En plus de la nouvelle d’accusations d’esclavagisme contre Mohamed Touré, fils du premier président guinéen et sa femme Dénise Florence Cross-Touré, fille de Marcel Cross, ancien directeur de l’OFAB (Office d’Aménagement de Boké précurseur de l’ANAIM) tous les deux âgés de 57 ans, les Guinéens ont été stupéfaits d’apprendre selon la justice américaine que le fils du défunt dictateur Sékou Touré – qui a régné sans partage sur la Guinée de 1958 à sa mort aux Etats-Unis en 1984 – avait un revenu de plusieurs centaines de milliers de dollars par an provenant de « source étrangère »
Habitant à South Lake, une banlieue cossue du nord-ouest de Dallas au Texas, Mohamed Touré et sa femme ont acheté une villa en 1991 à 370.000 dollars. Sa valeur actuelle selon les evaluations foncière serait environ 590.000 dollars.
Le secrétaire général de l’ancien parti unique le PDG, vivant à Conakry a déclaré au fisc américain – comme l’oblige la Loi – 200.000 dollars par an de 2010 à 2016 soit 1,4 millions de dollars. Revenus « en provenance d’outre-mer ».
Le problème est que Mohamed Touré n’a aucun emploi connu, ni source de revenu officiel ni en Guinée, ni ailleurs.
De toutes les sources d’information publiques, Mohamed n’aurait pas occupé d’emploi tout le temps qu’il était aux Etats-Unis, quoique sa femme ait travaillé une année pour la compagnie aérienne Delta Airlines de juillet 2005 à juin 2006 puis comme aide enseignante selon l’acte d’inculpation du gouvernement américain. Mohamed Touré était définitivement rentré en Guinée où il faisait de la politique comme sécrétaire général du PDG (parti démocratique de Guinée), l’ancien parti unique qui a supporté le candidat RPG-Arc-En-Ciel en 2010 obtenant même un siège de ministre dans le premier gouvernement d’Alpha Condé.
Son père Sékou Touré, qui a régné sans partage pendant 26 ans en tuant dans d’innombrables complots imaginaires des dizaines de milliers de Guinéens n’était pas connu pour un penchant sur le matériel, un aspect de son règne que même ses adversaires lui reconnaissent. Vivant simplement, au palais présidentiel, Sékou Touré avait droit de vie et de mort sur tous les Guinéens et la dictature sanglante qu’il a fait régner sur les Guinéens a conduit plus du quart de la population à l’exil. Une de ses victimes – Alpha Condé, condamné à mort par contumance n’est revenu en Guinée qu’après la mort de l’ancien président. Le régime du PDG malgré les milliards de dollars d’aide et d’investissement en Guinée de 1958 à 1984 qui n’ont tout simplement jamais été comptabilisés après la mort de Sékou Touré a laissé un pays économiquement en ruine avec une dette étrangère de quelques milliards de dollars.
Cette révélation de plusieurs centaines de milliers de dollars de revenus – a enragé les nombreuses victimes de la dictature sanglante du père de Mohamed Touré – qui soutient mordicus et réclame l’héritage politique de son père – pendant que ses partisans et négationnistes refusent de voir la vérité en face et parlent de « complot » de l’administration américaine.
Même au sein de la famille biologique de Mohamed Touré, des questions se posent car si la majeure partie de ses cousins ne tirent pas le diable par la queue, force est de reconaitre qu’ils ne vivent pas dans le luxe aussi. « Les militaires du CMRN (commité militaire de redressement national) nous accusaient – la famille Touré – d’avoir pillé le pays, et personne ne croyait. Mais si Mohamed a vraiment tout cet argent tout ce temps, on se pose des questions aussi », se confie un proche cousin du fils de Sékou Touré.
Le parcours de Mohamed Touré
A sa sortie d’université, Mohamed Touré, diplomé en Economie – Finances de la promotion Mohamed V, a brièvement occupé un poste administratif au ministère des Finances où il était courtisé et craint par tous les fonctionnaires en raison du statut de son père. La famille Touré le préparait pour remplacer son père qu’il accompagnait dans les missions à l’étranger dans les pays occidentaux notamment aux Etats-Unis avec lesquels la Guinée avait rénoué les relations et qui étaient vivement intéréssés aux riches ressources minières guinéennes et à sortir la Guinée de l’Orbite communiste de l’Union Soviétique, patronne politique de la Guinée isolée et financièrement en faillite. Les membres de la famille paternelle et maternelle de Mohamed Touré occupaient tous les postes stratégiques du pays et les affaires de la nation se réglaient en famille sous la direction du patriarche Amara Touré à Faranah.
La mort subite du dictateur en mars 1984 avec les querelles familiales de succession, le coup d’État militaire le 3 avril 1984, mettra fin à la parenthèse douloureuse de la « Révolution du Responsable Suprème de la Révolution ». Les membres de la famille Touré (côté Sékou) et Kéita (côté André) seront emprisonnés par la junte militaire (CMRN) et une grande partie exécutée sans jugement après le coup d’État raté de Diarra Traoré le 4 juillet 1985. Les proches de Sékou Touré goûteront en partie ce qu’ils avaient fait subir à tant de familles les années précédentes.
Sorti de prison, lui et sa mère seront recueillis par l’ancien président ivoirien Houphouet Boigny et le roi du Maroc Hassan II. Finalement – et ironiquement – Mohamed s’établira aux Etats-Unis patrie du capitalisme que son père a passé tout le temps à pourfendre dans des discours fleuves – où d’ailleurs il trouvera la mort dans une clinique de Cleveland, Ohio.
D’où proviennent donc les millions de dollars de revenus de Mohamed Touré ?
Pour ceux qui vivent en Occident en général et aux Etats-Unis, en particulier, il est difficile de comprendre que sans travail ou revenu connu, qu’on puisse comme Mohamed Touré entretenir un train de vie somptueux sans avoir accès à une « fortune cachée ».
« 200 000 dollars par an de rente, cela signifie qu’on possède des dizaines millions de dollars tapis quelques parté », déclare un consultant financier qui a requis l’anonymat avant que « cela ne veut pas dire que les revenus d’un actif existant quelques part sont illégitimes. Mais l’argent ne pousse pas dans les arbres. »
Plusieurs théories sont lancées pour expliquer cette « fortune cachée » de Mohamed Touré. Aucune d’entre elle ne tient la route selon notre consultant.
1- Une « fortune cachée » de Sékou Touré que seul Mohamed avait accès
A la mort de Sékou Touré et le coup d’État « contre un cadavre » qui a suivi, le CMRN avait fait circuler des tracts déclarant des milliards de dollars cachés en Occident et une dame Néerlandaise appelée « Monique » était citée comme étant la gestionnaire de la « fortune de Sékou Touré ». Malgré des années d’emprisonnement de la famille Touré, aucune trace de cet argent n’a été officiellement confirmée. Le train de vie et le style de gouvernement de Sékou Touré – très peu porté sur le matériel mais avide de pouvoir et de gloire – ne colle pas avec quelqu’un qui aurait cherché à amasser une fortune à l’étranger. « Sékou Touré n’avait pas besoin de mettre de l’argent de côté, la Guinée l’appartenait. Il en faisait ce qu’il voulait ; donc, il n’avait pas à cacher de l’argent », affirme un ancien du camp Boiro qui avait collaboré longtemps avec le dictateur avant son arrestation lors des purges.
2- Des droits d’auteurs des livres de Sékou Touré
Les fameux « tomes de la Révolution » livres insipides sur les théories révolutionnaires étaient une obligation d’étude pour tous les Guinéens. Le dictateur en était fier et offrait les tomes à ses visiteurs. Selon une théorie, les « droits d’auteurs » pourraient expliquer les revenus de Mohamed Touré. « Impossible », clame un observateur. « Car dit-il, les tomes de Sékou Touré, personne n’achète ces livres et ils ont même été brûlés publiquement par les Guinéens après la chute du régime. »
3- Soutien financier des « amis politiques » de Sékou Touré.
« Quoique Houphouët Boigny, ancien président de la Côte d’Ivoire – longtemps insulté et vilipendé par Sékou – et Hassan II ancien roi du Maroc sont officiellement venus à l’aide de la famille de Sékou Touré après leur sortie de prison ; cette aide financière d’il y a plus de 2 décennies ne peut expliquer les 200.000 dollars par an ces dernières années », affirme-t-on. « La nouvelle génération de dirigeants africains n’a qu’une connaissance vague de Sékou Touré qui est mort il y a quand même 34 ans », dit cet observateur.
3- Une « subvention » du PDG – RDA autorisée par le président Alpha Condé.
Pour obtenir un soutien du parti que dirige Mohamed Touré, cette théorie spécule que le président Alpha Condé aurait autorisé la subvention du PDG pour le maintenir dans la mouvance. Cette théorie stipule que les paiements ont commencé peu après l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir et ont continué jusqu’il y a 2 ans et aurait cessé quand publiquement Mohamed Touré s’est prononcé contre un troisième mandat du president Condé. Par contre, certains observateurs estiment qu’Alpha Condé ne saurait faire cela étant donné que le PDG ne lui apporte pas grand-chose tant en terme d’électorat que de soutien majeur.
Nous avons cherché à joindre Mohamed Touré à travers son avocat pour demander s’il peut éclairer les Guinéens sur ses revenus. Aucune réponse à date.
« Ce qui est sûr, le gouvernement américain est au courant de la source de cet argent. Peut-être que lors du procès – si procès il y a – les Guinéens sauront si oui ou non, cette source de revenu de l’héritier de la plus grande dictature en Afrique était propre ou pas », affirme un observateur.
Le mystère continue donc…