La Moyenne Guinée en général, en particulier la sainte cité de Karamoko Alpha Mo Labé particulier, est visiblement en pleine mutation sur tous les plans de la vie socio-économique. Dans cette ville, la mondanité gagne désormais du terrain, avec un taux élevé de consommation d’alcool chez la couche juvénile de manière générale.
Cette mutation se matérialise depuis des décennies maintenant avec des changements qui interviennent de façon incontrôlée, imprévisible et parfois même radicale, selon les avis des uns et des autres, qui ont accepté d’aborder le sujet sans langue de bois au micro de la rédaction régionale de Guinéenews, basée dans la commune urbaine de Labé.
Reconnue entre autres pour son éducation religieuse, son hospitalité et aussi et surtout pour la soumission de la couche féminine qui est habituellement symbole de respect et d’humilité ; la sainte cité de Karamoko Alpha assiste impuissamment à la détérioration de ces valeurs au profit de pratiques et comportements calqués ou singés des autres civilisations et communautés.
Doyen Alpha Barry déplore ce revirement qui risque de faire disparaître complètement ce qu’il appelle la marque de fabrique du Foutah : « si on ne fait pas attention, sous peu de temps, nous n’aurons rien à vendre aux autres civilisations car en lieu et place de la valorisation de nos héritages ; on se concentre à faire du copier coller de tout ce qui se fait ailleurs ; de telle sorte qu’on ne sait pratiquement plus d’où nous venons. Et si tu ne connais pas tes origines, tu es certes une personne égarée » rappelle-t-il.
C’est vrai que la mondialisation en est pour beaucoup, mais si de par le passé, il était rare, voire impossible de rencontrer une fille habillée comme un homme (chemise, pantalon, culotte, basket, …), aujourd’hui cela est monnaie courante au Foutah Djallon. Mais pas que, en plus de ce mode vestimentaire qui visiblement ne dérange désormais personne, des filles et femmes de la région se spécialisent dans la débauche en général et la consommation abusive d’alcool en particulier.
Une tournée effectuée dans certains lieux de loisir et de plaisir de la ville de Labé par des reporters de votre quotidien électronique a permis de toucher du doigt cette réalité qui n’honore pas la sainte cité de Karamoko Alpha. Sur une dizaine de personnes trouvées dans les bars, maquis, boîtes de nuit et autres débits de boissons parcourus, on a constaté une forte présence de la gent féminine (5 à 6 filles) qui s’adonne à cœur joie et sans le moindre complexe. Par endroit même, c’est des filles qui se retrouvent en groupe pour se prêter à une compétition sans trophée.
« Les filles viennent souvent en groupe et sans couple ici. Et cela attire la clientèle car de nos jours, partout où les femmes se regroupent ça attire les hommes. Donc, voilà pourquoi le coin est si animé que ça. Et ça c’est bien pour les affaires des tenanciers de bars. Il y a des filles qui viennent tous les jours car cela est devenu comme une drogue pour elles », nous a confié un gérant de bar-maquis de la place qui a requis l’anonymat.
Pour cet autre, les filles commencent à se démarquer dans la boisson « c’est une réalité, les filles ont tendance à voler la vedette aux hommes dans la consommation de l’alcool de nos jours. C’est vrai que ce n’est pas toutes les filles de Labé qui le font, mais le pourcentage monte crescendo et c’est inquiétant parce que normalement la femme est sacrée surtout au Foutah. Et quand tu es saoul, tu n’es plus comptable de tes faits et gestes, alors qu’une femme doit prendre soin de sa vie », estime Barry Mamadou, enseignant de profession.
Dans le cercle des filles et femmes alcooliques de Labé, les motivations varient d’un groupe à l’autre et parfois même d’une personne à l’autre. Pour Fawzi, une jeune femme qui a préféré ne pas donner sa véritable identité, l’alcool est juste un passe-temps : « je ne suis pas dépendante de l’alcool, je le fais juste par plaisir parce que parfois on est entre amies, on fait la fête ou on célèbre quelque chose. C’est seulement à ce genre d’occasion qu’on consomme de l’alcool et cela pas tous les jours » estime-t-elle.
Contrairement à cette première, Binta Diallo communément appelée Bibi par ses amies ; elle semble être complètement dépendante : « l’alcool est la meilleure chose qui m’est arrivée dans la vie car ça calme mes douleurs et peines, et ça me donne la joie de vivre. Donc voilà pourquoi je prends de l’alcool et pratiquement tous les jours je suis ici. Même si je n’ai pas d’argent je trouve toujours à boire. Je suis orpheline et le reste de ma famille m’a abandonnée de sorte que je suis obligée de me battre pour vivre de mes propres moyens. Ce, depuis l’âge de 12 ans » soutient-elle sans la moindre gêne.
Pourtant selon docteur Diallo Mamadou Cellou de la clinique médicale SEPT de Labé, l’alcool est déconseillé aux filles et femmes : « il faut retenir que l’alcool est une substance vraiment nocive pour l’organisme. Il n’y a aucun ingrédient dedans dont l’organisme a besoin. Au contraire, lorsqu’on s’adonne à l’alcool, ça entraine plusieurs maladies chez l’homme et chez la femme. Les gens peuvent développer plusieurs maladies telles que l’hypertension artérielle, le diabète, le cancer, … » rappelle ce médecin généraliste.
« Nous leur déconseillons catégoriquement de s’adonner à l’alcool surtout les filles d’aujourd’hui parce que, généralement elles ont une grande vessie qui leur permet d’en magasiner beaucoup d’urine. À un certain niveau, on dit que les filles ou les femmes tolèrent mieux l’alcool que les hommes. Mais ce n’est pas vrai. C’est parce que tout simplement, elles ont une grosse vessie qui leur permet d’en magasiner beaucoup d’urine et elles ont encore un organisme plus fragile. Donc, ça les expose davantage. Ainsi, nous leur déconseillons catégoriquement de s’adonner à l’alcool » insiste docteur Mamadou Cellou Diallo.
Interpellé sur la forte consommation de l’alcool et par les femmes et par les hommes dans la région administrative de Labé, un grossiste qui nous a reçus hors micro soutient qu’il se frotte véritablement les mains. Lui seul, recevrait au moins trois camions remorques d’alcool par semaine et que la vente est tellement fluide qu’il est très souvent en rupture de stock-car dit-il les autres préfectures et sous-préfectures de la région y viennent quotidiennement s’approvisionner.
Selon lui également au moins cinq (5) grossistes comme lui évoluent dans la commune urbaine de Labé. Cela permet de comprendre à quel point l’alcool est prisé dans cette partie de la Guinée. Si pour certaines cette forte consommation est due au climat, pour d’autres l’ambiance qui s’y développe n’est pas en marge.