De nombreux journalistes ont été emprisonnés ces dernières années sur des délits commis dans l’exercice de leur métier. Cela, malgré que les délits de presse soient dépénalisés en Guinée. Une question à laquelle le ministre de l’Information et de la Communication a bien des explications.
Invité dans l’émission Sans concession de Guinéenews ce vendredi, Amara Somparé a abordé la question en ces termes :
« Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Les textes, les lois et les règles institutionnels ne doivent pas précéder l’évolution des mentalités. C’est-à-dire qu’en Europe, ce qu’on a constaté quand on observe l’histoire européenne, c’est que c’est une évolution des mentalités. C’est une évolution sociétale qui a conduit à une révolution des textes et des institutions. Ce n’est pas l’inverse.
Nous, on met d’abord l’institution. On crée des textes. On veut que des gens qui ne sont pas intellectuellement outillés pour respecter et s’adapter à cela soient exactement comme des machines et puissent fonctionner tels que les textes le définissent.
C’est exactement la loi sur la liberté de la presse. On a fait une loi qui, je peux vous le dire aujourd’hui, est une référence dans la sous-région en matière de la liberté de la presse. Le Sénégal n’en dispose. Le Mali n’en dispose pas. La Côte d’Ivoire n’en dispose.
Et ça, Reporters sans frontières nous l’a confirmé lors que je les ai reçus ici pour une séance de travail. Donc, nous sommes les pionniers dans le domaine.
Mais quels sont les préalables à une telle loi qui libéralise l’activité de journalisme, l’activité de la presse en République de Guinée. C’est la responsabilité. C’est le respect de la déontologie du métier. C’est le respect l’éthique de la profession.
Si ces trois composantes ne sont pas maîtrisées par les journalistes, leur donner toute cette liberté nous conduit très souvent à ce que l’on constate en Guinée. C’est-à-dire, des dérapages, des journalistes qui sortent complètement de leur mission professionnelle et qui vont sur des thèmes, des sujets qui les mettent en conflit avec la société ou du moins avec certains acteurs publics.
Maintenant, en ce qui concerne la dépénalisation des délits de la presse, ce que la loi dit, c’est qu’on ne peut pas condamner à une peine privative de liberté. J’insiste sur le terme « condamné ». Ça veut dire qu’un journaliste qui est l’objet d’une plainte devant les tribunaux, à l’issue du procès, ne peut pas être condamné à un mois, deux mois, un an de prison : il ne peut être condamné qu’à une sanction pécuniaire.
En revanche, dans le cadre de la procédure d’enquête, dans le cadre de la procédure d’instruction – et cela relève de la Justice ; nous, nous sommes de l’Exécutif -, il peut être prononcé des gardes à vue ou des détentions provisoires qui font exception à la loi sur la liberté de la presse. Encore une fois, je ne veux pas entrer dans ce débat juridico-juridique ; ce n’est pas ma spécialité. Mais je pourrais occasionner une rencontre avec le ministre de la Justice pour qu’il vous explicite ces exceptions.
En Droit, un juge d’instruction ne prononce son verdict en se basant sur un seul texte législatif. Il y a un ensemble de lois qui régissent la vie des citoyens en République de Guinée. Le journaliste est journaliste, mais il est d’abord citoyen. Il ne faut pas l’oublier. Je parle sous le contrôle du ministre de la Justice qui pourra vous éclairer beaucoup mieux que moi sur ce sujet que des exceptions existent dans le cadre de la conduite des enquêtes et de la conduite de la procédure.
Maintenant, personnellement, je l’ai dit et je le répète, je suis foncièrement opposé à l’incarcération des journalistes. C’est mon avis personnel. Et à chaque fois que j’ai été confronté à des incarcérations de journalistes, je me suis démené pour qu’on les fasse sortir. Je suis même passé au journal télévisé pour plaider la cause de Lansana Camara.
En Conseil des ministres, on en a parlé. Le président même s’en est offusqué. Il a dit: « vous n’avez pas besoin de détenir provisoirement, puisqu’il ne constitue pas une menace pour la société. Laissez-le libre et menez votre enquête ». Mais comme on ne peut pas interférer dans le travail de la Justice qui est indépendante, on ne peut émettre que des vœux pieux et des recommandations ».