Après nous avoir fait rire et réfléchir avec l’Emblème, le dramaturge guinéen Ibrofof vient de publier l’Humus, sa deuxième pièce de théâtre chez Edilivre (France).
Cette œuvre invite le lecteur à partager la vie quotidienne du professeur Abdoulaye, un enseignant à la fois compétent et consciencieux mais qui éprouve toutes les peines du monde à joindre les deux bouts, à arrondir ses fins de mois. Il ne peut s’imaginer un seul instant sans ses livres, ses préparations et ses cours qui le hantent même dans son sommeil à travers des cauchemars. C’est à se demander comment cet homme, marié et père de famille, peut trouver encore autant d’énergie à consacrer à l’intérêt et au bonheur collectif dans une société où la course aux intérêts égoïstes est érigée en règle d’or. Combien de temps tiendra-t-il à ses vertus patriotiques quand les besoins les plus élémentaires de sa propre famille restent à satisfaire ? Que faire lorsqu’aucune de ses formules mathématiques, qu’il maîtrise pourtant si magistralement, ne suffit plus pour compter du sonnant et trébuchant dans la popote ? Comment contenter son épouse restée au foyer et qui ne demande que le minimum vital ? Peut-il continuer à résister à la tentation de troquer des notes d’évaluation de ses élèves contre quelques billets de banque ?
C’est alors qu’Abdoulaye, tout comme le lecteur averti, se souviendra que, « le premier de l’école ne sera certainement pas le premier dans la vie ». Que cela a été proclamé avant lui et qu’il en est toujours ainsi aujourd’hui. Peut-être qu’il en sera toujours ainsi.
Cette pièce de théâtre est voulue par l’auteur comme un miroir tourné vers le mal-être d’une société, vue sous le prisme de l’éducation. La dureté du sujet impose le choix de la dérision, une comédie qui interroge le sens des valeurs dans nos sociétés contemporaines. Une allégorie de la vie où les personnages sont semblables aux branches d’un arbre – à la fois nombreuses, fragiles et éphémères – dont « chaque feuille un jour tombera pour servir d’humus » à la terre nourricière en y ajoutant son empreinte. Mais Abdoulaye est aussi convaincu que « la pureté de l’Humus est condition sine qua none au repos dans la paix de l’âme ».
L’Humus, plus qu’un hommage, un plaidoyer pour la cause des enseignants, est aussi une oraison pour le repos dans la paix des femmes et hommes de théâtre guinéens disparus, ces artistes qui ont croisé le chemin de l’auteur lors de son parcours artistique.
Depuis ce jour de 2002 où il a vu un de ses anciens professeurs du lycée incapable de donner des cours parce qu’il n’avait pas déjeuné, Ibrofof s’est promis de rendre hommage aux enseignants comme pour leur dire que l’avenir est entre leurs mains. Promesse bien tenue avec l’Humus.
Né à Coyah, en Basse Guinée, où il a fait ses études primaires et secondaires, Ibrofof entre à la faculté de Chimie de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry où il fonde le Club Camara Laye pour créer ses pièces. Sa vie est ainsi partagée entre ses obligations scolaires et sa passion pour le théâtre. Il devient membre de l’Association des écrivains de Guinée et de l’Association guinéenne des Hommes de Théâtre, suite à une recommandation du recteur de l’Université de Conakry, Aboubacar Somparé En 1990, il intègre l’armée guinéenne où il réussit, une fois encore, à garder l’équilibre entre cette fibre littéraire et ses obligations militaires : il est désigné par le Colonel Kaba 41 comme rédacteur en chef du journal de l’armée Sofa, ce qui conduit à une collaboration avec le quotidien national Horoya, dans lequel il signe plusieurs articles.
En été 2014, il publie l’Emblème (Edilivre), une pièce mise en scène par Ibrahima Sory Tounkara et plusieurs fois jouée par la Troupe Nationale de théâtre de Guinée.
Pour commander le livre, version papier ou électronique, rendez-vous sur : https://www.edilivre.com/l-humus-ibrofof.html
Paulo Maria, maître de publication et distribution en Europe, Usa et océan pacifique