Aissata Camara alias ‘’commandant’’ est une actrice-comédienne de la troupe Benso Sodia. Née à Kankan, elle est la fille de feu Moussa et de feue Sayon Camara. Mariée, Aissata Camara est veuve et mère de 2 garçons dont 1 vivant.
Elle affirme n’avoir pas eu la chance de fréquenter l’école au temps colonial, cependant qu’elle avait un véritable penchant pour la langue française. Elle croit bien que c’est à cause de ce déficit de langue, qu’elle s’emporte beaucoup plus dans la comédie et s’exprime comme elle veut, et l’entend dans un ‘’meilleur français’’, qu’elle fabrique et communique sans tâtonnement, à la satisfaction du public dit-elle.
Aissata Camara s’est très tôt amourachée de la culture, précisément de la danse. Elle a été au carrefour de la vulgarisation de la danse traditionnelle dénommée ‘’Goumbé’’ à Kankan. Elle a appartenu à la troupe théâtrale d’alors du quartier Sogbè, et celle fédérale de Kankan dans son volet folklore. C’est après la bague au doigt, qu’elle rejoindra Conakry (camp Alpha Yaya) en compagnie de son mari, militaire de la classe 62. Aissata Camara va intégrer à Conakry pour la première fois la troupe ‘’sabou’’, qui fera fusion plus tard avec la troupe ‘’Benso Sodia’’.
La doyenne Aissata Camara ne retenant pas les dates exactes de ses différentes intégrations dans ces troupes théâtrales, déduit au moins avoir servi le théâtre guinéen pendant plus de 3 décennies.
Pour un parcours bien rempli au sein des troupes ‘’Sabou’’, ‘’Benso Sodia’’ et dans l’art guinéen en général, l’actrice comédienne Aissata Camara se plaint aujourd’hui de ses dérisoires conditions de vie qu’elle est en train de mener. En résumé, dans cet entretien accordé à Guinéenews, elle lance un appel au Général Mamady Doumbouya, et aux autorités en charge de la culture de venir à son assistance.
Un seul mot d’ordre pour la rubrique ‘’Que sont-ils devenus ? ‘’. « Venons au secours de nos fiertés oubliées ».
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Guinéenews : Bonjour madame, Guinéenews se déplace pour parler de théâtre avec vous. Pouvez-vous nous dire comment vous êtes venue au théâtre ?
Aissata Camara : Je vous remercie d’être venu me rencontrer. J’ai toujours soif de m’exprimer aux micros des journalistes car, c’est vous qui savez nous vendre à bon et à vil prix. C’est vrai que je ne peux pas vous dire exactement ma date de naissance et ne m’en voulez pas. Je regrette ce fait et néanmoins, le français dont je parle est clair (rires). J’ai commencé le théâtre à bas âge. Très jeune, j’étais plus intéressée à la danse. Après les travaux champêtres autour du feu, nous dansions toute la nuit, surtout quand c’est un évènement qu’il faut célébrer. Je faisais partie d’un groupe de jeunes, qui avions valorisé et vulgarisé à Kankan, la danse traditionnelle appelée ‘’Goumbé’. C’est une danse, qui a eu du succès à Kankan, et en plus de notre groupe, plusieurs autres groupes de danses du ‘’Goumbé’’ ont vu jour. Je faisais le même groupe de danse que l’ex-tumbiste du Bembeya jazz national feu Siaka Diabaté, qu’on appelait communément ‘’Siaka kudunin’’, littéralement traduit en français ‘’ Siaka le nain’’. Dans le même groupe, il y avait Mory Keita, Fantagbè et plusieurs jeunes de notre âge. Notre groupe fut assez célèbre à Kankan et nous avions joué du théâtre pour notre quartier Sogbè. Progressivement, j’ai évolué dans le théâtre, jusqu’à intégrer la troupe fédérale de Kankan. Là, j’ai évolué dans le folklore et j’ai même une fois participé à un festival national à Conakry. C’est le résumé de mon parcours théâtral à Kankan.
Guinéenews : Votre parcours d’artiste ou d’acteur de théâtre à Kankan est peu connu par le public. Votre célébrité dans le théâtre et le cinéma s’est confirmé à Conakry en compagnie des troupes théâtrales de la capitale. Dites-nous, comment vous avez intégrez ces troupes théâtrales ?
Aissata Camara : C’est après mon mariage que j’ai rejoint Conakry avec mon mari Sékou Kourouma, qui était militaire et appartenait à la classe 62. Nous logions au camp Alpha Yaya dans les bâtiments qu’on appelait ‘’camp des mariés’’. C’est à partir du camp Alpha Yaya que Bangaly Nadoua, est venu demander à mon mari, de le laisser m’inscrire dans sa troupe théâtrale ‘’Sabou’’. Bangaly Nadoua est aussi le fondateur de la troupe Benso sodia. J’ai passé 5 ans dans la troupe ‘’Sabou’’, avant d’appartenir à la version ‘’Benso Sodia’’, née de la fusion avec ‘’Sabu’’. Je suis actuellement et jusqu’ici membre de la troupe Benso Sodia.
