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Labé: Entretien avec Mamadou Oury Sow, l’homme  qui tente de redresser  l’apiculture

Secteur négligé et parfois même relégué au second plan avec un désintéressement palpable, l’apiculture semble être pourtant une activité d’avenir. En plus de la cire et du miel, l’apiculture serait incontournable dans le monde paysan avec son apport dans l’agriculture. Jeune entrepreneur dans ce domaine, El Hadj Mamadou Oury Sow, manager général de l’entreprise api-Project et dépositaire de la marque Barki Youmma (bénédiction d’une mère) semble avoir trouvé son salut dans l’apiculture. En plus de la production, ce jeune-homme de 21 ans s’intéresse à la valorisation et la commercialisation d’un miel pur et naturel. Dans un entretien accordé à la rédaction locale de guinéenews, Oury Sow lève un coin du voile sur ce secteur qui lui a permis de voir le bout du tunnel.

Guinéenews : depuis quand vous êtes-vous lancé dans l’apiculture ?

Oury : je me suis lancé dans l’apiculture en 2019. J’ai 21 ans, actuellement je suis étudiant mais c’est lorsque j’étais au collège que je me suis lancé dans le domaine. J’étais précisément en 12ème année. Donc je suis actuellement en licence 1 économie.

Guinéenews : comment avez-vous eu l’amour pour l’apiculture ?

Oury : comme la plupart des jeunes de mon âge, j’ai été candidat à l’immigration irrégulière. Je voulais partir, quitter la Guinée comme beaucoup d’autres jeunes, mais j’avais une histoire un peu différente. Y avait ma mère qui était veuve et malade, j’ai perdu mon papa en 2007 ; une chose qui a affecté beaucoup de mes choix. En plus, je suis le dernier garçon car on est 5 dans la famille, y a mon frère ainé qui n’est pas là et je suis le second garçon car les trois autres sont des femmes/filles. Donc, ce n’était pas facile de laisser ma mère ici car je l’accompagnais à l’hôpital, et je faisais  ses courses. Finalement je décidais de rester pour prendre soin de ma mère avec son état de santé critique du jour au lendemain et en créant une activité auprès d’elle ; activité qui me permettra de prendre soin d’elle financièrement.

Guinéenews : qu’est ce qui a exactement orienté ton choix vers l’apiculture ?

Oury : actif dans le monde associatif, lors d’une réunion avec un apiculteur français en séjour en Guinée dans les locaux de notre association villageoise 2.0, j’ai rencontré le monde fascinant des abeilles et du miel. J’en suis tombé littéralement amoureux. Donc, on était avec Sébastien Lebron, un apiculteur français ; il nous parlait de l’apiculture, il nous parlait de miel et des avantages de faire l’apiculture. Et c’est de là que j’ai eu cette idée qui peut me permettre de voyager et rester sur place. Donc, avec ça je peux voyager, parce que je tenais à sortir de la Guinée pour me former car avec les grèves du SLECG (syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée) ce n’était pas encourageant d’étudier ici. Donc, je me suis dit qu’en faisant l’apiculture je gagne doublement. Premièrement je peux faire mes études ici tout en créant une entreprise auprès de ma mère afin d’avoir des sources de revenus.

Guinéenews : vous vous êtes lancé avec quoi comme matériel ou moyens ?

Oury : je me suis lancé avec une idée. En 2019, j’avais l’idée que j’ai partagée avec mon entourage et c’est cette idée qui m’a fait renoncer à mon projet de voyage clandestin ou normal. Maintenant je me demandais comment collecter les moyens que je voulais utiliser pour aller en aventure, afin d’investir cet argent dans l’apiculture. Une chose qui n’a pas été facile. Parallèlement, il y avait le grand concours jeune entrepreneur, j’ai vu le concours, j’ai postulé pour tenter ma chance. J’ai monté mon projet, j’ai défendu et finalement j’ai gagné 50 millions GNF. Ce sont  ces 50 millions GNF qui m’ont aidé pour démarrer, j’ai pu avoir du matériel et beaucoup de choses pour lancer mon activité.

Guinéenews : donc, c’est avec ce concours qu’Api-Project a démarré ?

Oury : Avant ce concours, j’avais commencé à explorer le terrain à travers des enquêtes mais ce concours m’a beaucoup renforcé et je me suis réellement lancé dans l’apiculture. Il s’agit du grand concours jeune entrepreneur initié par Djiba Milimono du groupe hadafo medias.

Guinéenews : après le lancement effectif de vos activités, comment avez- vous trouvé l’apiculture ?

