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Guinée – Lélouma : L’environnement massacré, la vie des agriculteurs en danger!

Les feux de brousse, la coupe du bois, l’ensablement des fleuves et rivières, la production du charbon, les fours à briques, les occupations anarchiques des domaines en bordure des cours d’eau, la destruction des têtes de source… Voilà le triste visage que présente l’environnement à Lélouma. La nature subit dans cette zone du pays une destruction terrible provoquée par les populations.

Actuellement à Lelouma, de fortes chaleurs et la faible pluviométrie s’alternent et la situation devient de plus en plus insupportable. Alors, que ne font-elles pas les nations pour lutter contre le réchauffement climatique et pour la protection de l’environnement ?

Pour en savoir plus sur cette situation inquiétante, la rédaction locale de Guinéenews© à Lélouma s’est intéressée à la question. A travers ce reportage grand format, découvrez la véritable physionomie qui se cache derrière la destruction de l’environnement dans cette localité.

D’année en année, les températures deviennent de plus en plus élevées avec des conséquences désastreuses. Pour preuve, la campagne agricole de la saison dernière a été un fiasco pour la plus part des producteurs à cause du déficit pluviométrique. Décembre et janvier réputés être des mois de fraicheur dans le Fouta, sont de plus en plus chauds. Ce qui fait désormais de cette réalité, un souvenir. Tout se dégrade à cause de l’exploitation abusive de notre environnement.

« Aujourd’hui, nous sommes tous témoins de cette forte chaleur qui sévit…. Ce n’était pas ainsi il y a quelques années. La pluviométrie a diminué et les rivières qui ne tarissaient pas, tarissent. La cause fondamentale n’est autre que la destruction de l’environnement notamment, les feux de brousse, la coupe du bois, la destruction des têtes de source, la construction anarchique en bordure des cours d’eau. C’est le bon moment pour gérer tous ces facteurs. Car, Lélouma est en voie de construction. Il y a encore des espaces où construire, où planter des arbres. Et pour éviter l’anarchie, il faut quelqu’un pour y veiller. Il faut que tout le monde y veille tout en respectant le code forestier », a prévenu Dr Ibrahima Diallo, le député uninominal de Lélouma.

Pour plus d’appréhension, Guinéenews s’est davantage penché sur ces phénomènes les plus récurrents et destructeurs de l’environnement à Lélouma.

Les feux de brousse

Chaque année, plus de la moitié de la surface de la préfecture est consumée par des feux de brousse. Conséquence, la faune et la flore sont fortement éprouvées, y compris les forêts communautaires.

«L’environnement se porte de moins en moins bien. Nous sommes confrontés à d’énormes difficultés même si parfois on arrive à s’en sortir. Nous sommes menacés régulièrement par les feux de brousse surtout en cette période de saison sèche. Partout, ce sont des feux de brousse incontrôlés qui consument et détruisent nos forêts. Et nous arrivons rarement à identifier les auteurs. Les populations ne coopèrent pas du tout pour dénoncer les coupables », s’est plaint Mamadou Lamarana Diallo, le Directeur Préfectoral de l’Environnement.

Sur la même lancée, le président du conseil de quartier de Djinkan, renchérit tout en dénonçant les agissements exagérés sur l’environnement dans sa localité. Ces agissements menacent le secteur agricole pour la saison prochaine.

«…Aujourd’hui, les alentours de notre village sont détruits par les feux. Nous avions commencé à préparer nos champs pour la campagne agricole prochaine. Nous avons entamé le défrichage mais entretemps, des feux sont venus tout détruire sur son passage. On ne peut plus continuer. Du coup, notre activité qui est l’agriculture se trouve menacé», déplore-t-il en langue du terroir.

Ces feux de brousse qui sont devenus monnaie courante à Lélouma ces dernières années, ne laissent rien à l’abri et n’épargne personne. Non seulement des forêts sont détruites, mais aussi et surtout des plantations de bananes, d’anacarde et parfois des jardins potagers.

«Je suis désorienté et je ne sais plus à quel saint me vouer. Nos plantations sont brulées. Je suis agriculteur et je me sens menacé dans mon métier. Il n’y a pas plus tard que trois semaines, la moitié de ma plantation de bananeraie est partie en fumée. Et j’avais investi beaucoup d’argent mais hélas! », s’est confié, dépité, Mouctar Bondeko Diallo.

Quant à cet autre citoyen, il pointe du doigt les services en charge de la protection de l’environnement et les prend pour responsables de cette situation qui prévaut actuellement.

On parle de la protection de l’environnement. Où sont les services en charge ? Que font-ils ? S’interroge-t-il avant de répondre : « au lieu de passer leur temps à jouer aux dames, les agents devaient plutôt s’occuper de la protection de l’environnement. Nous avons une plantation de près de 100 ha d’anacardiers mais actuellement, on a perdu la moitié à cause de ces feux de brousse. Que ces agents sillonnent les localités et qu’ils prennent des dispositions pour la protection de l’environnement. Ils sont affectés ici pour cette mission. »

Plus inquiétant encore, c’est qu’aucune sous-préfecture de Lélouma n’est épargnée par les feux de brousse. De Linsan-Saran, localité située à une centaine de kilomètres du centre-ville en passant par Manda Saran, Thianguel Bori, Lafou jusqu’à Hérico, les feux ont causé des dégâts.

