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Guinée: Zeinab Camara la députée qui veut faire bouger les lignes

Mardi 21 avril, la nouvelle Assemblée s’installe. Vêtue d’un grand boubou jaune brodé, Zeinab Camara, fraîchement élue sous les couleurs du RPG-Arc-ciel, détonne dans les couloirs de l’Assemblée nationale. Bien que novice en politique, la trentenaire avait été choisie pour conduire la liste du parti au pouvoir dans la préfecture de Boffa, en Guinée maritime, lors des élections législatives du 22 mars. Pari gagnant puisqu’elle l’a emporté avec 58 % des voix.

C’est depuis cette même ville de Boffa que le président Alpha Condé avait appelé les jeunes à aller voter, le 20 février dernier, leur promettant « la mise en place d’un fonds consacré à la jeunesse et l’insertion professionnelle ».

« À Boffa, Zeinab Camara était le choix le plus crédible pour le RPG, explique un cacique du parti. Ce n’était peut-être pas une militante zélée, mais nous avions remarqué ses actions sur le terrain. Elle avait par exemple créé un mouvement pour les jeunes et s’était intéressée au développement des infrastructures dans cette zone minière. » Passionnée de ballon rond, elle a aussi racheté, pour une somme symbolique, le Fatala football club de Boffa.

La politique dès le berceau

Né en 1981 à Conakry et originaire de Boffa, Zeinab Camara est issue de la bourgeoisie guinéenne. Mais du Pizza Hut de Villetaneuse, en région parisienne, où elle travailla comme serveuse dès l’âge de 15 ans, à l’Assemblée nationale guinéenne, son parcours ne fut pas linéaire.

La politique, elle l’a découverte au côté de son grand père, El Hadj Saliou Coumbassa. Personnalité politique en vue sous la présidence de Sékou Touré, il officia en tant que ministre de la Justice avant d’être enfermé, durant neuf ans, dans le tristement célèbre camp Boiro.

« Je n’ai pas un passé de militante, c’est vrai. Mais chez moi, la politique n’est pas une envie soudaine. J’ai été biberonné à cela », répond-t-elle à ceux qui lui reprochent d’avoir été parachutée à Boffa.

Après une adolescence partagée entre le Caire, où son père est un temps diplomate, et la France, où elle rejoint sa mère, Zeinab Camara fait le choix de l’Angleterre. Elle pose ses valises à Leicester, au nord de Londres, décroche une licence en Relations internationales, mention « affaires politiques américaines », puis un master en Gouvernance et administration publique à la Leicester Business School.

Son diplôme en poche, elle se fait embaucher par le service de santé publique du Royaume-Uni (National Health Service), où elle est coordinatrice pour la région des Midlands de l’Est. Mais son cœur est ailleurs.

Fin 2008, la maladie et les apparitions de plus en plus rares du président Lansana Conté plongent la Guinée dans une période d’incertitude politique. Zeinab Camara sent le vent tourner, elle veut rentrer au pays. « La Guinée était en pleine instabilité, mais je considérais que le moment était venu », explique-t-elle.

Elle prend un billet pour Conakry. Retour prévu le 22 décembre. Mais le jour même, le président de l’Assemblée nationale guinéenne annonce la mort du président Lansana Conté. Les frontières du pays sont fermées, les vols annulés et voici la Guinée plongé dans le chaos. Deux jours plus tard, le 24 décembre 2008, Moussa Dadis Camara s’autoproclamera président. Zeinab Camara, elle, rentrera finalement quelques jours plus tard, en janvier 2009.

Ambition et volontarisme

« Zeinab est une femme très ambitieuse et quand elle s’inscrit dans une cause, elle le fait à 1 000% », confie Amara Somparé, ministre de l’Information et de la Communication avec lequel elle a collaboré au sein du Cercle de réflexion et d’action pour la nation (CRAN). Un think-tank créé en 2009 par des jeunes Guinéens issus de la Diaspora.

En 2011, elle refuse un premier poste que lui propose le groupe australien Rio Tinto. « L’activiste que je suis a préféré décliner, raconte-t-elle. Je connaissais les effets négatifs de l’extraction minière, je leur ai dit que le privé ne m’intéresse pas ». Le géant minier revient à la charge et lui propose un poste taillé pour elle. Cette fois-ci, elle accepte. La voici coordinatrice des relations de la société avec les communautés locales.

SON VOLONTARISME DÉRANGE, SURTOUT DANS NOS SOCIÉTÉS ASSEZ MISOGYNES
Ses proches l’assurent, il est difficile de forcer la main à Zeinab Camara, qui ne craint pas de dire non. Quand le ministre de la Jeunesse lui propose de devenir sa cheffe de cabinet, elle refuse encore. En revanche, quand en 2016 Abdoulaye Yéro Baldé, alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, lui offre un poste similaire, elle accepte aussitôt.

Elle s’y fait remarquer et se voit confier des dossiers importants : création d’un forum des étudiants guinéens, où se rencontrent universités et entreprises, mise en place d’un système de mutuelle de santé pour les étudiants et les enseignants… Savait-elle déjà qu’elle briguerait un mandat électoral ? Son ambition ne passe pas inaperçue et ceux qui la côtoient à cette époque en sont convaincus.

Mais elle ne se fait pas que des amis. « Son volontarisme dérange, surtout dans nos sociétés assez misogynes, ajoute Amara Somparé. Quand une femme veut faire bouger les lignes, elle est souvent critiquée. »

LES JEUNES QUI S’ENGAGENT EN POLITIQUE DOIVENT ADHÉRER À UNE IDÉOLOGIE ET NON SUIVRE UN LEADER
Entourée d’une équipe de communicants, la députée de Boffa veille à son image et ne laisse rien au hasard. Usant parfois d’une rhétorique datée, qui contraste avec le « renouveau » politique qu’elle met en avant, elle apprécie peu de voir les querelles internes du RPG dévoilées au grand jour.

Zeinab Camara est néanmoins favorable à une réforme des structures du parti. « Les jeunes qui s’engagent en politique doivent adhérer à une idéologie et non suivre un leader politique », argumente-t-elle. Une référence à l’agonie qu’ont connu le Parti démocratique de Guinée (PDG) de Sékou Touré et le Parti de l’unité et du progrès (PUP) de Lansana Conté, deux formations vidées de leur substance une fois que leur président disparus.

Qu’en sera-t-il du RPG quand le président Alpha Condé raccrochera les gants ? La députée se dit optimiste : « Le RPG est un parti fort qui demeurera. »

Source: Jeune Afrique

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