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Que sont-ils devenus ? : Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’, ex-international du Hafia FC et du Syli national de Guinée se souvient, et parle de son parcours des années 70-80 (suite et fin)

« …venir au secours des ‘’fiertés oubliées’’ est un devoir suprême… »

Dans la deuxième partie de cet entretien, Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’, deux fois sacré champion d’Afrique des clubs, nous situe sur l’impact de ces consécrations sur sa vie, et celles de ses coéquipiers. Il s’étale sur ses rôles apportés au milieu du terrain guinéen, désigne ses complices de jeu, qui l’on marqué au sein du Hafia et du Syli national, et les footballeurs sur le plan continental, qui ont retenu son attention. Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’, nous étale ses atouts techniques, son potentiel athlétique, et dévoile les secrets de son endurance prouvée, lors des rencontres. Plus ou moins frustré par des comportements d’ingratitude, il dénonce son cas vécu, et monte au créneau, pour attirer l’attention sur ce manque de considérations, éprouvé à l’égard de l’ensemble de ses anciens coéquipiers, synonyme pour lui, de simple éviction de l’histoire du football guinéen. Dans cet entretien et sous aucune réserve, ‘’Soumaila’’ (comme l’appelle son camarade du primaire à Coléah Jean-Baptiste Williams), nous établit un parallèle manifeste, entre la gestion du football de son temps, et celle actuelle. Quant à son retour définitif au bercail, ou son avenir en tant que futur sélectionneur sur le banc de touche, ou quelle touche de mains compte-t-il apporter au football guinéen, ce sont là autant de questions auxquelles le ‘’ventilateur’’ ou le ‘’poumon d’acier’’ du Hafia football club et du Syli national des années 70-80, apporte ses réponses dans cet entretien, à la fin duquel, il s’adresse à nos lecteurs.

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Guinéenews : Sacré deux fois champion d’Afrique, qu’est-ce que ces titres représentent pour vous et ces consécrations ont-t-elles apporter un changement dans votre vie ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : J’avoue que de mon côté, toutes ces consécrations n’ont rien changé à ma vie. Nous avions connu toutes les considérations de la part du peuple de Guinée, qui jusqu’à présent, se rappelle de nous. Malgré que j’aie pris du poids, les gens viennent toujours vers moi, pour me congratuler. Nos amis sont décédés ici dans un dénuement total, il y en  a d’autres couchés dans leurs lits de malade, sans aucun soutien, et qui pourtant étaient des champions applaudis partout. Qu’est-ce que donc ces consécrations ont apporté à quelqu’un parmi nous ? Je vous renvoie la question.

Guinéenews : Au sein du Hafia football club, qui était confondu au Syli national de l’époque, avec quels joueurs vous vous êtes le mieux compris, ou senti à l’aise sur la pelouse, et quel est le joueur qui vous a le plus impressionné au sein de tout cet effectif ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : A part ce choix de joueur dont vous voulez faire cas, vous savez sur le terrain, j’avais un esprit très collectif, et je couvrais bien le terrain. Je me donnais à fond, quand je jouais avec mes amis, sachant que ceux qui jouaient devant, n’avaient pas le même souffle que moi. Il fallait donc fournir le maximum d’effort pour les soutenir. Ils ont été toujours à l’aise en ma compagnie. Je servais tout le monde, sans égoïsme, et je me privais même, au profit du jeu collectif. L’essentiel pour moi c’était la victoire. Pour répondre à votre question, franchement ma complicité était extraordinaire avec feu Papa Camara et feu Mory Koné (paix à leurs âmes). Quand Papa Camara, abattait un effort sur le plan offensif par exemple, au moment où il repliait, et que je sentais qu’il était au bout du souffle, pour l’encourager, je le disais ceci : « EVA CORSO ». Et il me répondait le plus souvent en susu « i man bara a folo », littéralement traduit en français « tu as recommencé encore.. ». EVA, c’était le surnom de sa petite copine, qu’il adorait, et une fois ce nom prononcé, Papa se redonnait encore du courage. Tous les joueurs du Hafia et du Syli national d’antan, m’avaient impressionné. Chacun à son poste, ils étaient tous bourrés de talents.

Guinéenews : Sur le plan africain et international, quel est le footballeur qui a le plus attiré votre attention ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Il y a le malien feu Salif Keita ‘’Domingo’’, qui m’a beaucoup impressionné. Il y a cet autre joueur tunisien Tarak, qui était un excellent demi-offensif. Je l’ai beaucoup admiré, et il a toujours eu un maximum de respect pour moi, à chaque fin de match contre la Guinée.  