«Ce n’est pas facile pour moi de donner une superficie exacte touchée par le feux. Mais, je vous avoue qu’il n’y a pas une sous-préfecture ou une commune qui n’a pas été touchée. Environ ¾ de la surface sont aujourd’hui touchés. Je suis allé jusqu’à Linsan-Saran, dans la forêt communautaire de Sita. Il y avait le feu. Partout à Lélouma, le constat est le même», déplore une fois encore le Directeur Préfectoral de l’Environnement.

Interpellé sur la question, le Sous-préfet de Hérico a regretté les feux de brousse de l’année dernière qui auraient fait de grands ravages dans sa localité avant de brandir des mesures prises dans le cadre de la protection de l’environnement.

«L’année dernière, nous avons subi ici deux énormes feux de brousse qui avaient brûlé même des concessions. C’est vraiment regrettable ! Avec le maire, nous avons pris des mesures cette année pour éviter de telles situations. Les deux conservateurs qui sont là veillent sur la coupe du bois, les montagnes et les têtes de source. Ce n’est pas facile, mais avec la sensibilisation, on arrive progressivement à diminuer ces foyers de feux  de brousse», affirme Ibrahima Sory Souaré.

A ces feux de brousse, s’ajoute la coupe du bois. Un autre facteur qui contribue gravement à la dégradation de notre écosystème.

La coupe du bois et la destruction des têtes de source

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La coupe du bois s’effectue le plus souvent de façon clandestine ou arrangée entre les services en charge de la conservation de la nature d’une part et d’autre part, avec les propriétaires terriens. Pire, des têtes de source ne sont pas épargnées. Tout ceci se passe au nez et à la barbe des autorités locales.

« Selon les textes, il ne devrait y avoir que seulement deux agrées. La cause fondamentale de la destruction de notre environnement, c’est la coupe du bois. Les gens ont fini de couper les gros arbres. Promenez- vous un peu à travers toute la préfecture, rares sont les grands arbres qui existent », explique Dr Ibrahima Diallo, Député uninominal de Lélouma avant d’ajouter : « regarder par exemple au niveau de la commune urbaine ici, il n’y a pas très longtemps au niveau de la tête de source de la rivière Galan, l’endroit était tellement touffu qu’on n’osait pas y rentrer. Mais aujourd’hui, ce sont des magasins qui y sont construits. Et évidemment la source disparait ! En descendant un peu plus, ce sont quelques flaques d’eau qu’on y trouve et pourtant avant, cet endroit ne tarissait jamais. Je ne vais pas accuser la commune parce qu’elle ne sait pas peut-être les dangers que ce genre de comportement apporte. Les agents techniques oui, parce qu’ils savent pertinemment que de tels endroits ne sont pas habitables. Si on n’agit pas maintenant, les conséquences seront graves », prévient le député de Lélouma, Dr Ibrahima Diallo, membre de la Commission des Ressources Naturelles, Environnement et de Développement Rural à l’Assemblée Nationale.

Sur cette même lancée, El hadj Ibrahima Ley-Saaré Diallo, le Secrétaire général de la Ligue Islamique Préfectoral a témoigné: « l’année dernière, dans notre domaine, sans nous consulter, ces détenteurs de tronçonneuse sont venus abattre des arbres. Et Dieu faisant, un feu de brousse s’est déclenché et a réduit tous les madriers en cendres. Ces détenteurs de tronçonneuses voulaient porter plainte contre l’auteur du feu. Je leur ai dit tout simplement s’ils portaient plainte, moi aussi je porterais plainte contre eux. Car, ces arbres ont été abattus sans avoir consulté le propriétaire que je suis. Malgré cela, cette année encore, ils sont venus abattre quatre arbres sans mon consentement. Ces arbres sont là-bas. Avec de telles situations, je me demande quel est le rôle de ces agents des Eaux et Forets », s’est interroge le chef religieux.

La tête de source de la rivière Lélou menacée:

Celle-ci est située à Poyé, un quartier périurbain. L’occupation et l’exploitation de ce lieu inquiète les autorités locales qui tirent la sonnette d’alarme. C’est la principale et l’une des plus importantes rivières de la commune urbaine.

«Le cas de la tête de source de la rivière Lélou est inquiétant. Vue la destruction à ce niveau, nous avons jugé nécessaire d’effectuer un reboisement là-bas. Nous avions reboisé quatre hectares et demi, mais fort malheureusement, des personnes mal intentionnées sont venues arracher tous ces plants qui avaient commencé à rependre et les casser en deux », a dénoncé le Directeur Préfectoral de l’Environnement.

