Le procès du fils de l’ancien président guinéen Sékou Touré a commencé ce vendredi à Dallas, au Texas. Tel est le rapport du journal Dallas Morning Post qui suit le procès retentissant.
Le couple Mohamed Touré et Denise Cross est accusé d’esclavagisme d’une jeune fille guinéenne qui démeurait chez lui durant des années et qui faisait le ménage, s’occupait de la maison et des enfants – apparemment sans salaire – et vivait sans statut légal. Le procès se fait devant un jury d’américains ordinaires et présidé par un juge fédéral.
Le procureur fédéral a présenté son acte d’accusation et le premier témoin – une voisine d’origine nigériane – qui a recueilli la jeune fille et a décrit aux jurés l’évasion dramatique de la victime en août 2016 du domicile de la famille Touré, avec l’aide d’anciens voisins.
« Elle ressemblait à quelqu’un qu’on a jeté d’un autobus », a déclaré Bridget Ajufo, la voisine qui a accueilli la victime et qui l’aide depuis ce moment-là. « Elle avait juste l’air triste … comme si elle n’avait aucun espoir », ajoute-t-elle.
Ajufo a déclaré aux jurés qu’elle avait essayé d’inscrire la fille dans une école vers 2003, sans succès, mais le couple Touré-Cross ne lui a pas permis en dépit de ses tentatives. Ajufo n’a jamais été en mesure de parler en privé avec la fille dont les cheveux, dit-elle, « étaient toujours emmêlés et négligée ».
Selon l’avocat de la défense Me David Tinn, Mr et Mme Touré « ne gardaient pas la fille contre son gré ni ne la forçaient à travailler pour eux. Elle possédait son propre téléphone et utilisait les médias sociaux comme Instagram et Twitter jour après jour ».
La victime, appelée DD dans les procès-verbaux, est née en Guinée comme les Touré – Cross. Son âge n’est pas clair et le procureur dit que son anniversaire n’était pas célébré par ses tuteurs.
L’acte d’accusation a aussi révélé que Mohamed Touré et Denise Cross ont obtenu l’asile politique en 2000 en citant une persécution en Guinée. Au décès de son père, Mohamed Touré avait été emprisonné puis relâché sous le règne du président Conté. Il est finalement rentré en Guinée pour faire de la politique. Mohamed Touré est également accusé d’avoir fait de fausses déclarations à des agents fédéraux en disant qu’il avait tenté d’adopter la jeune fille.
Abus physique et tortures morales
L’acte d’accusation donne des détails choquants concernant le traitement de la jeune fille.
» Quand elle ne travaillait pas assez vite, ou si elle était prise en train de dessiner au lieu de nettoyer, par exemple, la jeune fille était battue avec les mains, la ceinture et le cordon électrique. (…) Un jour, alors que la jeune fille tombait à la tâche, Cros-Touré lui arracha une boucle d’oreille au lobe de l’oreille », indique l’acte d’accusation. Les cicatrices que la fille a montrées aux enquêteurs ont corroboré ces allégations d’abus répétés.
En février 2016, la victime s’est enfuie après avoir été battue violemment par le couple Cros-Touré et est restée quelques jours chez des voisins, selon l’acte d’accusation. Elle est retournée chez les Touré, mais la police alertée avait tendu un piège et a enregistré la réaction violente de colère de Touré face à sa fugue. Les jurés ont écouté la réaction brutale de Touré qui criait sur la jeune fille : » Tu veux aller dormir dans le parc ? Tu penses que quelqu’un va te chercher ? Regardes ! Regardes ! », entend-on dans dans l’enregistrement. « Va vivre dans le parc. Si tu es tuée, je ne te donne pas de [juron]. Je ne te connais pas. Si tu te fais violer, je m’en fiche », note toujours le procès verbal d’accusation.
Évasion de la jeune fille
En août 2016, la victime a sollicité l’aide d’un ancien ami de la famille, selon le dossier du gouvernement qui précise que l’ami a appelé d’autres anciens voisins, qui ont tous convenu qu’elle devait partir. Ils ont élaboré un plan.
Lors de son témoignage vendredi, Ajufo a déclaré avoir été choquée lorsqu’elle a parlé au téléphone avec la victime en 2016, qu’elle n’avait ni vu ni parlé depuis son départ, en 2005. La victime était « très angoissée » et avait l’intention de se suicider, témoigne Ajufo, sa voix se brisant d’émotion.
La victime a quitté le domicile de Southlake, près de Dallas avec certaines de ses affaires, ses documents de voyage périmés et des photographies. Une des filles d’Ajufo est venue la chercher et l’a conduit chez elle, à Woodlands, en banlieue de Houston, a-t-elle déclaré.
« Ne pas l’aider n’était pas une option », a déclaré Ajufo lors de son témoignage. Quelques cheveux de la victime semblaient avoir été arrachés lorsqu’elle est arrivée chez moi, a-t-elle ajouté.
Ajufo a déclaré qu’elle donnait des cours d’alphabétisation à la jeune fille et que ses compétences en lecture et en écriture s’amélioraient.
Lors de son contre-interrogatoire, Finn, l’avocat de la défense, a posé une question à Ajufo : « Est-il possible que [la victime] vous ait trompé? »
Ajufo a répondu sans hésiter : « Non! »
Le procès continue ….