Retard dans le traitement des dossiers essentiels, des multiples réunions de travail, des tête-têtes interminables, des séances nocturnes, des rencontres de travail pendant les week-ends, des nuits blanches passées au bureau pour l’étude d’un seul dossier.
Contrairement aux principes sacro-saints de la Fonction Publique guinéenne, les jeunes gens de la diaspora sollicités pour « booster » l’appareil administratif l’ont mis en panne. Pour le faire démarrer, ils suent et font suer tous leurs collaborateurs, du matin jusque tard la nuit. Voici la triste réalité qui est celle des cadres nommés par le CNRD après sa prise de pouvoir le 5 septembre dernier.
Aujourd’hui, l’administration prend du plomb dans l’aile. Et tout est au point mort au grand dam des populations guinéennes. C’est le constat fait ces temps-ci sur le terrain.
« Pas de recyclage ! » Quand le Colonel Mamadi Doumbouya répétait cette phrase, à chaque discours pendant les premières heures, beaucoup de Guinéens pensaient que c’était du bluff. Il a fallu attendre des séries de décrets pour s’en rendre à cette évidence lorsqu’il a lié l’acte à la parole. Les ministres et tous leurs cabinets, les directeurs nationaux et leurs adjoints, les directeurs généraux et leurs conseillers, les gouverneurs de région, les préfets, les sous-préfets limogés et mis à la touche, si ce n’est la retraite.
« Beaucoup de jeunes issus de la diaspora font leur entrée dans l’administration publique à pieds feutrés. Sans expérience, ni background, ces cadres « new born » depuis leur nomination, pataugent dans les dossiers. Ils font actuellement le forcing et mettent le cabinet à contribution tous les jours et à tout heure. Ce qui agace non seulement les cadres des départements, des directions, de la Primature et même ceux de la Présidence de la République », nous confie sous le sceau de l’anonymat, un haut cadre des Finances rencontré dans les locaux du ministère de l’Economie et Finances.
Aux impôts ou à la douane par exemple, c’est le comble. Selon un cadre interrogé au rez-de-chaussée de l’immeuble, « les nouveaux promus peinent à comprendre les dossiers et à les exécuter à temps. Ces nouveaux cadres bombardés directeurs généraux, voilent-ils leurs carences à travers des réunions jusqu’à tard dans la nuit ? Est-ce normal qu’on fasse travailler les fonctionnaires au-delà des horaires fixés par les dispositions réglementaires de la Fonction Publique ? Si ce n’est pas voiler certaines carences d’ordre managérial, ce sont des pratiques qui ne se doivent pas. Le travail du fonctionnaire est régi par des droits et obligations au nombre desquels figurent le respect des horaires de service. C’est-à-dire venir à l’heure et partir à l’heure », soutient un cadre des services des Impôts, très amer.
En plus de cette colère du travailleur de la direction générale des Impôts, certains pensent que c’est parce que les équipes précédentes n’ont pas travaillé comme il le fallait. C’est pourquoi, estiment d’autres, les nouvelles autorités se voient parfois obligés de passer des nuits blanches pour traiter dans la célérité certains dossiers.
« Mais où est le mal ? Au moins ça travaille maintenant ! Autrefois les gens venaient au service à 11 heures pour retourner à la maison à 14 heures. Vous-mêmes vous avez appris les visites inopinées du président Alpha Condé, très tôt les matins et les après-midi, dans les services publics ! Travailler tard n’est pas un mal en soit. Ce n’est pas une contre-performance comme vous le pensez », rétorque un autre fonctionnaire des Impôts qu’on a croisé dans les couloirs.
Même il ne faut pas perdre de vue que ces cadres promus pour la plupart jeunes ont certes, besoin d’un peu de temps pour s’accommoder et faire valoir leur talent, pour de nombreux observateurs ou autres connaisseurs de l’administration, la politique de rupture ou la ‘’décapitation brutale’’ menée par la junte militaire au pouvoir dans la fonction publique risque fort de causer assez de désagréments aux usagers et de compromettre les performances ou le peu d’acquis réalisés dans le cadre du processus de réformes déjà entrepris.