Adoptée et promulguée, la loi du 4 juillet 2017 sur les partenariats publics-privés (PPP) n’a jamais été publiée au journal officiel de la République, la rendant ainsi inachevée. Négligence ou méconnaissance ?
En tout cas, elle continue à être citée dans des négociations de contrat entre l’Etat et des opérateurs privés. Aux dires de certains juristes et économistes, cette non-publication de la loi laisse de nombreux investisseurs perplexes.
Lundi 23 juillet, lors de la première journée d’un séminaire de formation sur les PPP à Conakry, en parlant de la préparation et passation d’un contrat PPP, juristes, financiers et chefs d’entreprises se sont penchés sur cette loi.
« La difficulté qui se pose, c’est que la loi sur les PPP n’est pas encore publiée au journal officiel. D’un point de vue juridique, pour que cette loi soit opposée aux tiers, notamment aux opérateurs privés, il faut qu’elle soit publiée au journal officiel », fait remarquer Me Hamidou Dramé, membre des Barreaux de Guinée et de Lyon. « Actuellement il y a ce vide juridique qui, il me semble, qu’on peut combler facilement », estime l’avocat, l’un des deux animateurs du séminaire de formation sur les PPP.
Estimant que la loi du 4 juillet 2017 ne devrait pas être opposable aux tiers, Me Dramé incite de nouveau le ministère en charge du partenariat public-privé à la publier au journal officiel de la République.
Un participant au séminaire n’a pas manqué de souligner que la non-publication de la loi fait perdre des millions de dollars à la Guinée.
Les PPP sont une forme de collaboration entre l’Etat et un opérateur privé en vue de réaliser tout ou en partie des opérations suivantes : la conception, le financement, la construction, l’exploitation et l’entretien d’une infrastructure ou d’un service concourant à une mission de service public. Pour autant, les PPP font l’objet de vives critiques partout dans le monde. Certains spécialistes soutiennent que les PPP sont des contrats coûteux qui entrainent souvent des remboursements insoutenables ; des contrats complexes et compliqués dans la préparation et dans l’exécution ; des contrats à hauts risques ; des contrats qui excluent le privé national… Et des cas d’échecs de PPP ne manquent pas effectivement sur le continent – surtout en Afrique francophone. Me Issakha Ndiaye, expert en PPP et avocat aux barreaux de Paris, explique les nombreux cas d’échecs de PPP par un problème de textes et de capacité des autorités contractantes à mobiliser des financements.
« On peut aussi ajouter à ces deux raisons, un problème d’instabilité politique et sociale dans beaucoup de pays. L’instabilité ne plaide pas en faveur de la bancabilité de certains projets », explique l’expert sénégalais. En effet, ajoute-t-il, les financiers analysent souvent les situations politiques et financières de certains pays avant de s’engager.
Du point de vue texte, Issakha Ndiaye estime que la loi guinéenne du 4 juillet 2017 sur les PPP est globalement conforme à la plupart des textes dans la sous-région.
«On peut donc dire que la Guinée est dans les standards en matière de textes sur les PPP », apprécie Ndiaye. «On peut même dire que par rapport à certaines lois dans la sous-région, la Guinée a élargi l’application de la loi PPP », signale l’expert. Toutefois, la loi guinéenne ne tient pas compte de l’étude préalable de faisabilité qu’on retrouve dans les autres textes de la sous-région.
Alors que la capacité humaine reste un des principaux handicaps à la réussite des PPP en Afrique, les représentants des ministères concernés ont brillé par leur absence à la formation de trois jours organisée par PPP from Africa et l’Institut de Formation et d’Expertise juridique. Pour tant, au sortir de cette formation, les participants ont pu faire la distinction des différents partenariats publics-privés, le cadre juridique des PPP, les bonnes pratiques de négociations…
Il faut rappeler qu’avant la loi du 4 juillet 2017, les partenariats publics-privés étaient régis en Guinée par la loi BOT de 1998. Cette loi prévoyait des conventions de construction et d’exploitation dans les domaines de transports, d’énergie, des infrastructures minières… A côté, il y avait le Code de marché public et de délégation des services publics.