Située à 35 kilomètres de Kérouané-centre, dans la région de Kankan (Haute Guinée), la sous-préfecture de Banankoro est la capitale par excellence du diamant en Guinée. Avec une population cosmopolite, elle connaît depuis plus d’un demi-siècle des travaux d’exploitation tant industrielle avec des entreprises comme l’EGED (Entreprise Guinéenne d’Exploitation du Diamant), le SNED (Service National d’Exploitation du Diamant), AREDOR (Association pour la Recherche et l’Exploitation du Diamant et de l’Or) et Guiter mining qu’artisanale avec la ruée de nombreux exploitants, venus de toute la sous-région ouest-africaine.
Aujourd’hui, le diamant se fait rare par endroits… Si toutes ces activités d’exploitation avaient procuré des revenus à l’Etat et aux exploitants privés, elles ont par contre, engendré une dégradation particulièrement agressive du sol et du couvert végétal avec des conséquences dramatiques pour tout l’écosystème local.
Les populations affluent sur la zone de Banankoro parce qu’elle regorge de ce précieux minerai qu’est le diamant. Mais la situation est tel aujourd’hui que le gouvernement doit s’investir activement dans la restauration du couvert végétal. Il faut que l’Etat soit dans la dynamique d’un développement durable capable de satisfaire les besoins des générations présentes sans pour autant compromettre la satisfaction de ceux des générations futures.
Ce qui est actuellement préoccupant, c’est que dans les fleuves Baouléni et Boobokô, l’habitat naturel de certaines espèces halieutiques est complètement atteint. Si les activités de l’exploitation artisanale se fassent sur les abords du fleuve pour nourrir une frange importante de la population de Banankoro, l’on ne doit guère perdre de vue qu’il y a en revanche, d’autres qui vivent de la pêche.
C’est autant dire que si les meilleures dispositions ne sont pas entreprises urgemment pour atténuer cette pression de l’homme sur ces cours d’eau, les conséquences seront tôt ou tard tragiques pour les populations locales.
Le fleuve Baouléni qui est l’un des affluents du Milo, est particulièrement menacé par l’ensablement. À Gbenko, une des localités clés de la sous-préfecture de Banankoro, les exploitants artisanaux notamment les femmes, exploitent la dune et déversent les résidus de leur lavage dans le lit du fleuve en amont.
Des activités qui d’ailleurs représentent potentiellement des menaces pour le projet de construction du barrage hydroélectrique de Kogbèdou et Frankonèdou si l’on n’y prend pas garde. Toutes activités doivent impérativement interpeller l’État afin d’éviter que ces fleuves d’où s’approvisionnent les populations, ne soient pollués.
La destruction massive de la végétation, la pollution et l’assèchement de nombreux cours d’eau, des espaces de terre exploités peu ou non-restaurés n’ont eu aucun impact conséquent sur les conditions de vie des populations locales. Celles-ci manifestent très souvent leur ras-le-bol qui est accompagné de répressions violentes. A l’image des dernières manifs qui ont conduit à un pillage systématique des installations de la société Guiter mining à Gbenko.
En raison des limites d’une politique de développement local, le rythme de réalisation des infrastructures sociales de base (écoles, centres de santé, adduction d’eau, routes…) est presque nul et ne parvient point à s’accommoder aux besoins sans cesse croissants des populations.
Aujourd’hui, Banankoro n’a qu’un collège et un lycée. Même si la construction d’un Centre de Santé Amélioré est enfin devenue une réalité, il faut craindre la survenue des épidémies de méningite ou de choléra à Banankoro avec la présence des nappes d’eau qui stagnent partout. Un phénomène qui favorise sans doute le développement des maladies hydriques en période pluvieuse.
Voilà autant d’exemples qui poussent beaucoup d’observateurs à affirmer que la zone de Banankoro est l’une des zones minières du pays qui ne profite pas des retombées de l’exploitation des substances minérales de son sous-sol. Ceci en cause de la mauvaise gestion des revenus miniers. Alors que les réserves s’amenuisent de plus en plus sans contrepartie significative pour les communautés riveraines censées être les premiers bénéficiaires en matière de réhabilitation du couvert végétal. L’argent payé pour la restauration n’a jamais eu d’impact conséquent devant la disparition des forêts et des animaux et le déficit croissant terres cultivables.
Donc, par manque d’initiatives locales, la mauvaise distribution des ressources et le fait qu’il n’y a qu’un faible nombre de diamantaires originaires de la localité dont le rôle aurait pu être prépondérant dans la réduction de la pauvreté dans la zone, Banankoro est de nos jours devenue un foyer de violences ou le terreau des troubles sociaux de tout acabit. D’ailleurs le constat sidérant qui s’impose à tout visiteur de Banankoro, c’est l’existence aujourd’hui d’un surnombre de lieux de culte notamment de mosquées, en lieu et place des écoles, de centres de santé, de voirie urbaine bitumée, de barrage ou centrale électrique ou encore d’unités industrielles qui favorisent le développement.
Devant ces saisissants contrastes, l’État doit trouver de nouvelles alternatives en restaurant les terres creusées ou déjà exploitées pour permettre à la population de ces zones impactées de faire l’agriculture mais aussi pérenniser une politique de reboisement pour lutter contre l’avancée du désert.
Mariama Mamady Camara, correspondant de Guinéenews à Kérouané, de retour de Banankoro.