Les étoiles s’alignent-elles pour la réalisation du projet d’exploitation du minerai de fer du Mont Simandou situé au sud de la Guinée et qui nécessite des milliards de dollars d’investissement en infrastructure férroviaire, portuaire et minière? Le géant minier Rio Tinto est décidé – à travers son nouveau PDG – à lancer ce projet, le cours du minerai de fer est au plus haut et le détenteur de l’autre moitié de Simandou le consortium SMB-Winning a même déjà commencé les travaux et ce, avant même d’avoir fini les études de faisabilité et obtenu le financement. Une autre opportunité pour la Guinée?
Guinéenews qui a suivi la saga de ce projet depuis son inception est quasi optimiste que cette fois ci est la bonne sauf bien sur un cas de force majeure comme on l’a vu avec l’arrêt des activités suite à la pandémie qui a affecté le monde entier. Même le coup d’état du 5 septembre 2021 – loin de retarder a plutôt accéléré le projet tant les promoteurs des quatre blocs (Rio et SMB-Winning) sont préssés de lancer les travaux pour profiter du cours flambant du minerai de fer sur le marché mondial.
Le tête-à-tête il y a une semaine du PDG de Rio Tinto le danois Jakob Stausholm (au salaire de 18 millions de dollars en 2020) et le chef de l’état guinéen Mamadi Doumbouya (au salaire inconnu) a fait la différence. Alors qu’une forte partie de la bureaucratie minière guinéenne accuse Rio d’avoir voulu géler le projet Simandou, Stausholm a expliqué à Doumbouya la détermination de Rio à mener à bien ce projet et surtout a insisté sur ses capacités et sa volonté de le faire. Rio sait très bien que les Guinéens ne comprennent pas pourquoi depuis 1997 date à laquelle elle a obtenu la concession de tout Simandou (Blocs 1,2,3 et 4) une multinationale comme elle n’a pu faire aucun travail dans ce riche gisement de classe mondiale.
Des occasions ratées à répétition
Bien entendu pour ceux qui ont suivi la saga de Simandou, ce retard n’est pas totalement dû à Rio, mais à une confluence d’évènements parfois qui dépassent la Guinée.
En effet, 11 ans après l’octroi de la Concession de Simandou à Rio, le gouvernement guinéen perdra patience et en 2008 décidera d’appliquer le code minier de l’époque en retirant la moitié du gisement pour l’octroyer à un diamantaire à la réputation sulfureuse – Beny Steinmetz le franco-israélien qui va défrayer la chronique dans les années qui suivent.
Sonné par cette perte du « joyau de la couronne », Rio va contre-attaquer sur 2 voies: discréditer Beny Steinmetz à l’international et reprendre sérieusement les études pour convaincre le gouvernement guinéen qu’elle est décidée à la réalisation du projet.
Puis vint la mort de Lansana Conté et le coup d’état de Moussa Dadis Camara en décembre 2008. Le marché étant au plus haut, BSRG et Rio délégueront des émissaires de haut niveau pour proposer aux nouvelles autorités leurs services. Mais les dés étaient pipés, Rio, une multinationale sous surveillance par des activistes de plus en plus regardant sur la bonne gouvernance proposera au CNDD de relancer le projet et financer des actions de developpement, pendant que Beny Steinmetz débarquera dans son jet privé et proposera entre autres … des contacts pour former une garde prétorienne pour le chef de la junte à Kaleya. Le choix sera vite fait en faveur de la sécurité du chef de la junte Moussa Dadis Camara, et BSRG ira partout sans succès pour trouver de financement avant de vendre le projet à BCRG à la grande rivale de Rio, la brésilienne Vale pour la somme de 5 milliards de dollars ceci pour un investissement initial de 150 millions de dollars.
Rio furieuse se mit à l’écart confiante que la mauvaise réputation de Beny Steinmetz crééra des problèmes à l’exécution du projet. N’empêche à l’image aujourd’hui du consortium SMB-Winning, BSRG et Vale mettront les bouchées doubles pour rendre le projet irréversible inaugurant même les travaux en attendant les élections qui s’approchaient et mettront fin à la transition cahoteuse du CNDD dont le chef fut bléssé et évacué puis mis en exil et remplacé par son ministre de la défense devenu président de la Transition.