Guinéenews : Quels étaient vos atouts techniques sur le terrain ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : J’avais une très bonne protection de balle, et du coup je venais toujours protéger mes coéquipiers en difficultés. J’ai toujours utilisé mon intelligence sur le terrain, d’où j’avais un bon sens de placement, et une bonne occupation du terrain. Mes amis se fatiguaient moins avec ma présence sur le terrain. Si la force de frappe était un atout chez moi, je serai le meilleur buteur du groupe car, je distribuais beaucoup d’occasions en passes décisives pour les autres. Malgré ma petite taille, je sautais parfois plus haut dans les camps des défenses adverses, pour marquer des buts. Je me rappelle du but marqué de la tête contre l’équipe de Saint-Etienne à Abidjan, lors de l’inauguration du stade Félix Houphouët Boigny. Ce jour, j’avais sauté plus haut, face à ces grands défenseurs français de l’époque, tels Christian Lopez et autres.

Guinéenews : Plusieurs de vos admirateurs parlent de votre côté athlétique, et surtout de l’endurance que vous conservez constamment durant les 90 minutes et plus. Peut-on savoir la source de toutes ces énergies qui se dégageaient en vous ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Les sources de mon énergie, provenaient du sérieux, que j’observais lors des entrainements, et en dehors même. Dans la vie sportive, j’ai été très respectueux des principes et règles, qui régissent la pratique du football. J’ai été toujours sérieux dans la vie, je n’ai jamais fumé, ni goutter à l’alcool, à plus forte raison s’adonner à d’autres vices. Toutes ces énergies, je dirais, découlaient de mes comportements.

Guinéenews : Intéressez-vous aujourd’hui au football guinéen, et quel est votre point de vue sur l’évolution de ce football ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Il fut un moment où je m’intéressais bien au football guinéen. Chaque fois, je venais suivre quelques matchs au stade. Qu’est-ce qui m’a démotivé, un jour je fus bloqué à la rentrée par un militaire, qui ne m’a pas écouter suite à toutes les présentations faites. Heureusement derrière moi, il y avait le Général Biro de l’Etat-major, qui avait intervenu afin qu’on me libère le passage. C’est frustrant de vivre de tels faits. Présentement, les anciens n’ont aucune considération dans ce pays, et ils ne sont même pas représentés dans les structures du football. Je déplore et condamne énergiquement ces actes de laisser pour compte, que vivent les anciens. Tout récemment, quand Paul Pogba est arrivé en Guinée, le chef de l’Etat était présent au stade. Chérif Souleymane l’unique ballon d’or africain de Guinée, était absent, puisque non invité à cette manifestation. Voyez le récent match de la Guinée contre l’Algérie. Tout le monde avait vu Benzema à la tribune, venu assister, et supporté son pays d’origine, bien qu’il n’ait jamais joué pour son pays. Ce sont des types d’exemples qu’il faille suivre dans ce pays. Nous sommes frustrés dans ce pays, et ce sont toutes ses raisons, qui font que beaucoup d’entre nous ne s’intéressent plus au football guinéen, qu’ils ont tant connu et pratiqué.

Guinéenews : Toutes ces explications qui contournent la question, voudraient simplement dire que vous ne vous intéressez pas au football guinéen ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Vous savez, je suis quelqu’un qui n’aime pas être ridiculisé. Même sur le terrain, je n’ai jamais aimé être humilié. Une fois que je rentre et que je suis sur la pelouse, c’est pour la victoire et c’est simplement pour gagner. Il y a beaucoup de choses à revoir au sein du football guinéen, et ce n’est pas puisque je ne m’intéresse pas à ce qui se passe dans mon pays.

Guinéenews : La gestion du football guinéen a connu assez de difficultés ces derniers temps, et ce qui a valu à des moments même l’installation des comités de normalisation (CONOR). Vous n’aviez pas connu et vécu ces moments, et quels parallèles pourriez-vous faire entre la gestion du football à votre temps et celles que nous vivons présentement?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Il faut oser le dire, que la fédération guinéenne de football de notre temps, de notre génération, était dirigée par des hommes très responsables et matures. A l’époque, on était jeune et quand on rencontrait dans la rue, feu Jo Kounta ou feu N’Famara Camara ‘’Député’’ par exemple, on se cachait, et à plus forte raison, oser s’exposer avec une fille. Ils étaient responsables, rigoureux en dehors même du stade, ou du terrain de football. Ils s’immisçaient même dans notre éducation au niveau de la famille et à l’école. Ils avaient une rigueur, un respect pour les principes. Aujourd’hui, il ne faut pas en vouloir aux jeunes, ni aux responsables. Les temps ne sont pas les mêmes, les vieilles et bonnes habitudes ont disparues. Aujourd’hui, les jeunes ont de l’argent, qu’ils mettent le plus souvent à profit pour dérouter les responsables véreux. Vous ne me direz pas le contraire, des exemples concrets de comportements impropres, ont été à maintes fois signalés lors des rassemblements de ces jeunes joueurs. A qui la faute ? Pendant que le joueur peut acheter une maison pour son dirigeant, et celui-ci qui ne souhaite pas mieux, sera sourd et muet face à tout comportement de ce joueur. Les responsables doivent avoir des caractères, ils doivent se dominer face aux tentations, et s’occuper réellement de la gestion des ressources humaines à disposition.

