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Guinée : L’accord politique du 8 août à l’épreuve de l’Etat de droit

Auteur : Youssouf Sylla, analyste-juriste à Conakry 

Sur le plan juridique, deux reproches peuvent être adressés à l’accord signé le 8 août entre le RPG-arc-en-ciel, l’ufdg et le gouvernement pour mettre fin à la contestation née des élections communales du 4 fevrier passé.

Le premier est la violation du libre choix des gouvernants locaux par les citoyens. En signant un accord d’attribution de l’executif de certaines communes à un parti politique plutôt qu’à un autre, on se met dans une logique de substitution illégale de la volonté des électeurs par celle des partis politiques.

Cet épisode restera dans les annales de l’histoire comme l’un des événements les plus sombres de notre democratie. Et si le marchandage des suffrages exprimés devait se répéter, on serait en droit de se demander à quoi sert le vote en Guinée.

Toutefois, les arrangements politiques sont d’une importance capitale dans une démocratie parcequ’ils la font vivre et évoluer en mettant fin aux blocages institutionnel et sociétal . Aux Etats-Unis par exemple, sans arrangements politiques, il arrive que le budget ne soit jamais voté en cas de désaccords profonds au sein du Congrès, ce qui peut être la cause de fermeture de certains services fédéraux.

En matière électorale, ces arrangements interviennent aussi avant la tenue d’un scrutin ou entre deux scrutins quand les jeux d’alliance sont nécessaires comme c’est le cas présentement au Mali.

Mais les arrangements politiques ne devraient en aucun cas porter sur l’intégrité du suffrage lui-même une fois qu’il a été exprimé. Le suffrage étant sacré, il ne peut faire l’objet de marchandage.

La paix sociale qui résulte d’une telle situation est forcément précaire parcequ’elle repose non pas sur l’autorité de la loi mais sur la position dominante des partis.

Il s’agit là d’un précédent dangeureux pour la démocratie lorsqu’on sait que la Guinée doit honorer d’autres engagements électoraux (les législatives et la présidentielle) d’ici fin 2020. On peut se demander si à leur tour, ces élections ne donneraient-elles pas aussi lieu à des compromissions sur le libre choix des électeurs.

L’accord politique du 8 août pose d’autre part la question de la capacité de la Commission Electorale Nationale Indépendante et de la justice à régler le contentieux électoral dans notre pays. Il n y a pas dans le monde une démocratie qui échappe aux contestations.

Mais les démocraties se distinguent les unes des autres par la capacité de leurs organismes dédiés à résoudre en toute indépendance le contentieux électoral.

En Guinée, cette capacité est faible. Et c’est la responsabilité de l’Etat et des partis politiques d’offrir aux Guinéens un système électoral fiable à même de respecter leurs choix.

Le second reproche qu’on peut faire à  l’accord du 8 août est tout aussi grave que le premier. Il porte sur l’engagement pris par les signataires de l’accord de faire libérer les personnes arrêtées lors des manifestations. Il s’agit là d’un engagement qui viole l’indépendance de la justice.

La justice devrait être capable à travers ses propres mécanismes sans interférence de libérer les personnes innocentes et de soumettre à la rigueur de la loi celles qui s’attaquent au cours d’une manifestation aux biens des autres ou aux personnes innocentes.

Ceci est important dans un Etat de droit afin de montrer aussi bien aux manifestants qu’aux agents des forces de l’ordre qu’il y a des limites infranchissables dans une manifestation publique.

Au final, on peut dire que cet accord est un recul pour la democratie et l’Etat de droit, il met en évidence l’incapacité de ses signataires de resoudre par les voies légales les contestations issues des élections communales.

Il démontre aussi la dangeureuse tentative de régler par des arrangements politiques, les affaires judiciaires.

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