BSRG profitera de la fragilité du CNDD pour faire confirmer sa concession par l’assemblée et du gouvernement de transition etle chef de la junte sera même invité au mariage de la fille de Beny Steinmetz et se fera représenter par Mahmoud Thiam ministre des mines qui prendra fait et cause pour la BSRG contre Rio Tinto qui jurera de lui faire payer cet affront.
Et vint un nouveau régime civil.
La victoire contestée d’Alpha Condé aux élections de 2010, permettra à Rio de revenir à la charge pour relancer le projet. Le milliardaire activiste hongrois Georges Soros – devenu conseiller occulte du nouveau président – sera appelé à la rescousse pour bloquer BSRG.
Avec son armada de consultants et de faiseurs d’images à travers son ONG « Open Society », Soros se servira de la Guinée pour règler son compte avec son vieil ennemi Beny Steinmetz avec qui il avait eu des démélés d’afaire en Europe de l’est. Sur conseil de Soros, le président Alpha Condé va donc réécrire le code minier, lancer un audit des contrats miniers signés sous l’ancien régime.
Et c’est sans surprise que le contrat de BSRG sera révoqué pour « corruption » Et comme il fallait s’y attendre BSRG attaquera la Guinée devant les tribunaux internationaux dans des procès qui vont couter des millions de dollars en frais d’avocats aux deux protagonistes. Quant à Soros, son obectif atteint de se venger sur Steinmetz il tournera le dos à Alpha Condé et refusera même de répondre à ses coups de téléphone.
Le piège des 700 millions de Rio
En avril 2011, Rio Tinto annonce avoir payé 700 millions de dollars à l’état guinéen pour « règler définitivement les contentieux » et consolider son titre de propriété sur les blocs 1 et 2 de Simandou. Ce montant Rio le paiera vu la pression du nouveau gouvernement conseillé par des consultant étrangers dont un certain Francois de Combret qui d’ailleurs se servira au passage 10 millions de dollars sans en informer le président guinéen. Le FMI qui a été mis devant le fait accompli pendant que la Guinée négociait l’annulation de sa dette dans le cadre du PPTE indiquera son mécontentement. L’argent ne sera jamais versé dans les caisses de la BCRG et à date les Guinéens ne savent pas la destination de cette somme. Guinéenews dénoncera ce « piège » mais ses conseils tomberont dans des oreilles de sourds obnubilés par le signe du dollars.
N’empêche, Rio reprendra les études pour le developpement de Simandou quand un acte du président Alpha Condé convaincra Rio qu’avec le régime Condé il n’y aura aucun accord. En mai 2011, Alpha Condé fort de ses 700 millions de dollars et courtisé par tous les miniers du monde informe Rio que la Guinée doit être co-propriétaire du chemin de fer transguinéen. Interrogés par des dirigeants hébétés de Rio comment la Guinée viendra avec sa quote part de plusieurs milliards de dollars pour le financement des rails, Alpha Condé répondra sèchement que la « Guinée étant souveraine, trouvera des partenaires pour venir avec sa quote part ». A ce stade Rio tournera définitivement la page Simandou surtout que les cours du fer dans le marché mondial s’effondraient. Pour assurer sa garde Rio Tinto s’était assurer d’avoir la Chine de son coté et avait auparavant coopte le géant chinois Chinalco en lui offrant 45 % du projet dans une joint venture Simfer.
Bien entendu Alpha Condé n’obtiendra jamais la quote part de la Guinée pour le chemin de fer. Son fils Mohamed Condé, son « ami » Babacar N’Diaye ex président de la Banque Africaine de Developpement (BAD) sillonneront toutes les capitales financières pour se voir poliment dire Non. Le fer étant l’apanage exclusif d’une poignée de multinationales qui acceptent difficilement de nouveaux entrants sans expérience. Entre temps la mauvaise gouvernance, les crises politiques et l’épidémie Ebola rendront la Guinée infréquentables pour les investisseurs « sérieux ».
