Le plus préoccupant, c’est moins le pouvoir en Afrique que les voies par lesquelles l’on y accède. La démocratisation serait partout en cours, avec les tâtonnements qui l’accompagnent. Chaque pays s’estime avoir fait du chemin, sauf que les remous sociaux prennent le dessus sur la pertinence estimée des succès remportés, tant au plan politique qu’économique. L’Afrique s’est-elle vraiment adaptée aux exigences d’un système politique singé depuis le sommet de la Baule?
A vrai dire, il aura été question, pour nos pouvoirs, d’être moins un mur qu’un moulin, face au vent du pluralisme politique. Du coup, une adaptation s’imposait, tant aux mentalités qu’aux consciences des peuples qui avaient toujours cru que le pouvoir était une volonté divine, une faveur providentielle à laquelle le peuple devait se soumettre, de façon absolue.
C’est dans ce contexte que les pouvoirs dictatoriaux, à l’origine, favorisés par le parti unique auquel tous les citoyens devaient adhérer, se sont efforcés de subir des mutations plus ou moins réussies. Il s’agissait moins de rompre avec les vieilles habitudes, que de crier avec les loups de l’ancienne Métropole qui, pourtant, avaient ouvert les yeux aux peuples, restés longtemps sous le joug de ces pouvoirs décriés.
Aujourd’hui, où en est-on avec ces pouvoirs ? Dans certains de nos pays, il avait été question de franchir bien des étapes. Les régimes politiques sortis des indépendances n’ayant été, pour la plupart, que des libérateurs, érigés en héros, auxquels des ancêtres avaient été attribués parmi les plus illustres rois de notre histoire, des périodes lointaines.
Pour ce qui est de la Guinée, il faut plutôt saluer le flair du président Conté qui, pour se mettre à l’abri du vent de la Baule, accepta le pluralisme politique, non sans proposer rien que deux partis politiques en Guinée. Evidemment, les ambitions étaient plus fortes, d’aucuns, les plus enclins à perturber le climat social, proposaient qu’il y eût autant de partis que de tendances dégagées.
Nous y voilà ! Mais conviendrait-il de souligner que si le président Conté n’était pas un homme politique, sorti d’un institut de référence, il ne manquait ni de stratégies, ni d’idées pour préserver son pouvoir de toutes les intrigues nouées par des ambitions diverses? Malheureusement, il s’était entouré d’hommes qui n’avaient qu’un seul objectif, celui de privilégier leurs lendemains, au détriment de l’Etat.
Quand le président Condé disait avoir pris la Guinée où le président Touré l’avait laissée, avait-il voulu mettre un accent aigu sur l’apport négatif de tous ces anciens dignitaires, malheureusement, qui auront fini, aujourd’hui, par envahir son entourage proche, les uns en usant d’opportunisme et d’arrivisme, les autres, en estimant avoir des recettes-miracle pour lui être utiles, le moment venu?
Les plus futés sont devenus des castors qui vivent dans le tronc de l’arbre des finances publiques. L’attelage est lourd. Le long règne du président Conté aurait pu permettre de poser les jalons d’un démarrage économique évident, pour éviter au régime actuel d’en faire l’une de ses priorités. L’on est toujours à la case-départ.
Le coche arpente, difficilement, la hauteur érigée par les prédécesseurs. Alors que la mouche de l’opportunisme chante déjà victoire, en laissant échapper un ouf de soulagement. L’on reste toujours cet élève désorienté devant les prestidigitations expertes des institutions financières qui, nulle part, n’auront pu permettre de développer un pays africain, sinon qu’elles n’auront soumis nos Etats qu’à des épreuves difficiles, conduisant à prendre, parfois, des mesures hâtives. Comme déjà affirmé, face au vent qui souffle, mieux vaut être un moulin qu’un mur.
Le peuple, c’est ce vent qui souffle à tout moment, qui a besoin de liberté, de passage et d’espace. Il est impensable, qu’avec les ressources naturelles dont nos pays regorgent, toujours exploitées par des étrangers qui en tirent de quoi nous imposer leurs volontés, nos gouvernants perdent de vue le besoin d’écouter les gémissements de leurs peuples, avant de leur faire ingurgiter une potion enivrante.
Le développement, c’est ici, chez nous, nous en avons et les ressources et les moyens. Les moyens de vendre cher nos ressources, avec des conditions qui nous profitent. Sous le régime Conté, la part de profit de la Guinée, dans la bauxite exploitée, lui était versée en ‘’poussière de bauxite’’ 40% que le bateau ‘’Guinomar’’ devait transporter à l’extérieur. Le producteur aura fini par racheter la part guinéenne, non exportée, faute de moyens, au prix qui pouvait l’arranger. La vente inattendue de ce bateau avait mis les travailleurs au chômage. C’est au siège du journal ‘’l’Indépendant’’que des travailleurs licenciés de Guinomar étaient passés, pour faire véhiculer leur désarroi.
Nos pays doivent se défaire du néocolonialisme dans ses tentatives de récupération des anciennes colonies. Un fait que le président Ahmed Sékou Touré avait prophétisé. La plupart de ces institutions internationales, encombrantes et envahissantes, ne visent qu’un objectif, freiner l’Afrique dans son développement, en initiant un passage obligé, le corridor des institutions financières qui ne sont là que pour nous tenir sous la toise des pays pauvres perpétuellement et tristement endettés (PPPTE). Il ya le chômage en Afrique, il y en a aussi en France, et ailleurs. Ces émigrés dont l’Europe ne sait plus quoi faire, sont les jeunes chômeurs évadés de la prison de la pauvreté que cette même Europe a contribué à ériger chez nous, en pillant nos ressources de la façon la plus subtile.
Le fer, la bauxite, l’uranium, le phosphate, le manganèse nous appartiennent, pourtant ce sont ces pays ‘’dits émergents’’ qui les exploitent toujours, en ne nous proposant que des assistances dites financières auxquelles nous ne pouvons accéder, quand acceptant leurs exigences. Il est temps d’avoir conscience de tous ces subterfuges qui nous écrasent, de l’absurdité de toutes ces institutions devenues des armes de conquêtes, pour nous reprendre ce qu’il reste de notre souveraineté.
La gouvernance politique en Afrique est gouvernée par les puissances étrangères, celles-là-mêmes qui font et défont nos Etats. Un pays pauvre ne saurait être souverain. Dès lors, il faut que les gouvernants et les gouvernés africains se comprennent, qu’ils se fassent des concessions. Parce que le plus important, c’est comment sortir nos pays de l’engrenage néocolonial plutôt que de nous lancer dans une conquête, sans fin, d’un pouvoir qui donne plus de soucis que d’espoirs à celui qui le détient. En Afrique, l’Etat qui a réussi est bien celui-là qui aura pu s’affranchir de l’influence des institutions néocoloniales, en revalorisant ses ressources propres. Pas cet autre qui se targue d’en avoir été le meilleur élève, inscrit à tous les avantages miroités. Le président Condé n’avait-il pas mis l’accent sur le développement de l’Afrique, par elle-même ? C’est de cela qu’il s’agit !