Ces mélodieuses et entrainantes cadences de nos différentes contrées ont été exploitées avec amour, passion, détermination et talent. Le folklore guinéen est riche et varié. Son exploitation par nos artistes s’altère progressivement au profit d’autres genres musicaux du continent et d’ailleurs.
L’attention de Guineenews© se focalise sur le Podha, genre musical tiré du folklore peulh, qui a pris, ces dernières années, un envol considérable dans notre capitale et presque dans toutes les localités de la Moyenne Guinée.
Pour mieux cerner et traiter ce sujet qui attire l’attention de par sa rapide vulgarisation, plusieurs consultations opérées auprès de quelques musiciens, mélomanes et journalistes ont permis de recueillir de nombreux avis.
Le Podha qui signifie ‘’tiré’’ en langue pular, puise son appellation à partir de l’accordéon qui est un instrument de musique, un piano à bretelles au son évasé, qui fut très tôt introduit en Guinée, par des musiciens étrangers.
De l’origine du Podha, les investigations nous ont menés sur plusieurs pistes qui s’entrecroisent et qui révèlent son existence avant même l’indépendance.
Consulté à propos de la source du Podha, Mick Paraya, chanteur et auteur compositeur nous donne son avis : « L’origine du Podha vient des soirées dansantes animées par des joueurs d’accordéons. Ce genre musical existe depuis la nuit des temps. Cette musique a toujours accompagné les travaux champêtres. Elle se joue régulièrement dans les différentes cérémonies de baptême et de mariage ».
Ce genre musical pastoral a été toujours la particularité de ces personnages appelés Niamakalas (griots en peul), qui animaient les Hirdès ou cérémonies de réjouissance au clair de lune.
Le chant ou la voix accompagnée de l’accordéon, de castagnettes et de la calebasse se verront progressivement couplés de la flûte pastorale, du tam-tam, du tunnè (instrument à vent), du Kérona (petite guitare), du piano, du bolon, et autres instruments.
Selon El hadj Youla, consultant mélomane : « Dans les années reculées, ce genre musical, propre à la Moyenne Guinée, s’est valorisé plus tôt à Kankalabé et Bodié dans la Préfecture de Dalaba, à Pita, et sobrement, il s’est répandu dans la préfecture de Mamou, pour finalement s’abattre sur nos toits à Conakry. Cette musique monotone à un seul son appelé ‘’Kouroubabha’’, a été développé par les artistes du terroir à travers des soirées ‘’ Bals poussières’’ aux belles étoiles, dans les lieux aménagés par des clôtures en pailles. Elle sera appuyée graduellement par l’introduction de l’accordéon à partir duquel, elle porte désormais, la dénomination Podha », conclut-il.
Plusieurs rythmes du Foutah notamment le ‘’dia’’, le ‘’tupusèsè’’ et autres sont développés dans ce genre musical.
De la vielle génération des précurseurs de l’accordéon, il est cité entre autres, Alsény ‘’accordéon’’, Moussa ‘’accordéon’’, le père de petit Yéro dans la Préfecture de Pita ; Kawou Yéro Bobo Thianguel, Maitre Samba Diouldé, Diallo Yéro Bhoye Mélikansa, Samba Simiti Diallo, Oury Nènè, dans la Préfecture de Dalaba.
Cette ancienne génération a efficacement contribué à la formation de plusieurs artistes troubadour, ainsi qu’à la vulgarisation de ce genre musical, interprétés aujourd’hui par bon nombre de musiciens évoluant à vase clos et pour certains dont la consécration n’a pas tardé à se faire sentir.
Plus tard, elle s’est vue succédé une autre génération. Cette contemporaine a amorcé un nouveau virage par l’apport d’instruments modernes, notamment la guitare électrique, le piano, la batterie et autres.
En imprimant une autre couleur harmonieuse, teintée d’accords et de compositions musicales variées, la génération de Mick Paraya, feu Sékouba Fatako, Petit Yéro, Amadou ‘’accordéon’’, Pathé Moloko, Abdoulaye Kéita…, a enfin ôté ce genre musical de sa monotonie d’antan.
Pour parler de sa particulière touche, Mick Paraya affirme : « C’est à mon retour du Sénégal en 1993, que j’ai redonné en ma manière, un nouveau souffle au Podha, après de nombreuses expériences acquises. J’ai contribué ainsi à la formation de plusieurs jeunes artistes, notamment Thierno Mamadou qui brille de mille feux aujourd’hui et sollicité partout dans les soirées Podha ».
Presqu’à son apogée au niveau national, le Podha est partout réclamé. Ce genre musical aux pas de danse qui s’apparentent au ‘’meringué’’ inonde aujourd’hui notre capitale.
Le Podha reconnu par son cachet original, plus, il continue d’embraser les mélomanes au niveau de sa provenance, mieux ce genre attire ailleurs nombreux, qui s’éclatent à merci pendant les soirées dansantes.
