Qui n’est-il point tombé depuis quelques jours sur des captures d’écran attribuées soit aux tenants de la nouvelle constitution soit aux défenseurs de la constitution du 7 Mai 2010. Sans conteste, nombre ont vu circuler ces « informations ». Je me permets de placer le terme information entre guillemets parce qu’il sera question tout au long de ce court texte de la fabrication de « fausses » ou de « vraies » nouvelles dans l’espace numérique guinéen. Disons déjà que l’usage des fake news en ligne est très récent en Guinée. En raison qu’il est un effet induit de la profusion de la pratique des réseaux sociaux et des médias électroniques. Ou encore il n’est pas le seul apanage d’individus en quête de « like ». Des organisations politiques utilisent « le viol des foules » pour conditionner l’opinion ou pour ailleurs discréditer un adversaire. C’est tout comme ces campagnes d’intoxication auxquelles se livrent les grandes signatures les unes contre les autres.
En guise d’exemple, nous avons vu comment un internaute a pu emballer public et medias sur une sordide histoire d’ensorcellement du footballeur Naby Keita. Le diffuseur de ce contenu courrait moins après des clics, des commentaires et des partages, comme c’en est ordinairement le cas, mais il était plutôt dans une opération marketing consistant à trouver de la clientèle pour une dame qui guérirait des sujets envoutés. Une telle rumeur rencontre souvent l’assentiment du public parce qu’elle repose sur des représentations et des croyances largement partagées dans la société. Et nous avons vu ce que cela a causé comme trouble à l’ordre public sans compter son effet pervers sur la personne incriminée dans une localité où une telle pratique est souvent invoquée pour justifier de l’inaboutissement des projets de vie des uns et des autres.
En référence aux échanges WhatsApp simulés pour le compte du FNDC (Front National pour la Défense de la Constitution) ou des commis de l’Etat qui conniveraient avec un journaliste, relève tout simplement de la manipulation. Pour justifier de l’authenticité du courrier attribué au FNDC, des individus ont mis en scène une discussion de riposte insinuant une infiltration du dispositif de discussions du groupe comme pour faire croire que la lettre était authentique. Du berger à la bergère, un peu comme en guerre, d’autres individus ont monté une conversation qui traite d’une campagne de dénigrement contre le FNDC impliquant cette fois un journaliste qui en amont sur son compte Facebook, avait interpellé les animateurs de la plate-forme FNDC à édifier l’opinion sur ses sources de financement. On voit là qu’il s’agit d’une manœuvre dont l’objectif était de saper l’image du journaliste pourtant très acerbe vis-à-vis du projet d’établissement de la nouvelle constitution. C’est tout comme l’invocation de Diaby Arfamoussaya Macka dans la même conversation parce qu’il fut l’un des tout premiers à partager le prétendu courrier de demande de fonds. Cette guerre communicationnelle à coups de fausses informations dessert indubitablement les différentes causes en ce sens qu’elle renforce davantage la défiance du public vis-à-vis des contenus diffusés par l’un ou l’autre camp parce qu’on serait dans une disposition d’esprit qu’ils s’agissent de publications mensongères. Ce qui n’est pas en soi mal d’ailleurs puisque dorénavant, cela rendrait les consommateurs de produits de medias très conséquents et critiques. Cela s’il ne suffit pas tout de même.
Par contre, si le rempart aux fake news est la piste du « fact checking » que des journalistes utilisent pour contrer la propagation des rumeurs en ligne, ce dispositif ne semble pas superbement fonctionner dans le contexte médiatique guinéen. La raison étant que les médias officiels sont très souvent confondus à des intérêts politiques partisans. Par exemple, la RTG est perçue par des militants d’opposition comme le média dédié à la propagande du gouvernement alors que de l’autre, des sympathisants du pouvoir récusent certains médias privés prétextant qu’ils prêchent la parole de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée. Tout cela aidé par le manque de professionnalisme des journalistes surtout des médias en ligne malheureusement en expansion. Ce qui ne facilite pas du tout le discernement surtout lorsque les internautes ont déjà un cadrage informationnel sur les sujets. Et dire que les réseaux sociaux sont le cœur informationnel du public où chaque internaute peut fabriquer des informations à l’échelle de ses « followers » avec lesquels il entretient une familiarité.
Même s’il existe en Guinée depuis juin 2016 une loi sur la cybercriminalité, l’applicabilité de celle-ci reste contrariée par l’inadaptation des dispositifs de contrôle du flux des contenus produits sur la toile et la difficulté à identifier les internautes sur les réseaux sociaux. Elle est aussi problématique parce que la vulgarisation du texte n’a pas suivi. Aussi vrai que soient ingénieuses les méthodes de fabrication des fausses nouvelles, des campagnes de sensibilisation sur les fake news ne sont pas moins une panacée. C’est tout comme les organisations politiques doivent développer au sein de leurs cellules de communication des modules de média training sur la détection des informations fausses et la riposte à envisager parce que la bataille communicationnelle est de plus en plus sur le terrain du numérique.
Kabinet Fofana, chroniqueur politique de Guinéenews©, à Conakry, Guinée.