On en sait un peu plus sur le bras de fer qui existe entre éleveurs et agriculteurs dans le district de N’Zon, relevant de la sous-préfecture de N’Zoo, dans la préfecture de Lola. Notre reporter qui s’est rendu sur le terrain a rencontré les deux parties en conflit, autour de la présence des cheptels bovins, accusés de destruction des champs.
Dans ce bras de fer, les autochtones de N’Zoo auraient sommé M. Bolli Diallo, connu sous le nom de Gouro, président des éleveurs de Lola, d’enlever tous les bœufs présents dans la zone, accusés de destruction massive de champs. Interrogé sur la situation ce jeudi 14 octobre 2022, M. Gouro s’est expliqué en ces termes :
« Il y a un jeune du nom de Sinata qui tue souvent mes bœufs à N’Zon. Même le président de la jeunesse du village lui a dit d’arrêter, mais il a refusé. Il n’a même pas de champ là-bas. Il m’a demandé d’enlever mes bœufs dans la zone, je leur ai répondu d’arrêter de dire ça. Si je les enlève là-bas, où vais- je les envoyer ? Je ne peux pas enlever mes bœufs dans une localité de la Guinée pour les envoyer dans une autre localité du territoire guinéen. La terre appartient à Dieu. Après lui, c’est le gouvernement », a-t-il clamé.
Le président des éleveurs qui n’est pas du genre à céder aussi facilement poursuit son argumentaire : « C’est ton champ et ta maison qui t’appartiennent. Donc l’agriculteur ne peut chasser l’éleveur et vice-versa. Il faut qu’on s’accepte. C’est tout ce que j’ai dit comme du mal, et ça l’a irrité. C’est pourquoi j’ai porté plainte contre lui chez le préfet. Sinon il n’y a pas de conflit entre nous. Mais si mes bœufs dévastent le champ d’autrui, on me demande de payer, je paye. Récemment, ils ont tué un de mes bœufs. Je leur ai demandé de prendre. Ils ne l’ont pas fait et c’est pourri là-bas. Deuxièmement, il a blessé un bœuf qui n’a pas pu marcher. J’ai appelé Sinefo, le président de la jeunesse de la localité qui a pris des images et tout. Ils ont emmené le bœuf à la gendarmerie de Lola. Jusqu’ici il est là, je suis en train de le traiter », a expliqué Bolli Diallo, président préfectoral des éleveurs de Lola.
Pour sa part, le chargé préfectoral de conflits a confirmé l’information donnée par le président préfectoral des éleveurs de Lola. Par ailleurs, il accuse les ressortissants de la localité résidant à Conakry d’avoir une main noire dans cette affaire.
« Effectivement, trois des bœufs de M. Gouro ont été machettés par les gens de N’Zoo, dont un est mort. Il a appelé le chef de la jeunesse pour lui faire comprendre. Ce dernier a été sur le terrain, pour constater les faits. D’après El hadj Gouro, le chef de la jeunesse lui aurait demandé pardon, parce que ce sont ses voisins. Mais après, la même personne est allée menacer son bouvier dans le même lieu avec la machette. Dans ces deux derniers mois, ce sont les ressortissants de LoLa qui sont à Conakry qui ont envoyé un émissaire pour parler aux agriculteurs soit disant qu’ils n’ont qu’à faire un mouvement d’ensemble pour chasser les éleveurs. Le ministère même avait délégué des cadres qui ont fait une mission d’une semaine sur terrain, pour s’enquérir de la réalité. Ils se sont retournés mais les résultats de leur enquête ne sont pas encore venus », a laissé entendre Mamady Bamba, chargé du conflit préfectoral entre agriculteurs et éleveurs.
Poursuivant, il dira que : « Tout ce que les gens disent dans les médias et les réseaux sociaux n’est pas vrai. Ce sont les agriculteurs qui installent les éleveurs. Mais d’autres agriculteurs sont opposés à ça, parce qu’ils n’en bénéficient pas. C’est cette jalousie qui existe entre eux. Parce que son ami a acheté la moto, il a construit sa maison. C’est ce conflit qui est là. Sinon il n’y a pas grand-chose. Même quand les missionnaires du ministère de l’Agriculture et de l’Elevage sont venus ici, nous avons demandé aux agriculteurs de nous dire s’il y a une personne dont le champ a été dévasté et qu’il ne soit pas subventionné ? Personne n’a pu répondre. Ce sont ces ressortissants-là qui poussent leurs parents à faire ces genres de choses », a accusé Mamady Bamba.
De son côté, Cécé Joseph Théa, ressortissant de N’Zoo, résidant à Conakry a pointé du doigt les autorités qui auraient accepté les pots de vin de la part de cet éleveur, pour son installation dans cette localité.
« J’ai un document qui le prouve. Quand les bœufs sont arrivés ici, la population a déclaré qu’elle ne veut pas leur présence. Donc le mieux est que le bouvier quitte. Mais il s’est entendu avec certaines personnes de la localité juste à travers la corruption. Quand il y a eu des soulèvements, le maire actuel Soromou Antoine s’est déplacé avec la société civile et les forces de défense et de sécurité. Le maire s’est entretenu avec Gouro qui est le propriétaire des bœufs. Il a dit qu’il s’était entendu avec d’autres personnes de la localité. Et que si nous ne sommes pas d’accord qu’il reste, de lui accorder un an six mois. C’était en février 2021. C’est ainsi que la population a jugé nécessaire de lui rappeler pour lui dire qu’il devrait quitter les lieux. Mais jusqu’ici, rien ne fonctionne. C’est pourquoi les citoyens décident de faire sortir les bœufs. Nous avons constaté avec regret qu’il y a des autorités qui préfèrent les bouviers que les populations, parce que c’est un business pour eux. Ils sont en train de penser que nous sommes là pour attiser la tension. Je vous informe que si nous les ressortissants n’étions pas là, la tension allait déjà se déclencher », a témoigné Cécé Joseph Théa, qui demande mordicus, l’expulsion pure et simple des bœufs dans le district de N’Zoo.