Pour mieux éclairer et exposer aisément nos sensations sur ce présent sujet Podha, nous avions touché du doigt les réalités pour assister à une soirée Podha, dans le quartier Kaporo Rails, animé par le groupe de Thierno Malal Diallo alias ‘’Bappa Thierno Wernay Kodho’’, ‘’l’hospitalier Bappa Thierno’’, traduit littéralement en français.
Interrogé sur les difficultés rencontrées dans la pratique, l’artiste touche à tout ‘’Bappa Thierno’’, qui chante, danse, joue au piano, confectionne des tam-tams et forme les jeunes, s’explique : « Nous manquons de soutiens matériel et financier pendant que le potentiel humain est à disposition. Je suis obligé de confectionner parfois des tams-tams et même rafistoler les batteries qui soutiennent le rythme dans le Podha. C’est un genre qui mobilise aujourd’hui plusieurs spectateurs ».
En prestations dans les cabarets cinq jours sur sept (5/7), plusieurs groupes ou vedettes ne courent que derrière la manne financière qu’apporte ces soirées Podha. Rassurez-vous, que ces ressources financières ne sont pas négligeables.
De très belles compositions musicales sont proposées. Sauf qu’au compte de l’actuelle génération, le contenu immoral de plusieurs thèmes abordés pose problème. Ce qui du coup attire l’attention et interpelle.
Des thèmes bien conçus de la part de ceux qui se reconnaitront (amour, paix et unité nationale…) et qui sortent du lot et se démarque, qu’ils ne se tirent point la balle dans la tête. C’est bien la voie souhaitée.
Pour une ainsi fabrique folklorique made in Guinée et pour son exportation, acteurs et autorités doivent s’y pencher.
Les premiers principalement concernés doivent apporter du sérieux au travail à accomplir. Ces musiciens par pudeur doivent s’imposer désormais une rigueur, pour éviter des dérapages au niveau des textes. Ces compositions musicales doivent véhiculer des messages, aux contenus instructifs pour qu’à l’écoute, chaque mélomane puisse tirer profit.
S’enraciner uniquement à cette monotonie en faveur des chansons de louanges n’augure pas un lendemain meilleur pour exporter ce genre musical.
La plupart de ces artistes évoluent à l’emporte-pièce. Ils doivent songer à la mise en place de parfaites structures d’encadrement et surtout, d’un management de qualité.
Les suivants qui sont les autorités compétentes doivent s’intéresser et apporter un soutien aux artistes. Mieux, le droit de regard, tant au niveau de la conception qu’à la mise au marché de ces produits, pour faire éviter les glissements qui excellent dans les différentes compositions musicales, doit être de rigueur.
Aujourd’hui, le Podha, patrimoine musical du Foutah, est en train de faire sensation. Les adeptes de ce genre musical s’accroissent considérablement.
Il est indéniable aussi que le Podha évolue encore à vase clos.
Pour son exportation qui fait souci, Sanoussy Bah, journaliste, Rédacteur en chef d’un magazine artistique, culturel et sportif de la place, moins agacé, va droit au but : « Pour toute évolution, il n’est pas interdit de copier les autres pour s’élever au même niveau ou voir les dépasser. Le M’Balax pur produit du Sénégal, le Zigligbity, le couper décaler de la Côte d’Ivoire ou plus loin le zouk des Kassav, du groupe Expérience 7, sont en somme, des rythmes originels qui ont traversé plusieurs frontières. Il faut travailler sur les structures d’organisation, élaborer la musique dans son vrai contexte dépourvu de tout emprunt. Il n’y a que le sérieux qui doit sous-tendre les activités productives à tous les niveaux. Ne comptons point sur l’Etat pour faire de ces artistes ce qu’ils sont. »
Amadou Accordéon comme son nom l’indique au préalable, synonyme de celui de ce genre musical, s’indigne et pousse très fort sa colère. Il s’inscrit à faux pour tous ceux qui se revêtent cette casquette de ‘’Podhaiste’’ ou ‘’Podhaman’’ : « Des soirées ou éditions Podha qui s’organisent par des tierces personnes, je ne suis pas contre. Des musiciens du folklore du Fouta sont invités pour divertir ou peut être promotionné la musique pastorale. Qui est cet artiste aujourd’hui qui tire l’accordéon ? Des pianos à la place font gaieté et joie à la satisfaction générale. La modernisation étant le mélange de culture, il faut conserver pour autant son originalité. Halte ! Et continuons d’appeler tout cela le Podha. Qu’est-ce qui empêche son exportation ? C’est une communauté assez religieuse au sein de laquelle la pratique de la musique ne se troque point en défaveur du livre saint. Allez s’y comprendre ! Même ces mécènes de la contrée s’en méfient du soutien au risque d’être abominés et traités de non partisans des valeurs de la contrée ».
Il est sensationnel oui le Podha. Avoir le souci, malgré sa montée vertigineuse, de sa mise en valeur ou de son ‘’saut à la haie’’ vers d’autres horizons doit nous incomber. Appliquons-nous et le meilleur reste à venir