La décapitation de la tête du groupe Wagner avec la disparition le 23 août dernier de ses principaux chefs dont Evgueni Prigojine dans un accident d’avion survenu en territoire russe, est de toute évidence une nouvelle qui devrait plonger les Etats africains sous contrat avec ce groupe dans de sérieux questionnements. Quels seront leurs futurs interlocuteurs dans ce groupe, et quel sera surtout le sort de Wagner lui-même auprès du pouvoir russe? Si pour certains en Afrique, la présence Wagner est profitable à la sécurité de leur territoire (Mali) sans cesse attaqué par les djihadistes, et pour la survie de certains régimes politiques (Centrafrique), quel que soit l’orientation de ceux-ci, pour d’autres en revanche, la présence des sociétés militaires privées, pas seulement Wragner, en Afrique pose de nombreuses inquiétudes du point de vue juridique, du respect des droits humains, et de la maitrise de l’exploitation des ressources naturelles par les populations africaines. Malgré les espoirs et les craintes légitimes des uns et des autres par rapport à la présence des sociétés militaires privées dans un continent qui présente encore d’importantes fragilités, il y a une question fondamentale, voire existentielle, à laquelle ce continent ne saurait échapper dans son ensemble : quelle est sa vision à long terme de sa propre sécurité ? réside-t-elle entre les mains de ces sociétés militaires, dans le cadre d’accords bilatéraux signés entre un Etat africain et un Etat non africain (on pense ici en particulier aux accords de défense et de sécurité entre la France et certains Etats africains), dans le cadre d’une sécurité collective africaine assurée par l’Union africaine à travers son Conseil de Paix et de Sécurité, ou d’une sécurité régionale assumée par une organisation comme la Cédéao ? Même si les projecteurs sont aujourd’hui braqués sur Wagner, à cause notamment d’une guerre « hybride » que se livrent entre eux, les russes et les occidentaux partout sur la planète, y compris en Afrique, dans le cadre de la reconfiguration du monde, il convient de préciser, d’une part, que ce groupe n’est pas la seule société militaire privée à opérer en Afrique, et d’autre part, ce n’est pas non plus avec lui que les mercenaires étrangers ont pour la première fois foulé le sol africain. Tirant les leçons de l’histoire du mercenariat en Afrique, de la période coloniale à nos jours, la question se pose aujourd’hui de savoir s’il faut laisser la sécurité continentale entre les mains des agents de la terreur essentiellement guidés par l’argent et l’odeur des richesses africaines, ou entre les mains des Etats africains eux mêmes, normalement soucieux de la paix et de la sécurité? Tel est l’objet de ce dossier qui tente de livrer une analyse globale de la problématique du mercenariat en Afrique, en lien avec sa sécurité à long terme.