Guinéenews : Parlez-nous de vos prestations avec ces différentes troupes, et dans le théâtre guinéen en général ?
Aissata Camara : J’ai commencé mes prestations dans la troupe ‘’Sabou’’ et c’est au sein de cette troupe, que j’ai commencé à me distinguer dans les films ‘’Nioumagbè’’, ‘’Dyélimankan’’, ‘’ N’tamagno’’ et dans plusieurs autres films. C’est dans la troupe ‘’Benso Sodia’’ que nous avions effectué beaucoup de tournées à l’intérieur du pays et à l’extérieur. J’ai joué aussi dans plusieurs films au sein de Sodia, une trentaine environ. La troupe a eu assez de succès en République du Mali et au Burkina Faso. Nous avions sillonné beaucoup de villes de ces différents pays, où nous avions produit de merveilleux spectacles.
Guinéenews : Gardez-vous encore des souvenirs inoubliables de toutes ces tournées ou de votre parcours dans le domaine théâtral ?
Aissata Camara : Je garde pleins de bons souvenirs dans mon parcours artistique. Le film ‘’Nioumagbè’’ est un souvenir inoubliable pour moi. Ma participation dans ce film fut un succès. Je pense aussi à ma première sortie pour Bamako. Imaginez qu’en partant, je n’avais que deux complets dans mon sac de voyage. Et au retour, grâce à toutes ces prestations, je suis retourné à Conakry, avec plus de 30 complets de basins dans ma valise. C’est un souvenir qui reste et qui m’a beaucoup encouragé dans l’exercice de l’art. J’ai plusieurs souvenirs dans le domaine de l’art et c’est un monde de sourire, de gaieté.
Guinéenews : Vous êtes présente le plus souvent dans les clips-vidéo des artistes, dans des films et d’autres sketchs. Comment parvenez-vous parvenez à gérer tout cela ?
Aissata Camara : Evidemment, je suis le plus souvent sollicitée par les artistes dans différents clip-vidéos de leurs chansons, qui passent à la télé. Dès fois, ce sont des parties comiques qui le plus souvent attirent l’attention des artistes, et j’essaye toujours d’apporter le maximum de plaisir pour satisfaire la demande. Je n’oublierai pas le titre ‘’Koro ta sila’’ de Sékouba Bambino Diabaté, où j’ai joué de la comédie légère au niveau des pas de danse. D’autres réalisateurs m’invitent aussi à jouer des rôles dans leurs films. C’est le cas de Amara Douno alias ‘’Billy’’, dans son film intitulé ‘’Soka’’, j’ai joué un rôle qui avait apporté de l’intérêt au sujet développé. J’ai même joué dans un film de long métrage, dont une partie a été réalisée en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, on nous confie le plus souvent des sketchs de sensibilisation, autour de plusieurs thèmes d’actualités. Je parviens toujours à gérer toutes ses sollicitations dans la mesure du possible, et à la satisfaction du demandeur et du public qui me suit.
Guinéenews : Selon nos estimations à travers vos explications des faits, vous avoisinez aujourd’hui près de 30 ans d’expériences au service de l’art. Qu’est-ce que cet art vous a rapporté, et bien entendu qu’il y a un bon moment, à l’instar des autres troupes nationales, votre troupe Benso Sodia est moins ou même pas productive ?
Aissata Camara : A des moments donnés, je gagnais quotidiennement. A notre temps, nous avions fait le théâtre, pas pour l’argent. C’était notre façon de participer au développement de notre culture, en véhiculant des messages instructifs, qui ont toujours servi le peuple. Aujourd’hui, il faut reconnaître que nous n’avons rien eu, à part ces applaudissements et félicitations. Ce théâtre m’a rapporté certes des relations qui, par moment, me couvrent et me servent tant bien que mal. Je vis et respire sous le toit de mon second fils. Sous ce même toit, en plus de ses 6 enfants, mon fils entretien 10 de mes petits-enfants, de mon premier garçon qui est décédé. C’est une énorme charge qu’il supporte.
Guinéenews : Dans votre état actuel, pendant que vous n’avez aucune source de revenu et vos activités culturelles sont amoindries, avez-vous un appel à lancer aux autorités en charge de la culture ?
Aissata Camara : Le premier message à lancer, c’est à l’endroit du président de la transition, le Général de corps d’armée Mamady Doumbouya. Mon général, venez à mon secours, je n’ai ni père, ni mère, ni mari. J’ai beaucoup fait pour ce pays, en retour il faut penser à nous. Nous voulons sortir de cette situation de mendicité que nous ne méritons pas. Quant aux dirigeants de la culture, nous leur demandons aussi de venir à notre secours, de penser à rehausser le niveau de la culture guinéenne, en mettant les moyens à la disposition des artistes. Il n’y a pas de jeunes ou vieux artistes. L’essentiel c’est de pouvoir accomplir la mission qui nous est dévolue sur scène ou dans les films. Ne faites pas de différence entre les générations.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews