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Le paradoxe de la solution aux problèmes mondiaux,par António Guterres

En tant que Secrétaire général de lOrganisation des Nations Unies, je passe une grande partie de mon temps à mentretenir avec des dirigeantes et dirigeants du monde entier et à prendre le pouls des tendances mondiales. Il me semble clair que nous sommes à un moment décisif dans les relations internationales. La prise de décision mondiale est dans une impasse et un paradoxe fondamental est à lorigine de cette situation.

Dune part, la plupart des dirigeantes et dirigeants du monde daujourdhui reconnaissent nos problèmes communs : leCOVID, le climat, lessor non réglementé des nouvelles technologies. Ils conviennent quil faut agir. Et pourtant, ceconstat commun nest pas suivi dune action commune.

Pire, les clivages ne cessent de se creuser.

Nous les voyons partout : dans la distribution injuste et inégale des vaccins ; dans un système économique mondial injuste envers les pauvres ; dans une réponse très inadéquate à la crise climatique ; dans des technologies numériques et un paysage médiatique qui profitent des divisions ; et dans les troubles et conflits qui se multiplient à travers la planète.

Si le monde saccorde sur le diagnostic de ces menacescommunes, pourquoi est-il incapable de les traiter efficacement ?

Je vois deux raisons fondamentales.

Premièrement, parce que les affaires étrangères deviennent souvent une projection de la politique intérieure.

En tant quancien Premier Ministre, je sais que malgré les bonnes intentions, les affaires internationales peuvent être détournées par la politique intérieure. Ce qui peut être perçu comme allant des intérêts nationaux peut facilement prendre le pas sur lintérêt général.

Cette tendance est compréhensible, même si elle est erronée dans les cas où la solidarité est dans lintérêt des pays.

Les vaccins en sont un exemple frappant.

Tout le monde comprend quun virus comme le COVID-19 ne respecte pas les frontières nationales. Nous avons besoin dune vaccination universelle pour réduire le risque que de nouveaux variants plus dangereux apparaissent et touchent tout le monde, dans tous les pays.

Au lieu de donner la priorité aux vaccins pour tous dans le cadre dun plan de vaccination mondial, les gouvernements ont agi pour protéger leur propre population. Mais ce nest quune demi-mesure.

Bien entendu, les gouvernements doivent assurer la protection de leur population. Mais sils n’œuvrent pas simultanément à vacciner le monde entier, les plans de vaccination nationaux pourraient savérer inutiles par lapparition et la propagation de nouveaux variants.

Deuxièmement, bon nombre des institutions ou cadres mondiaux actuels sont dépassés ou tout simplement faibles, et les réformes nécessaires sont entravées par des clivages géopolitiques.

Par exemple, lautorité de lOrganisation mondiale de la santé est loin dêtre suffisante pour coordonner la riposte aux pandémies mondiales.

Dans le même temps, les institutions internationales dotées de davantage de pouvoir sont soit paralysées par les divisions comme le Conseil de sécurité soit antidémocratiques comme bon nombre de nos institutions financières internationales.

En bref, la gouvernance mondiale échoue précisément au moment où le monde devrait sunir pour résoudre les problèmes mondiaux.

Nous devons agir ensemble dans lintérêt national et mondial, afin de protéger les biens publics mondiaux essentiels, comme la santé publique et un climat vivable, qui contribuent au bien-être de lhumanité.

Ces réformes sont indispensables si nous voulons concrétiser les aspirations communes pour nos objectifs mondiaux collectifs de paix, de développement durable, de droits humains et de dignité pour toutes et pour tous.

Il s’agit d’un exercice difficile et complexe qui doit tenir compte des questions de souveraineté nationale.

Mais linaction nest pas une réponse acceptable. Le monde a désespérément besoin de mécanismes internationaux plus efficaces et plus démocratiques, capables de résoudre les problèmes des gens.

 

Si nous avons appris une chose grâce à la pandémie, cest que nos destins sont liés. Lorsquon laisse quiconque de côté, on risque de laisser tout le monde de côté. Les régions, les pays et les personnes les plus vulnérables sont les premières victimes de ce paradoxe de la politique mondiale. Mais tout le monde, partout, est directement menacé.

La bonne nouvelle, cest que nous pouvons agir pour relever les défis mondiaux.

Les problèmes créés par lhumanité peuvent être surmontés par lhumanité.

En septembre dernier, jai publié un rapport sur ces enjeux. Notre programme commun est un point de départ, une feuille de route pour réunir les peuples afin de relever ces défis de gouvernance et revigorer le multilatéralisme pour le XXIe siècle.

Le changement ne sera pas facile, et il ne se fera pas du jour au lendemain. Mais nous pouvons commencer par trouver des points de consensus et avancer dans le sens du progrès.

Cest notre épreuve la plus difficile car les enjeux sont considérables.

Nous en voyons déjà les conséquences. Lorsque les gens commencent à perdre confiance dans la capacité des institutions à tenir leurs promesses, ils risquent également de perdre confiance dans les valeurs qui sous-tendent ces institutions.

Aux quatre coins du monde, nous assistons à une érosion de la confiance et, je le crains, aux prémices du crépuscule des valeurs communes.

Les injustices, les inégalités, la méfiance, le racisme et la discrimination jettent des ombres obscures sur toutes les sociétés.

Nous devons restaurer la dignité et la décence humaines et apporter des réponses aux angoisses des populations.

Face à des menaces croissantes et interconnectées, à dindiciblessouffrances humaines et à des risques partagés, nous avons lobligation de nous faire entendre et dagir pour éteindre l’incendie.

António Guterres est le Secrétaire général de lOrganisation des Nations Unies

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