Oury : quand je me suis lancé, j’ai vu que l’apiculture est vraiment un secteur merveilleux. Plus tu essaies de découvrir la chose puis tu tombes amoureux. C’est un domaine à fort potentiel, parce que comme j’aime le dire, on ne peut pas parler d’agriculture sans agriculture. Vous savez avec la pollinisation des plantes, selon la FAO 75 % des cultures vivrières dépendent de la pollinisation des abeilles. Et imaginez maintenant, à chaque année on assiste au déclin des abeilles qui est un tout autre problème. Sinon dans le secteur il y a le miel qu’on peut récolter, il y a la cire, la gelée royale, il y a plein de choses qu’on peut financièrement en tirer et qui peuvent nous développer financièrement.

Guinéenews : comment évoluez vous sur le terrain technique, où êtes vous basé?

Oury : notre entreprise est basée ici à Labé, nos ruches sont à Sampiring (dans le quartier Poreko) et aujourd’hui nous avons nos produits disponibles dans certains supermarchés de Conakry et également avec nous en local ici.

Guinéenews : pour ce qui est des ruches, vous en avez quelle quantité ?

Oury : nous avons actuellement 30 ruches. Mais la particularité de notre entreprise c’est surtout l’accompagnement. Au-delà de notre production, nous accompagnons des apiculteurs à produire du miel en respectant les normes. C’est-à-dire on les accompagne en formation, en équipement et en fin de compte on achète leur miel à un prix équitable.

Guinéenews : c’est quoi votre capacité de production ?

Oury : pour ce qui est de notre entreprise nous sommes à une tonne voire une tonne et demi par an ; mais nous avons une capacité de production de plus de 10 à 20 tonnes par an ; parce que là on touche plus de personnes.

Guinéenews : très souvent aussi la qualité du miel produit chez nous est remise en question, qu’en est-il ?

Oury : c’est pour cela qu’on les accompagne, sinon on pourrait juste venir acheter leur miel. On essaye de les accompagner pour avoir une meilleure qualité de miel, parce qu’il y a manque de formation au niveau des apiculteurs, manque d’information sur les normes à respecter. Donc, c’est surtout ça. Et ce que vous avez signalé est bien réel ; avoir la bonne qualité du miel n’est pas facile.

Guinéenews : les abeilles sont souvent considérées comme une menace par les citoyens ; comment se comporter face à une colonie d’abeilles ?

Oury : il faut s’informer, il faut savoir c’est quoi une abeille, savoir quand est-ce qu’une abeille se sent menacée, essayer d’avoir plus d’informations. Mais les abeilles ne sont pas une menace, par contre c’est quelque chose qui est bénéfique pour l’humanité. Mais comme vous le savez ici localement, on n’élève pas les abeilles, on ne cherche qu’à avoir du miel. Alors que nous on essaie d’élever les abeilles, on tente de faire l’élevage des abeilles. On ne voit pas juste l’aspect récolte du miel mais aussi comment augmenter la colonie des abeilles dans nos différentes ruches ? C’est un peu ça notre objectif. Un jour, je nettoyais le matériel qu’on utilise dans l’apiculture à la maison ; quelque temps après, des abeilles sont venus en grand nombre et les gens qui étaient dans la concession ont commencé à paniquer. Mais je leur ai demandé de ne pas réagir, de rester sereins et finalement après l’activité de nettoyage, les abeilles sont parties sans le moindre dégât.

Guinéenews : je constate aussi un désintéressement vis-à-vis de l’apiculture, est-ce le cas de votre côté ?

Oury : actuellement ça commence à changer, parce que comme vous le voyez je suis un jeune mais je suis entrepreneur dans ce domaine. C’est juste que quand on n’est pas informé sur une chose, c’est difficile d’entreprendre. Imaginez si je n’avais pas eu les informations avec Sébastien, est-ce que j’allais me lancer dans l’apiculture ? Non,  parce qu’avant, je voyais l’apiculture comme tout le monde. Mais à travers ça j’ai compris que l’apiculture est un autre monde.

Guinéenews : vous trouvez que les jeunes peuvent entreprendre et réussir dans ce domaine ?

Oury : effectivement ils peuvent se lancer parce que c’est un domaine porteur et très rentable.

Guinéenews : c’est quoi votre lien avec la fédération des apiculteurs de Labé ?

Oury : oui la fédération des apiculteurs de Labé ce sont des partenaires. On ne collabore pas directement mais ils restent des partenaires car nous avons des activités en commun.

Guinéenews : peut-être un message pour clore cet entretien ?

Oury : mon message, c’est de dire aux jeunes comme moi, de se lancer, car moi je ne regrette pas parce que l’apiculture c’est au delà de ce qu’on voit ; c’est vraiment une filière très porteuse qui peut développer même le pays. Donc, c’est encourager les jeunes à entreprendre dans le secteur, ils ne vont jamais regretter.

Des propos recueillis par Alaidhy Sow

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