Revenant sur l’occupation anarchique des verges des cours d’eau, certains observateurs pointent du doigt le service de l’urbanisme et de l’habitat et pensent qu’il est complice de cette situation. Certaines bornes se trouveraient jusque dans les cours d’eau.

Interpellé, le Directeur Préfectoral de l’Habitat a été, on ne peut plus clair : «rares sont des personnes qui viennent nous consulter dans le cadre de la construction de leur maison ici. Si on nous consultait, nos agents techniques se seraient déplacés sur les lieux  afin de savoir ce qui s’y passe. Si c’est au niveau d’une tête de source, on lui dira de laisser une marge d’au moins vingt mètres pour ne pas agir sur le lit du cours d’eau. Malheureusement, ils travaillent seuls et ils ne nous consultent pas le plus souvent », s’est défendu Jérôme Kolié, avant d’ajouter: « nous demandons à toute la population de consulter notre service avant de construire. C’est ce qui évitera à l’avenir des énormes problèmes.

Les charbonniers et les briquetiers :

La sous-préfecture de Parawol est réputée zone productrice de charbon et de briques par excellence. Située  seulement à douze kilomètres du centre-ville,  en plus de ces deux réalités, s’ajoutent les feux de brousse et  les cultures sur brûlis. Du coup, l’environnement est durement atteint.

« Tout notre environnement est en train d’être détruit aujourd’hui. On a notre part de responsabilité. Regardez combien de fours à briques jusque dans les rivières de Garki jusqu’à Hooré wassa ? Tous ces endroits sont détruits. Et nous sommes là à observer. Combien de camions de charbon débarquent ici par jour ? Ils coupent du bois et en font du charbon comme bon leur semble. Toutes ces taxes sont perçues par le service des eaux et forêts. Je ne dirai pas que nos populations tirent pas profit de nos forêts, mais les Eaux et Forêts oui. Parce que ces gens paient des taxes. Donc, pour protéger notre environnement, il faut le concours des autorités locales », a fait savoir Saïdou Lory Diallo de l’organisation de la société civile.

Amadou Oury Thianguel Bori, quant à lui, est briquetier. Il nous  revient ici sur l’une des conditions pour pouvoir accomplir cette activité.

«La première condition à remplir, c’est de consulter les agents des Eaux et Forêts. On leur explique le nombre de briques qu’on veut et il nous fixe le prix. Ensuite on négocie avant de payer. On ne peut pas commencer le travail sans les consulter. Pour ce qui est de l’environnement, le plus souvent, ce sont des bananiers que je plante sur les flanc des ravins pour restaurer un peu le milieux », a-t-il expliqué.

De passage, faut-il signaler que la culture sur brûlis n’est pas sans conséquences négatives sur notre environnement. Surtout lorsqu’on sait que ces cultures se font de façon nomade. Histoire, disent-ils, de laisser des surfaces en jachère. Mais les spécialistes de l’environnement recommandent le reboisement, car les populations sont essentiellement à vocation agropastorale.

Face à toutes ces réalités, le chef de section des Eaux et Forêts de Lélouma pense que tout ceci serait dû à un défaut de sensibilisation et de la non-implication des populations pour faire valoir la loi tout en brandissant le manque de moyens et de personnel auxquels son service serait confronté.

«Nous sommes là dans le cadre de la protection et la gestion durable des ressources naturelles. En ce qui concerne la coupe du bois, elle est contrôlée. On accuse des membres de ma section de détenir des tronçonneuses. Je demande à la population de les dénoncer. Il sera présenté devant le juge. Ce qui nous fatigue de plus ici, ce sont les feux de brousse. On ne peut pas les contrôler. Mais, je vois que la population n’est pas sensibilisée. Du point de vue personnel, nous ne sommes que 27 agents pour toute la préfecture. C’est insuffisant. Pire, notre section manque de moyens. Nous n’en avons pas. Nous n’avons même pas une moto pour toute la section », s’est plaint à son tour l’adjudant-chef Théa Monémou.

Les problèmes liés à la protection de l’environnement à Lélouma :

Le manque de communication et de sensibilisation des populations sur les enjeux liés à la protection de l’environnement, constitue un grand handicap. Nombreuses sont des personnes qui ignorent les dangers des feux de brousse et de la coupe abusive du bois même sur les têtes de source. Car, pour certaines personnes avec lesquelles on a échangé, c’est un don de la nature et que c’est une réserve inépuisable. A cela s’ajoute le manque de rigueur dans la prise des décisions draconiennes pour punir des tels actes. A voir aussi de très près, certains agents seraient complices des actes comme dans la coupe du bois ou de la production du charbon.

La plupart des domaines appartiennent à des particuliers et s’ils ne sont pas consultés dans le cadre de reboisement, c’est sûr que le reboisement sera voué à l’échec. Car, ils viendront saccager les plants. Et le plus souvent quand il y a reboisement, aucun suivi ne s’effectue par après.

A l’allure où vont les choses, si rien n’est fait pour protéger notre environnement, le pire serait à craindre, estiment les observateurs.

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