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Que sont-ils devenus ? Kova Bavogui, musicien guitariste, relate son parcours, lance son cri de cœur et plaide en faveur des musiciens de devoir

Il s’appelle Bavogui Kova, artiste musicien, guitariste et professeur de lycée. Kova a gravi toutes les étapes sur le plan de la formation scolaire et universitaire. De l’école primaire suivie à Gueckédou, aux études du collège dispersées  entre Guéckedou, Tanènè Bouramaya Ouassou (Dubréka) et Binikala dans son Macenta natal, Kova Bavogui obtiendra son baccalauréat au lycée Almamy Samory Touré dans la Préfecture de Kérouané.

Orienté à l’Institut Polytechnique de Kankan à la faculté des sciences sociales, il a obtenu son diplôme d’études supérieures dans la filière Histoire Sociologie.

Votre site électronique Guineenews, a été reçu par Kova Bavogui à son domicile situé au quartier Cameroun et plus précisément à la Paillote. L’artiste musicien guitariste à cœur ouvert, s’est prêté aux questions de votre rubrique ‘’Que sont-ils devenus ?’’

Pour parler de l’aisance artistique qu’il développe et qui lui fait compter aujourd’hui près de cinquante ans d’expériences, assez calme, Kova y va lentement et résume que c’est à partir d’une petite passion qui finalement est devenue grande qu’il s’est retrouvé dans ce monde artistique.

Persuadé, qu’il n’a eu aucun maitre à la guitare et cependant qu’il a eu des idoles (Les 4 congolais, Sékou Diabaté Bembeya, feu Sékou Docteur, feu Lansana Condé du Horoya band…) à ses débuts, Kova Bavogui nous retrace son parcours à partir de Gueckedou-Macenta-Kerouané-Kankan et finalement en 1982 au sein de l’emblématique formation, le Bembeya Jazz national.

En compagnie du Bembeya pour une tournée européenne, Kova trouve en cette péripétie son meilleur souvenir et se garde de relater les mauvais. Sinon c’est avec ce même ensemble avec qui à notre humble avis un mauvais souvenir demeure, car une démission du groupe s’en était suivie. Ce n’est point une histoire de déterrer les haches de guerre.

Sa santé plus ou moins parfaite comme il l’indique, Kova conservateur et rassuré de la valeur de nos richesses culturelles, donne son point de vue sur la musique guinéenne et fustige la lancée actuelle qui ressemble à une quête d’identité de la part de nos jeunes artistes.

Dans cette interview, Kova Bavogui nous parle de ces diverses sources de revenus, ses perspectives, notamment son inspiration qui lui a conduit à écrire un livre sur la génération du Bembeya de 1982 à 2000 et qui est en voie de relecture chez Harmatan Guinée.

Son cri de cœur qui résume cette interview, est celui qui concerne tous ces anciens acteurs du secteur des arts, de la culture et des sports. ‘’Nous sommes abandonnés à nous même ’’, a-t-il fait savoir.

Lisez l’interview

Guineenews : On s’intéresse à vous à travers votre métier d’artiste. Dites-nous comment en êtes-vous arrivé là ?

Bavogui Kova : Difficile pour nous de vous tenir longtemps en haleine par rapport au récit de notre passé ou présent. Il a fallu juste une petite passion qui est devenue grande. J’ai vraiment aimé être musicien. Et dès l’instant où j’ai vu mes frères ou mes tontons opérer au sein du Kébéndo Jazz. Je me suis inscrit dans le mouvement pionnier, pour juste venir les écouter, capter les belles notes et pour enfin les restituer à travers ma petite guitare préfabriquée.

J’avais une oreille musicale et cela m’a donné du courage pour aboutir à ce que je suis devenu aujourd’hui. J’ai donc aimé la musique et pour la petite information, si cela est une chance, je vous informe que je n’ai jamais eu de maitre à la guitare.

Guineenews : Aucun maitre à la guitare aviez-vous eu au moins des idoles à vos débuts ?

Bavogui Kova : Bien sûr, j’ai eu des idoles. Il y a les 4 Congolais qui m’ont beaucoup fasciné à Guéckédou. Leur passage au sein du Kébéndo Jazz a apporté du sang neuf à cet ensemble qui, d’ailleurs, rivalisait d’ardeur avec le Bembeya d’antan. A part ces Congolais, les guitaristes feu Sékou Docteur, Sékou Bembeya, feu Lansana Condé du Horoya band pour ne citer que ceux-là, m’ont tous impressionné.

Guineenews : Parlez-nous de votre parcours musical ?

Bavogui Kova : A mes débuts, j’ai appartenu au mini orchestre de Guéckédou. Lors des soirées dansantes, l’on succédait au Kébéndo pendant les poses pour animer pendant 15 à 20 minutes. Du Kébéndo, je me retrouve dans l’orchestre de l’arrondissement de Binikala (Macenta) où, je suis venu après le passage d’Ahmed Caba des Sofas de la Camayenne. Après une année passée au sein de cet ensemble, je me suis retrouvé dans le Sanankoro Sofas de Kérouané par le truchement de feu Djélimoussa Koita, ex-bassiste du Palm Jazz de Macenta et de l’orchestre Kèlètigui et ses tambourini. Il a sollicité ma présence suite au départ pour Abidjan, du grand guitariste Ousmane Kouyaté qui avait rejoint les Ambassadeurs. Je fus tout au début 2ème accompagnateur puis soliste pendant 4 ans.

L’étape suivante de mon parcours fut le 22 band de Kankan où j’ai tenu aussi la guitare solo et parallèlement j’ai appartenu aussi à l’orchestre universitaire de Kankan.

En 1982, par le canal de feu Mory Sidibé communément appelé ‘’Mory T.A.B.’’, je me suis retrouvé au sein du Bembeya jazz national en qualité de bassiste, auprès de feu Youssouf Bah et de Bambino Diabaté. Après ma démission du Bembeya jazz, j’ai appartenu au gombo jazz de Maitre Barry, au groupe dénommé ‘’Kèlèti Inter’’ qui a été mis sur pied par feu Papa Kouyaté et dont j’ai été le chef d’orchestre.

Guineenews : Un riche et long parcours musical tel le vôtre, regorge certainement des bons et mauvais souvenirs. Pouvez-vous nous raconter quelques-uns ?

Bavogui Kova : Je crois que le plus beau souvenir que je garde encore, est cette possibilité qui m’a été offerte de découvrir l’Europe. Il faut reconnaitre qu’aller en Europe, réaliser 2 à 3 albums, je garde ce beau souvenir en plus des contacts dont nous avions eu avec ce monde parsemé de grands artistes et d’opérateurs culturels. Cette tournée m’a permis d’ouvrir et d’élargir mes horizons.

C’est lors de ce périple européen que j’ai eu l’occasion de rencontrer le grand bassiste GUY SANGUE qui m’a toujours envoûté. A l’écouter bien avant qu’on ne se rencontre, je me disais est-ce que ce n’est pas une machine qui jouait la basse. Donc toutes ces circonstances demeurent de très bons souvenirs pour moi.

Pour les plus mauvais souvenirs, il y en a également. Mais, je préfère les garder pour moi au risque de déterrer des haches de guerre. Le pardon a eu sa place et je continue ma route.

Guineenews : Ces derniers temps votre état de santé n’était pas au beau fixe. Comment vous vous portez présentement ?

 Bavogui Kova : Ces derniers temps, j’ai connu pas mal de problèmes de santé qui évoluent en dent de scie.

Je souffre d’une hernie discale. Après tous ces nombreux bilans, je suis en train de me soigner et les résultats sont palpables. Permettez-moi de remercier à travers cette interview mon Directeur national Jean Baptiste Williams, qui m’a apporté son aide tant moral que financier, ainsi que le Secrétaire général Isto Kéira qui a assuré un moment le prix d’un billet d’avion me permettant d’aller me soigner. Sans oublier tous ceux qui de près ou de loin m’ont soutenu dans cette difficile période, je dis merci.

Guineenews : Parlant de l’actuelle musique guinéenne, peut-on savoir votre point de vue en tant qu’artiste musicien ?

Bavogui Kova : Je ne cesserai de le dire et souvent les gens ne comprennent pas ma position. D’aucun qualifie cette position de méchanceté ou d’aigreur. Je félicite certains d’entre eux de la nouvelle génération qui évoluent tant bien que mal. Le souci est que ces jeunes sont en quête d’identité si je puis m’exprimer de cette façon. Tout simplement parce qu’ils n’ont pas su prendre à bras le corps cet héritage légué par nos anciens. Notre génération a bien su exploiter cette précieuse fortune au vivant même de nos ainés et nous avons continué à aller dans le même sillage tracé par eux.

