitudes pour rendre tout ce que cela recommande.
Guineenews : De la richesse, du succès et de la mort, comment définissez-vous ces vocables ?
Ousmane Hervé : pour moi, la richesse c’est de m’accorder la santé et la longévité.
Le succès pour moi, c’est d’être avec tout ce monde. J’appartiens à une génération de musiciens qui a côtoyé les anciens qui ont eu du succès. Avec Sékou Bembeya, feu Lènkè Condé et autres en leur compagnie, je crois que c’est un succès pour moi.
La mort est inévitable. Je souhaite pour tout un chacun que cette fatalité, nous rattrape dans une dimension à forte religion.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews