Quand pourra-t-on mettre fin, à la douleur des mères au Centre Hospitalier Universitaire de Donka ? Ces mères toujours impuissantes devant la mort de leurs nouveau-nés (prématurés). Cette question mérite d’être posée quand on voit le spectacle désolant et révoltant qui se passe à l’Institut de Nutrition de Santé de l’Enfant de ce plus grand centre hospitalier du pays. L’INSE de Donka qui a pour mission de sauver les prématurés s’est transformé en un lieu de souffrance et de désolation où les pleurs et la douleur se sont donnés rendez-vous. Il ne se passe un jour sans qu’un nouveau-né (prématuré) n’y perde la vie.
Maïmouna S, est une mère inconsolable. La tête dans les deux mains, elle pleure sans arrêt. « Elles ont tué mon nouveau-né. J’ai mal…Cette infirmière est sans cœur. Elle a tué mon bébé par négligence ». Assise à même le sol devant la salle de soin des services d’INSE du CHU de Donka, dame Maïmouna, la trentaine, est encore en état de choc. Au petit matin, cette jeune maman met au monde un prématuré, qui « décède par négligence et méchanceté », poursuit-elle, les yeux lavés par les larmes. Pourtant, la perspective d’avoir un enfant les avait ravis, elle et son mari, Moutaga D. « Une bénédiction », se souviennent-ils. Pour éviter tout risque, Maïmouna est allée à l’hôpital de Donka où, après trente semaines de grossesse, elle donne naissance à un enfant prématuré « tout petit, mais en bonne santé », jure le père, qui ne comprend toujours pas pourquoi, quelques heures après l’accouchement, le bébé est mort. « Quand on m’a annoncé le décès de mon bébé, si j’avais eu une arme, j’aurais tué au moins trois infirmières. J’étais tellement en colère », raconte Moutaga qui s’est endetté de 7 millions de francs guinéens pour sauver son bébé.
On se rappelle si comme c’était hier. En avril 2019, de peur de perdre son enfant prématuré qui était en souffrance à l’INSE de Donka, Idrissa B alerte les médias. L’affaire fait scandale au point que le ministre de la santé d’alors annonce l’ouverture d’une enquête et dépêche une équipe sur place. Mais, deux ans après, le mystère de ces souffrances et ces morts en série dans cet établissement n’est pas éclairci. Le père accuse : « C’est la négligence des infirmières et la défaillance des couveuses qui ne chauffaient pas qui ont tué mon bébé»
Depuis quelques temps, elles sont nombreuses, les nourrices et autres mères d’enfants nés prématurés qui se plaignent d’INSE de Donka où le service de néonatalogie, le personnel médical est insuffisant où c’est à la famille qu’il revient souvent de débourser beaucoup d’argent pour sauver ou assister impuissantes leurs bébés s’éteindre sous leurs yeux.
Côté administration, le professeur Cissé, le nouveau directeur de l’hôpital, était injoignable, seul un agent, qui a d’ailleurs voulu garder l’anonymat, du service de néonatologie, estime que « tout le monde s’est mobilisé », que « le nouveau-né a reçu tous les traitements possibles ». Assurant qu’« il n’y a pas eu de défaillance », le bébé aurait, selon elle, succombé à une infection.
Un médecin de l’hôpital, fatigué des critiques de ceux qui ne vivent pas leur calvaire, rappelle, sous couvert d’anonymat, que « tous les hôpitaux publics de la Guinée manquent de matériel. Ce qui donne l’impression que les prématurés sont dans l’attente d’une mort programmée ». Il précise qu’il y a un manque criard de couveuses disponibles au CHU de Donka.
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Que faire donc face à cette réalité ?
Aissatou, caissière dans une banque privée de la place, a aussi perdu son neveu quelques jours après sa naissance à le même CHU de Donka, au début de l’année. Là encore, l’état de la couveuse est en question. Aïssatou raconte, encore frissonnante, qu’il fallait faire bouillir de l’eau, remplir des bouteilles et les placer de part et d’autre de la couveuse pour la réchauffer. Face à cette pénurie donc, de nombreux experts conseillent la méthode « Kangourou », qui veut que la mère garde son bébé sur elle et lui transmette sa chaleur.
C’est vrai. D’importants progrès ont été accomplis au cours des deux dernières décennies dans la prise en charge des naissances au sein des établissements de santé ; pourtant, le recul de la mortalité maternelle et néonatale reste lent. Alors avec un nombre croissant d’accouchements dans les établissements de santé, l’attention doit être désormais mobilisée sur la qualité des soins étant donné l’impact que des soins de qualité médiocre ont sur la mortalité et la morbidité. Et comme on le sait, la période qui entoure l’accouchement est la période la plus critique pour sauver le maximum de vies de mères et de nouveau-nés et prévenir les mort-nés.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la moitié des grands prématurés meurt en raison d’un manque de soins adaptés. Une faille dans le maintien de la température, l’allaitement ou les soins de base pour traiter infections et problèmes respiratoires peuvent être fatals.
Et selon les spécialistes, le premier jour de vie représente la période la plus vulnérable pour le nouveau-né, et est d’un grand intérêt dans l’orientation des stratégies de réduction de la mortalité néonatale et les changements possibles dans les procédures médicales. La mortalité néonatale est un véritable problème de santé publique et son évolution reflète l’état de santé de toute la population et des conditions socio-économiques.
La mortinatalité est un indicateur démographique pour l’évaluation de la santé périnatale et de la qualité des soins. Selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé, sur 130 millions d’enfants qui naissent chaque année, environ 4 millions de nouveau-nés meurent dans les 4 premières semaines de la vie (mortalité néonatale)
Louis Célestin