Plusieurs parmi la nouvelle génération, pensent qu’il faut aller imiter les autres pour être mieux consommés sur l’échiquier international. On peut être ouvert à d’autres cultures et tout en restant soi-même et c’est ce qui manque à cette génération. Ainsi, je demande toujours aux musiciens de revenir sur terre.

Pour ceux-là qui ont connu la Révolution culturelle socialiste de 1968, on s’est dit qu’à partir de cet instant, qu’il faille sortir de la trajectoire imposée par le colonisateur pour désormais valoriser notre culture. Aujourd’hui à écouter les musiques d’une frange de cette génération, on ne sait plus si, ils sont Américains, Européens ou Guinéens.

Il y en a qui ont réussi sur cette voie et qui continuent à nous faire savourer ce riche folklore guinéen. Je ne veux pas faire de jaloux et je suis sûr que chacun se reconnaitra dans son véritable registre.

Guineenews : Quelles sont vos sources de revenus ?

Bavogui Kova : Mes sources de revenus sont principalement mon salaire de fonctionnaire, et mes différentes rétributions au niveau de la musique. Malheureusement, avec cette pandémie, tout est bloqué de ce côté. Je perçois aussi mes droits d’auteur auprès du BGDA.

Par ailleurs, j’ai un petit café qui me rapporte pas mal et en plus mon épouse qui gère une boutique vient en appoint pour la subsistance familiale, sans oublier nos enfants qui sont grands et qui nous viennent aussi en appui.

Guineenews : Que comptez-vous faire dans le futur 

Bavogui Kova : Sur le plan musical, aujourd’hui j’évolue avec le 22 band de Kankan version Conakry.

En dépit de cela, je suis en train d’écrire un livre c’est une perspective qui m’a pris près de 4 ans. Le titre du livre est : la troisième génération du Bembeya de 1982 à 2000. Vous trouverez dans ce livre les biographies des musiciens qui ont appartenu à cette 3ème génération. La particularité de ce livre est dû au fait que je ne suis pas parti voir quiconque pour l’écrire. J’ai été témoin et acteur des choses. Pendant cette période de 1982 à 2000, j’ai vécu toutes les péripéties.

Ce qui m’a beaucoup inspiré, c’est le livre de Justin Morel Junior.  Cette œuvre m’a fouetté l’esprit et cela puisque, je ne me suis pas retrouvé et ni mes amis sur aucune des pages écrites de l’histoire du Bembeya.

J’ai donc écrit pour immortaliser ces amis. Et Dieu merci, le travail est en bonne voie et très bientôt je vais déposer le livre au niveau de l’Harmatan pour encore une autre relecture.

Guineenews : Avez-vous à l’instant un cri de cœur ?

Bavogui Kova : Oui ! Ce qui me dérange c’est le fait que nous soyons abandonnés à nous même. Des personnes et groupes de ressources peuvent être soutenus par l’Etat. Le Département de la culture peut prendre en charge plein d’ensembles. Le groupe Standard de feu Petit Condé, Maitre Barry en compagnie de ces multiples groupes, le 22 band, même Kèlètigui inter à son époque, sont en somme des ensembles qui pouvaient rehausser davantage la culture guinéenne. Ce sont des groupes qui se réunissent et qui ont un répertoire après des répétitions bien encadrées.

Si j’ai un cri de cœur, c’est à cause de ce manque d’appui de la part des autorités.

Je suis très fier de mon parcours. Néanmoins, je vous dis, si je ris d’un œil et sachez que je pleure de l’autre. Rire de cet œil, je me réjouis du parcours dont aujourd’hui fait de moi et des autres des artistes et musiciens de devoir.

Pleurer de l’autre œil, c’est simplement  le souci de s’interroger comment tout cela va être perçu, après notre génération. Je le disais un jour à la Paillote, qu’on finira par donner raison à l’ancienne génération. Ces ‘’vieux pères’’, comme ils aiment nous appeler, pourtant qui n’ont rien eu et qui n’ont pas mis l’argent au-devant de leurs prestations et qui s’étaient contenté simplement des applaudissements et du regard sincère et franc des autorités de l’époque, sont et demeurent des repères.

Entretien réalisé par LY Abdoul pou Guineenews

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