Le président de la République vient de mettre fin au suspense autour de son fameux projet constitutionnel, en mettant à la place publique le contenu de ce projet controversé. Alpha Condé semble droit dans ses bottes, ne cédant à aucune objurgation, et bien décidé de passer par pertes et profits les souffrances de ceux qui ont été affectés par les répressions policières enregistrées lors des manifestations anti-troisième mandat du FNDC (Front National pour la Défense de la Constitution). Crédit photo : présidence de la République !
C’est presqu’à la surprise générale que la diffusion de l’avant-projet constitutionnel est intervenue dans la soirée de ce jeudi. Alors que l’attention de l’opinion était focalisée sur le psychodrame qui se joue au sein de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), où 7 des commissaires de l’institution ont claqué la porte, pour dénoncer des dysfonctionnements enregistrés dans l’enrôlement des électeurs. Sans oublier le coup de théâtre provoqué par la sortie du président au siège de son parti, autour des irrégularités qui entourent les élections primaires organisées en prélude aux législatives. Une sorte de coup de pied dans la fourmilière d’un président qui est toujours resté sur ‘’les estrades électorales.’’
Autre fait à relever en rapport avec cet acte présidentiel, c’est qu’il intervient comme une réponse à l’une des recommandations faites par la mission des anciens chefs d’Etat Soglo et Good Luck Jonathan, qui viennent de séjourner dans notre pays dans le cadre d’une mission internationale d’évaluation des préparatifs des élections législatives.
Cette délégation de haut niveau, avait il faut le rappeler, demander au gouvernement guinéen ‘’de clarifier davantage sa position concernant les spéculations sur le cadre constitutionnel du pays, afin de renforcer la confiance des citoyens dans son engagement à renforcer la démocratie et à favoriser des élections législatives pacifiques et crédibles’’.
Discours policé pour faire passer la pilule
Alpha Condé vient donc d’annoncer les couleurs dans le cadre de la mise en œuvre de son projet. Et c’est par un discours policé que le Chef de l’Etat a dévoilé finalement ses intentions.
Le président dit s’être basé sur le ‘’caractère fondamentalement contradictoire des positions légitimement exprimées lors des consultations présidées par le Premier ministre, et vu les recommandations formulées par celui-ci, pour instruire le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, en charge des Relations avec les Institutions Républicaines, de prendre les dispositions pour élaborer un projet de Constitution dans le sens des recommandations faites par l’ensemble des acteurs ayant pris part aux consultations.’’
Par son discours, le président révèle qu’une Commission technique a travaillé dans ‘’l’ombre’’, sous la conduite du Ministre de la Justice pour produire cet avant-projet de Constitution.
Adoubé par le Président de l’Assemblée Nationale et celui de la Cour Constitutionnelle. Ce dernier ayant donné son ‘’avis de conformité’’ à l’avant-projet de Constitution.
Dans le cadre de la vulgarisation de ce fameux projet, avant son adoption par ‘’le peuple souverain’’, Alpha Condé invite ses compatriotes, ‘’à placer au-dessus de toutes autres préoccupations et considérations, les intérêts supérieurs du peuple et la sauvegarde de notre nation.’’
La part belle au président de la République
Ce projet constitutionnel, s’il est adopté tel quel, ne fera que renforcer l’institution qu’est la présidence de la République. On aura toujours à faire à ce monarque républicain calqué sur le modèle de la Cinquième République française. Avec un homme qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains.
Fait nouveau, l’article 40 de ce projet allonge la durée du mandat présidentiel qui passe de cinq (5) à six (6) ans, renouvelable une fois.
Pas donc du nouveau sous le soleil pour l’étendue des prérogatives du président de la République. C’est en quelque sorte une copie conforme de l’actuelle constitution. Ce qui réduit le Premier ministre au rôle de chambellan. Qui peut s’en débarrasser à la moindre incartade.
Juste un léger lifting institutionnel
Il n’y a quasiment pas eu de grandes réformes dans cet avant-projet constitutionnel, comme le faisaient miroiter certains thuriféraires du régime. La réduction drastique du nombre d’institutions républicaines annoncée à cor et à cri n’aura finalement pas lieu. Seule la Haute autorité de la communication (Hac) a été biffée de l’avant-projet, même si l’article 4 le cite parmi les institutions républicaines, mais sans aucun détail.
Au niveau du parlement, l’âge d’éligibilité passe de 25 ans à 18 ans. Ce qui semble s’inscrire dans la volonté du président de rajeunir les institutions.
Les futurs députés n’auront également qu’une session annuelle en lieu et place de deux sessions.
Autre innovation apportée dans la nouvelle constitution, c’est le fait que le président se soit arrogé les prérogatives de nommer dorénavant le président de la Cour Constitutionnelle.
Une manière de mettre cette institution sous la botte de l’exécutif. Inspiré sans doute par l’épisode de feu Kéléfa Sall, avec qui il avait maille à partir.
Enfin les candidatures indépendantes, tant réclamées par bien des gens seront possibles à la présidentielle, à partir de 2020, tel que mentionné dans ledit projet.
Comme il fallait s’y attendre, l’opposition est vent debout contre ce projet de nouvelle constitution. Et c’est comme si Alpha Condé vient d’ouvrir la boîte de pandores.