« Aujourd’hui, la constitution officielle guinéenne est juridiquement illégale, totalement inopérante, elle est nulle et non avenue. La Guinée se retrouve dans un système qui est assez exceptionnelle et extraordinaire d’un régime qui n’est basé sur rien…»
Le double scrutin du 22 mars dernier qui a accouché d’une assemblée nationale contestée par l’opposition et d’un référendum qui a permis au régime d’Alpha Condé de mettre en place une nouvelle constitution lui ouvrant la voie à un 3eme mandat, continue de faire des tollés. C’est au tour de la diaspora, réunie au sein du « collectif pour une transition en Guinée » CTG de hausser le ton.
D’entrée de jeu, le porte-parole du collectif Ibrahima Sorel Keita a fait une réquisition très sévère contre le régime de Conakry.
« Je suis ravi de cette phase deux des activités du collectif pour la transition en Guinée. La phase une était le lancement du collectif il y a deux mois. C’était un lancement tonitruant, très important avec des réactions positives de l’ensemble de la diaspora et de tous ceux qui s’intéressent à la Guinée qu’ils soient Guinéens ou non. Ce lancement a été spontané au regard du drame vécu par les populations guinéennes. Au mois de mai dernier, nous avons eu le temps de travailler sur des dossiers ce qui nous a permis de constituer des groupes d’experts techniques, juridiques et judiciaires (…)
Depuis mi-juin, nous entamons la phase deux du collectif. Cette phase nécessitait une rencontre de type, c’est la première conférence de presse et ça ne sera pas là dernière. Nous allons multiplier ce genre d’initiatives parce qu’un certain nombre de médias nous accompagnent et suivent ces évènements de très près, car ce qui se passe en Guinée ne concerne pas que les Guinéens, mais ceux qui doivent être au premier plan sont les Guinéens parce qu’il s’agit de l’avenir de leur pays.
La constitution du 22 mars, selon Keita Sorel
« Aujourd’hui, la constitution officielle guinéenne est juridiquement illégale, totalement inopérante, elle est nulle et non avenue. La Guinée se retrouve dans un système qui est assez exceptionnelle et extraordinaire d’un régime qui n’est basé sur rien. Vous savez que la constitution c’est la loi Fondamentale, ce sont les principes qui gouvernent un Etat. Si vous n’avez pas une constitution légale, vous n’avez pas de principes de gouvernement et tout cela est dû à la médiocrité de nos dirigeants. Les gens qui ont rédigé cette constitution dans sa première version, ce sont des gens qui n’avaient pas de niveau suffisant pour faire un texte dénué de toutes erreurs et de toutes irrégularités. Par la suite, ils s’en sont aperçus que si les Occidentaux ou les gens qui ont un minimum de connaissance juridique voient ça, ce n’est pas bon ; donc, ils ont changé sans se préoccuper des conséquences juridiques. La raison est très simple, c’est parce que la justice est aux ordres en Guinée. Ce ne sont certainement pas tous les juges car nous ne voulons pas faire de l’amalgame. Nous considérons qu’il y a des gens qui font partie de la majorité présidentielle qui sont honnêtes et essayent de faire le travail comme ils peuvent, mais qui sont enfermés et assaillis dans un système qui les empêche de donner le meilleur d’eux même. C’est ce système que nous combattons… »
Aida Sénégalo-Guinéenne un des premiers signataires du CTG engagés à déclencher la transition en Guinée a voulu aussi se faire entendre sur ses engagements et la situation socio-politique de son pays de cœur.
« J’ai tout de suite adhéré aux idéaux du collectif parce que je trouve inadmissible qu’un pays aussi riche que la Guinée se retrouve au rang des pays les plus pauvres de la terre. Quand je vois ce pays que j’aime tant (ayant une maman guinéenne), avec toutes les atrocités et tous les bruits qui courent, je ne pouvais que me joindre à la lutte. L’une de mes peurs pour ce pays est que les ethnies s’embrasent, qu’il y ait une guerre civile et que le pays sombre à l’image d’autres pays de la sous-région que nous avons connus. Malheureusement, si on laisse les choses se faire et que ça continue comme ça, on ferait face à une réalité qui va nous tomber dessus. Nous sommes face à des personnes qui sont sourdes, muettes et prêtes à mourir au pouvoir alors que la constitution ne le permet pas. Continuons donc ce combat jusqu’au bout surtout les femmes…», a-t-elle déclaré.
Makaila activiste blogueur tchadien qui avait été expulsé de son pays puis du Sénégal à cause de ses prises de position contre le président Idriss Déby et finalement accueilli en Guinée avant d’atterrir en France, a pour sa part déploré l’attitude du pouvoir en place privant la Guinée d’une alternance démocratique. «…J’ai une fois eu Alpha Condé au téléphone en 2015, je lui ai dit Monsieur le président, il est temps de passer la main pour qu’il y ait une transition démocratique en Guinée. Il m’a répondu je suis un démocrate au moment venu je passerais la main. A ma grande surprise, j’apprends que la situation se dégrade dans le pays, car je suis en lien avec les membres du FNDC (Front National pour la Défense de la Constitution). En tout cas, la situation est inquiétante et les défis sont nombreux. Il faut faire appel à des mobilisations, en dehors même de la Guinée de toutes les forces démocratiques africaines et européennes. La seule issue possible est que Alpha Condé renonce à sa candidature personnelle…», a-t-il souhaité.
Ensuite, Thoma Dietrich, journaliste et écrivain français qui a séjourné en Guinée en février dernier, à sa prise de parole, a salué le courage des Guinéens. Il a exprimé son admiration vis-à-vis de cette population éprise de liberté qui se relève toujours même après avoir subi les oppressions des différents gouvernements. Il a aussi rappelé les liens entre la France et la Guinée malgré le « Non » historique de Sékou Touré et aussi le soutien de certains du réseau socialiste français à Alpha Condé eu égard à la dérive autoritaire, la répression et les tueries dans le pays. Puis, il a évoqué sa découverte du réseau mafieux de certaines entreprises minières française en Guinée soutenues par des politiques en France…
Pour finir, il a réitéré que le combat des Guinéens ne peut être mené que par des Guinéens et pour les Guinéens.
Le porte-parole du collectif M. Keita s’est également exprimé sur la marche du 20 juillet du FNDC en cette période de pandémie de la COVID-19. À cet effet, il a appelé à la bienveillance de tous à respecter les gestes barrières et le port des masques et l’usage de désinfectant pour les mains. Pour lui, l’essentiel est d’aller jusqu’au bout il n’est plus question de se laisser intimider par le pouvoir en place. « Cette marche doit avoir lieu et la population doit exprimer son ras-le-bol et exiger le départ d’Alpha Condé pour éviter la présidence à vie », a-t-il fermement affirmé.
Dans un futur proche, le CTG par la voie de son porte-parole entend mettre en place plusieurs stratégies en collaboration avec les organisations des droits de l’homme, pour rencontrer l’Union européenne et plusieurs organismes internationaux pour maintenir la pression sur la Guinée voire restreindre leur soutien financier à la Guinée, chose qui ne devrait pas avoir assez d’impact sur la population. Puisque selon M. Keita, ces financements sont en général détournés de leurs objectifs. D’autres stratégies qu’il ne souhaite pas énoncer déclarait-il viendront s’y ajouter pour empêcher le projet de 3e mandat du président Alpha Condé.
Pour terminer, au nom du CTG, Sorel Keita a insisté sur le fait qu’un gouvernement de transition conduit par un Conseil National de la Transition devrait remplacer celui en place dès octobre pour préparer le pays et les institutions pour des futures élections libres et transparentes et accepter de tous. C’est la mission principale de ce collectif de jeunes guinéens de la diaspora.
Mais la grande question est de savoir comment compte-il u arriver ?
Attendons de voir !