Guinéenews : C’est pourquoi votre véritable retour au pays et apporter sa contribution au développement du football ou du sport en général est nécessaire. Peut-on savoir, c’est pour quand vous envisager votre retour définitif au  bercail ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Mon retour serait certainement callé entre 2025-2026. Et je reviendrai à Yorokoguia (Dubréka) auprès d’Antonio Souaré, qui est un ami d’enfance, et avec qui j’ai passé plusieurs étapes de la vie de jeunesse.

Guinéenews : Plusieurs anciens internationaux après leurs carrières se sont lancés dans le métier d’entraineur. Ce domaine de sélectionneur vous intéresse-t-il ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Non pour le moment, je ne suis pas intéressé par cette carrière d’entraineur, comme beaucoup d’anciens footballeurs, qui pratiquent et réussissent dans cette reconversion. Ce n’est pas trop mon profil.

Guinéenews : Qu’apportez-vous aujourd’hui pratiquement au football guinéen ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Après un constat de plusieurs annéesje ne peux apporter pour le moment, que des conseils. Des conseils allant dans le sens de la réconciliation. Les footballeurs guinéens en ont besoin, et que cela soit au niveau des anciens, qu’au niveau de ceux qui sont en activités. Il y a des mésententes, qui minent ce milieu sportif. Dès que vous arrivez dans ce milieu, vous remarquerez ces conflits générationnels, qui divise les footballeurs. Ce sont des conflits connus par tout le monde, et qu’on laisse perdurer, au détriment de la quiétude sociale, qui devrait être le mot d’ordre de chacun dans ce type d’association. Cela me fait très mal quand je suis présent, et que cela se matérialise lors de nos rencontres. On ne se réunit pas en association pour reculer, ou gérer à chaque moment des faux problèmes. Soyons ensemble pour avancer, et résoudre nos problèmes cruciaux, qui sont là au vu, et au su de tout le monde.

Guinéenews : Nombreux parmi vos sociétaires ont rejoint l’au-delà, après une déchéance totale. Avez-vous un message à lancer à propos de ces douloureuses fins, qui couronnent la vie de nos vieux champions ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Dans la vie j’ai toujours gardé l’espoir. Je ne m’attends à rien qui ne soit le fruit de mon effort. Nos devanciers ont œuvré pour ce pays, pour la nation. Ils n’ont pas bénéficié des récompenses qu’ils méritaient de leurs vivants. Et ce que je n’aimerais pas, quand je ne serais plus en vie, c’est venir glorifier mon cadavre dans un cercueil. C’est le moment de le faire, c’est à mon vivant. Me décorer ou décorer le cercueil NON ! C’est parfait et agréable de partager avec tout le monde, le plaisir, ou les joies qui entourent ces médailles octroyées à son vivant. Je ne souhaiterais pas bénéficier de ce type d’hommage à titre posthume. C’est devenu coutumier en Guinée, de reconnaitre les autres, seulement quand ils ne sont plus en vie. Pourquoi ne pas venir au secours des gens, quand ils en ont besoin. Actuellement où je vous parle, il y a plusieurs entre nous, qui sont sérieusement malades, et qui ne bénéficient d’aucun soutien. C’est regrettable, et nous espérons que des dispositions seront prises à l’avenir pour rectifier ces tirs maladroits.

Guinéenews : Sur le plan santé, comment vous vous portez, et votre carnet est-il vierge ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Je me porte bien grâce à Dieu, et tout va pour le mieux, à part que j’ai pris du poids. Alhamdoulilahi, je ne me plains pas pour le moment sur le plan de la santé.

Guinéenews : Un message à l’endroit des lecteurs de Guinéenews ?

Ismaël Sylla ‘’Euzobe’’ : Je souhaiterais que les lecteurs de ce site, tirent de meilleurs profits de cet entretien, que vous avez bien voulu m’accorder. Cette façon de faire, est encore mieux, que de s’asseoir écrire, ou raconter quoi que ce soit sur les gens, ou parler des moments qu’on n’a pas vécus. Il faut écouter les acteursqui sont les mieux placés pour raconter les faits. Merci à vous, et tenez bon, car ce n’est pas facile de penser, et soutenir les anciens dans ce pays.

Guinéenews : Le plaisir a été partagé et nous vous remercions de votre disponibilité. Très bon séjour à vous.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews.

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