Simandou au point mort.
Le deuxième mandat d’Alpha Condé réélu en 2015 verra le projet complètement à l’arrêt et sa rentabilité mise en doute à cause des bas cours du fer sur le marché mondial. Rio Tinto, Vale, BSRG se retrouvent dans des combats juridiques en Europe et en Amérique du Nord sur des accusation de complot et de manque de respect de contrat. En octobre 2016, Rio cède sa part et autorise Chinalco d’exploiter le minerai tout seul. Deux ans après Chinalco jete l’éponge le marché étant trop déprimé pour le fer et retourne les blocs à Rio qui a 45 % de la partie la plus riche du gisement.
Les institutions judiciaires vont se meler. Enquêtes de corruption à Londres, Sidney, Génève et Hong Kong, poursuite judiciaires font de Simandou le symbole de la corruption et de la mauvaise gouvernance dans les mines. Rio poursuit Vale qui poursuit BSRG qui poursuit la Guinée qui devient la risée du monde financier comme un pays corrompu à éviter. Ce qui fait que BHP, Alcoa et tant d’autres multinationales rayent la Guinée de leur carte et soient vendent leur parts ou abandonnent leur projets d’expansion
Et vint Nicolas Sarkozy
Comme le tribulations judiciaires n’avancaient pas et que Soros se désintéressait de la Guinée, c’est avec contre coeur que le président Alpha Condé va accepter la médiation de Sarkozy et fera « la paix des braves » avec Beny Steinmetz affaibli et traqué de partout.
Une « entente à l’amiable » est signée en aout 2019 qui voit BSRG abandonner sa poursuite contre la Guinée devant les tribunaux internationaux et en même tant renoncé toute réclamation sur Simandou et recoit en échange le « petit gisement » de Zogota avec autorisation d’évacuer vers le Libéria.
Nulle ne sait ce que Nicolas Sarkozy – condamné par la justice francaise – a obtenu en échange de ses « bons offices » au détriment de la Guinée.
Arrive un troisième larron.
Revenus dans le portefeuille de l’état les deux blocs (1 et 2) de BSRG seront remis aux enchères en novembre 2019 et un consortium guinéen (SMB), chinois (Shandong Weiqiao) et singapourien (Winning Shipping) remporte l’ancien joyau de la couronne de Simandou devant l’australienne Fortescu. Ce qui est mal vu dans le camp anglo minier qui voit un autre gisement stratégique tomber sous controle chinois. En juin 2020 la Convention de base est signée et ratifiée par l’Assemblée nationale guinéenne pré troisième mandat.
Le président guinéen quant à lui reste remonté contre Rio et ordonne à la SMB-Winning-Shandong de commencer les travaux pour mettre Rio devant le fait accompli. Pour ce fait le port de Forécariah est exproprié manu militari des mains de Rio pour le mettre à la disposition de SMB-Winning-Shandong Weiqiao laquelle s’empresse à satisfaire le président guinéen en lancant des opérations de charmes comme le percage de tunnels ferrovières et le dragage du port et ce avant même que les études environementaes, de faisabilité et le financement soient complétés.
C’est donc par une cérémonie solennelle que le jeudi 4 juin 2020 voit la signature de la convention de base pour l’exploitation des gisements de minerai de fer des blocs I et II de Simandou par SMB-Winning-Shandong, d’une durée de 25 ans au Ministère des Mines de la Guinée.
Le consortium est piloté coté guinéen par le dynamique Fadi Wazni (UMS) un guinéen qui s’est spécialisé dans la logistique tant terrestre que maritime et a fait ses preuves dans la logistique minière puis dans les mines en developpant une mine de bauxite, un chemin de fer pour devenir le premier fournisseur de bauxite de la Chine. La Société minière de Boké (SMB) va accelerer et changer fondamentalement l’extraction et l’exportation de la bauxite en Guinée.
