« Quand il n’y a pas d’autres alternatives, il y a toujours une alternative. La vie nous réserve des choses. Il faut vivre et faire avec. Je suis mère de quatre enfants dont un infirme et je dois seule les nourrir. Mon mari est parti il y a plus de sept ans et je n’ai depuis aucune de ses nouvelles. Je suis donc tenue obligée de venir ici dans cette carrière pour creuser et extraire du gravier que je dois vendre pour subvenir à nos besoins et nourrir mes fils. C’est mon destin ». Ce témoignage pathétique est signé de Mariama Dalanda Kanté, cette brave dame qui ne trouve son salut que dans les carrières de sable et graviers.
Ce mois de mars étant entièrement consacré à la célébration de la femme, Guinéenews continue à s’intéresser aux dures réalités auxquelles sont confrontées les femmes en milieux rural.
Loin des beaux discours, des promesses politiciennes, de la monotonie des bureaux feutrés, de la vie ostentatoire à travers les grosses cylindrées, nombreuses sont des femmes en Guinée notamment celles vivant en milieu rural, qui n’ont accès ni aux mutuelles financières des femmes africaines (MUFFA) ni aux soutiens financiers de l’agence nationale d’inclusion économique et sociale (ANIES). Celles-ci, généralement, ont recours à des activités moins rémunérées et souvent trop risquées pour subvenir à leurs besoins quotidiens.
Ces amazones se livrent à des activités pénibles comme l’extraction du sable ou des graviers. Des travaux rémunérés de façon journalière avec des outils rudimentaires sans compter les tous les risques que cela comporte.
Les femmes de la carrière de sable de Legaicy
Située dans la sous-préfecture de Balaya, à environ quatre kilomètres du centre de la commune rurale, Legaicy est une grande carrière dans laquelle évoluent généralement des femmes. Elles sont au nombre de sept contre un seul homme.
» Si je suis là aujourd’hui dans cette carrière en train de faire ce travail, ce n’est pas par amour mais plutôt une nécessité de vivres. C’est tellement dur pour une femme… Mais quand on n’a pas de quoi vivre, on est contrainte de trouver une solution. Je travaille ici depuis maintenant huit ans. Avec le peu que je gagne, je parviens à m’en sortir sans faire de la mendicité », se réjouit Fatoumata Djoûla Sylla. Puis d’ajouter : « (…). Pour remplir un camion moyen, il me faut plus d’une semaine de travail. Le prix d’un chargement de sable n’est pas fixe. Le plus souvent, on discute avec les chauffeurs. Cela varie entre deux cents à quatre cents mille francs selon la grandeur du camion », confie-t-elle.
Dans la même logique, une autre renchérit : « ici, nous ne sommes que des femmes. Nous sommes ici au nombre de huit. Il n’y a qu’un seul homme. Actuellement, c’est ici qu’on se débrouille pour soutenir nos maris et nos enfants pour la scolarité. Mais ce travail n’est pas du tout une chose aisée. Il me faut deux semaines de travail et parfois même plus pour trouver un chargement qu’on vend entre deux cents à quatre cent mille, selon le véhicule », affirme cette dame, mère de quatre enfants.
Non loin d’elle, a moins de cinq mètres, une autre fille de moins de vingt ans visiblement très gênée, sourit et baisse la tête sans vouloir se prêter à nos questions.
Les exploitantes des graviers
Sous un soleil de plomb, Mariama Dalanda Kanté, mère de quatre enfants dont un handicapé, confesse : » quand il n’y a pas d’autres alternatives, il y a toujours une alternative. La vie nous réserve des choses. Il faut vivre et faire avec. Je suis mère de quatre enfants dont un infirme et je dois seule les nourrir. Mon mari est parti il y a plus de sept ans et je n’ai depuis aucune de ses nouvelles. Je suis donc tenue obligée de venir ici dans cette carrière pour creuser et extraire du gravier que je dois en revendre pour subvenir à nos besoins et nourrir mes enfants. C’est mon destin.«
Quant à Fatoumata Koumba Kanté, également mère de trois enfants, elle y va de ses explications : » c’est cela notre vie de tous les jours. Chaque matin après les travaux ménagers à la maison, je me rends ici pour creuser et extraire et vendre du gravier. Nous sommes plusieurs femmes ici qui évoluent dans cette activité. Ce n’est pas du tout facile pour une femme de s’attaquer à ces roches. Nous travaillons de façon quotidienne. Nous sommes là tous les jours à 9 heures pour repartir à 17 heures. Pour avoir un chargement de graviers, il nous faut 45 jours de dur travail et parfois même plus. Actuellement, le chargement se vend aux alentours de de six cent mille francs. Mais malgré tous nos efforts, les clients se font vraiment très rares. Et aussi comme vous pouvez le constater, les outils avec lesquels nous travaillons sont vraiment archaïques.«
Assise à même le sol et entourée de ses enfants, cette femme lance un appel pressant aux autorités à tous les niveaux et aux personnes de bonne volonté.
Des activités à hauts risques
L’extraction du sable en creusant des tunnels est toujours un danger. Les risques que ces derniers s’affaissent sont élevés.
» Nous prenons beaucoup de risques dans ces trous. On a constamment peur que des morceaux de terre ne se détachent et nous ensevelissent. Mais, il n’y a pas d’autres solutions que de faire ces tunnels ».
Armées d’un courage et d’une détermination sans faille, ces dames brandissent tous les risques en travaillant dur tout en inhalant ces poussières sablonneuses et celles rougeâtres des graviers qui ne sont pas pour autant sans conséquence pour leur santé.
D’autres difficultés existentielles
Le manque de moyens de travail adéquats pour faciliter le travail de ces roches et l’enclavement de ces carrières, constituent un véritable casse-tête pour ces femmes.
« Nous n’avons pas de pioches. Les pelles aussi sont insuffisantes. Nous utilisons des instruments métalliques pointus qu’on aiguise chez les forgerons. Une fois creusé, on utilise des récipients qui nous permettent de transporter sur la tête le sable depuis les tunnels. Car avec ces roches, les brouettes sont parfois inappropriées », se lamente Fatoumata Djoûla Sylla.
Poursuivant, elle précise : « les chauffeurs craignent aussi l’état dégradé de la route. Parfois avec mes collègues qui travaillent ici, on se mobilise pour faire quelques retouches sur les points les plus critiques. Nous souffrons énormément et nous sollicitons de l’aide auprès des personnes de bonnes volontés.’’
Les travailleuses journalières
Hormis ces braves femmes travaillant dans les carrières, il y en a d’autres qui pour gagner leur vie, accomplissent des petits contrats quotidiens pour soit défricher, arroser des jardins potagers. Des activités qui peuvent leur apporter par jour entre trente et quarante mille francs guinéens.
Rencontrée dans un jardin potager périurbain, Mariama Benté Diallo relate leur quotidien : « on vient ici faire des travaux dans des jardins potagers. On nous sollicite le plus souvent pour débarrasser les jardins de grandes surfaces de leurs mauvaises herbes. Nous sommes plusieurs femmes à faire des travaux de ce genre. De 9 heures à 16 heures, on fait le travail et le soir on nous paie, selon les préalables. Le prix varie entre 30 à 40 mille francs le jour.’’
Aujourd’hui plus que jamais, le courage de ces amazones qui tiennent l’essentiel des activités socioéconomiques en milieux rural, force l’admiration de plus d’un d’une part et mérite nécessairement des soutiens à tous les niveaux en vue d’assurer au pays un développement équilibré et résilient.