En lieu et place du pays de cocagne que le président Alpha Condé a fait miroiter à ses compatriotes dans sa quête d’un troisième mandat, les Guinéens risquent de se retrouver dans un pandémonium, à l’allure où va le train. C’est à peine si le rêve ne s’est déjà transformé en cauchemar, avec toute cette comptabilité macabre relative au syndrome du troisième mandat.
Les élections ont toujours fait l’objet d’un casus belli entre l’exécutif et l’opposition, depuis l’avènement d’Alpha Condé au pouvoir en 2010. Et c’est quasiment les mêmes griefs, liés au manque de transparence des scrutins qui sont ressassés contre l’exécutif, à chaque fois que les Guinéens sont appelés aux urnes. Il ne serait pas exagéré de dire que nos consultations électorales ne sont en réalité que des scrutins de dupes.
Pour se dédouaner, le pouvoir brandit sa neutralité, en jurant sur les saints évangiles. Mettant en avant la parité en termes de représentativité des deux bords politiques au sein de l’Organe de gestion électorale qu’est la Ceni. Une institution au petit pied, qui dans les faits ne serait indépendante que de nom. Comme le serinent ses contempteurs au gré de leurs discours.
La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’est d’ailleurs pas exempte de reproche dans sa gestion du processus électoral, qui vient de rameuter les vieux démons de notre pays. Avec cette vague de violences aveugles enregistrées depuis une semaine dans plusieurs localités de la Guinée. Dans la guerre des chiffres qui entoure ces échauffourées, le gouvernement dénombre une vingtaine de morts. Quand pour sa part, l’opposition évoque une trentaine de tués dans ses rangs.
Amnesty International s’invite dans les débats, en tirant la sonnette d’alarme sur les atrocités qui se passent en ce moment en Guinée. L’ONG va jusqu’à pointer du doigt nos forces de sécurité, dans l’usage disproportionné de la force contre les manifestants.
Ainsi dans un communiqué publié à cet effet, Amnesty International affirme que sur la base de « récits de témoins, des vidéos et images satellites analysées confirment les tirs à balles réelles par les forces de défense et de sécurité sur des manifestants ».
Dans la foulée, Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International martèle que : « L’usage d’armes à feu doit cesser et la mort de manifestants, de passants et de responsables locaux du Front national de défense de la Constitution (FNDC) doit faire l’objet d’enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces. Si des informations laissent présumer des responsabilités pénales, les personnes concernées doivent être déférées à la justice pour des procès équitables devant des tribunaux civils ».
Dans ce climat de terreur, le gouvernement dément Amnesty International sur l’usage d’armes létales, muscle son discours et fait planer l’épouvantail de la justice sur la tête des présumés auteurs et commanditaires de ces violences.
La présence d’une mission conjointe Cedeao-UA-ONU ne semble pour le moment pas faire bouger les lignes d’une médiation entre les deux protagonistes. Privé de sortie de sa résidence, Cellou Dalein Diallo reste droit dans ses bottes. Pour lui, il n’est pas question qu’on lui vole sa « victoire ». Une posture qu’on pourrait résumer par cette assertion des « Magic System »: « Premier Gaou n’est pas Gaou, c’est deuxième Gaou qui est Gnata ».
L’opposant compte toutefois saisir la Cour constitutionnelle comme le stipule la loi électorale. Voilà qui pourrait faire baisser un peu les tensions, comme le souhaitent aujourd’hui de nombreux guinéens.
Même si au regard de ce scénario dantesque qu’on est en train de vivre depuis le 19 octobre, lendemain du vote, seuls les panglossiens peuvent encore voire le verre à moitié plein.
A noter pour finir que le climat de terreur instauré en Guinée au lendemain du scrutin présidentiel du 18 octobre suscite une vague d’indignation dans la sous-région, notamment au Sénégal où la société civile est vent débout contre les tueries de manifestants.