La SMB démarre ses activités en 2015 et en un temps record voit sa production de bauxite passer de 12 millions en 2016 à 31 millions de tonnes en 2017 exportées en totalité vers la Chine via les ports fluviaux qu’elle a construits sur le Rio Nunez à Katougouma (rive nord, à environ 30 km de sa mine) et à Dapilon (rive sud, quelques kilomètres en aval). Trois ans plus tard c’est en pleine pandémie que la SMB construit un chemin de fer flambant neuf et prévoit quadrupler sa production dans les années qui viennent. Dans son plan d’expansion la SMB prévoit construire une usine d’alumine en Guinée qui sera la deuxième depuis 1960. Le président Alpha Condé est impressionné. Les guinéens un peu moins pris dans la polution et la misère engrengée par la mauvaise gouvernance du président guinéen ne voient pas ces retombées dans leur vie quotidienne.
Rio observe avec trépidation ce blocage vindicatif du président guinéen qui refuse de parler à la multinationale et qui voit SMB-Winning avancer à grand pas – malgré les inévitables critiques environementales – dans le mega projet Simandou. Le pdg de Rio Jean Sebastien Jacques est forcé de démissioner en septembre 2020 pour une affaire de profanage d’une cave arborigène en Australie. Mais les scandales multiples et le fiasco de Simandou avaient affaibli le francais qui sera remplacé par le danois Jakob Stausholm qui aura une approche complètement différente sur le dossier Simandou et qui se montra décidé à relancer le projet.
Le coup d’état et le retour du marché du fer
C’est la crise du Covid qui curieusement va accelerer la demande pour les infrastructures et le désir de la Chine de diminuer sa dépendance envers l’Australie – alliée de son adversaire américain – pour les matières premières.
Le coup d’état du 5 septembre et la capture de l’ancien président Alpha Condé prendra tout le monde par surprise et redistribuera les cartes.
SMB-Winning lors des consultations avec la junte présentera ses réalisations à Boké et se propose d’accompagner la Guinée pour la construction du transguinéen. La junte est impressionnée.
Rio quand à elle soulagée du départ de l’épine Alpha Condé elle aussi se dépêche de rencontrer la junte et lui indiquer sa détermination de réaliser ce projet. Mais « dans les règles de l’art » en respectant les normes internationales notamment en environment et en droits des riverains.
Le président de la transition – qui a déclaré laissé la future CNT déterminer la date de transfert du pouvoir aux civils – semble satisfait des deux parties et les encourage à se concerter et surtout de respecter les délais.
Des négociations délicates sur le chemin de fer
Comme il fallait s’y attendre le point de contentieux restera sur le chemin de fer. Qui va le controler ? Comment il sera construit? Sur quelles bases environementales et respect des droits des riverains le chemin de fer sera tracé? Telles seront les questions qui attendent les négociateurs des deux parties.
Leur intérêts ne correspondent pas toujours et chaque camp veut un controle abolu de l’évacuation de sa production. Deux des entités du consortium SMB-Winning sont des entités qui sont spécialisées en logistique et transport ce qui les rend aptes à s’assurer de la construction du chemin de fer et du port. Rio Tinto quand à elle est le leader mondial du minerai de fer avec une expérience de gestion des mines de classes mondiales. Mais il est absolument indispensable que l’évacuation de son minerais soit sous son controle pour des raisons stratégiques et commerciales.
L’autre point d’achoppement est d’ordre réputationnel. Rio Tinto – contrairement à son concurrent – est une entreprise publique cotée dans des bourse occidentales. Rio est obligée à jouer la transparence et a subi tellement de critiques dans ses projets qu’elle est devenue frileuse et prendra toutes les mesures pour s’assurer que ses actions dans un pays aussi « difficile » que la Guinée que les ONGs ne tarnissent pas sa réputation déjè souillée. De l’avis de tous les spécialistes Rio Tinto ne lachera pas se projet crucial pour sa stratégie mondiale et fera tout ce qui est possible pour y arriver à ses fins. Et Dieu seul sait que ses bras sont longs comme l’ont appris à leur dépens Dadis Camara, Mahmoudou Thiam qui ont voulu leur « retirer » Simandou.
Le président de la junte pourra-t-il arbitrer ces deux visions opposées pour l’intérêt de la Guinée?
Guinéenews suit pour vous.