Par Youssouf Sylla, analyste à Conakry.
La France a restitué au Sénégal en novembre 2019 le sabre d’El hadj Oumar Tall et au Bénin en janvier 2020, vingt-six objets d’art. Le président Emmanuel Macron dans son discours de Ouagadougou en novembre 2018 avait promis la restitution des œuvres d’art africain spolié au cours de la colonisation. Il a déclaré en substance : «Je veux que d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique»
Cette promesse est intervenue à un moment où certaines voix se faisaient déjà entendre sur la nécessité de réparer le tort historique qui a consisté à vider des siècles auparavant l’Afrique de ses objets d’art. En juillet 2016, le gouvernement béninois avait officiellement demandé le « retour, au Bénin, des objets précieux royaux emportés par l’armée française lors de la conquête de novembre 1892». La demande est restée sans suite.
Il a fallu attendre novembre 2018, un an après le discours de Ouagadougou, pour avoir le «Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle », commandé par E. Macron à Bénédicte Savoy et à Felwine Sarr, deux universitaires. Le rapport est composé de trois grandes parties : Restituer, restitutions et collections et accompagner les retours. Dans leurs recommandations, ces universitaires proposent la restitution rapide des objets acquis dans des conditions jugées anormales, notamment par la force, en trois étapes : La première s’étend de 2018 à 2019, la deuxième, de 2019 à 2022 et la troisième, à partir de 2022.
Mais en droit français, le principe d’inaliénabilité des collections publiques s’oppose à la restitution de ces objets aux Etats africains. Les auteurs du rapport proposent alors l’ajout de la disposition suivante au code du patrimoine français : « Un accord bilatéral de coopération culturelle conclu entre l’État français et un État africain peut prévoir la restitution de biens culturels, et notamment d’objets des collections de musées, transférés hors de leur territoire d’origine pendant la période coloniale française».
Malgré l’opposition de certains milieux conservateurs en France au le retour de ces objets d’art et contrairement à la pratique suivie en la matière par ses différents successeurs, E. Macron tient sa promesse. Pour surmonter les obstacles juridiques qui se dressent sur le chemin de la restitution, son gouvernement adopte un projet de loi le 15 juillet 2020 relatif à la restitutionde biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.
Dans son article 1er ce projet indique qu’ « À compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, les vingtsix œuvres provenant d’Abomey conservées dans les collections nationales placées sous la garde du musée du quai BranlyJacques Chirac, dont la liste figure en annexe, cessent de faire partie de ces collections. L’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai d’un an au plus pour remettre ces œuvres à la République du Bénin ». Dans son article 2 concernant le Sénégal, le projet de loi dispose également qu’ « À compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le sabre avec fourreau dit d’El Hadj Omar Tall conservé dans les collections nationales placées sous la garde du musée de l’Armée, dont la référence figure en annexe, cesse de faire partie de ces collections. L’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai d’un an au plus pour remettre ces biens à la République du Sénégal».
La Guinée, prochaine destination ?
La Guinée pourrait l’être si elle en fait la demande officielle aux autorités françaises. En effet, sept objets d’art appartenant à la Guinée sont repertoriés par le rapport de Bénédicte Savoy et de Felwine Sarr (page 204) : 1. Monnaie guinzé de 19 siècle, 2. Ensemble de monnaies guinzé de 20 siècle, 3. Modèle de pirogue avant 1878, 4. Siège Cariatide (1751-1800 ?), 5. Statuette femme avant 1880, 6. Lance avant 1881, 7. Lance avant 1881.
La restitution de ces objets d’art permettra à la Guinée d’enrichir son patrimoine historique et culturel tout en en contribuant à l’essor de son tourisme.