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Guinée : A la découverte des foyers coraniques, ces écoles de la foi, de la sagesse et du savoir vivre ensemble par excellence

De par son histoire, ses grands érudits, son sens élevé pour la religion musulmane, le Fouta en général est incontestablement l’un des foyers de l’islam les plus importants de la sous-région. La préfecture de Lélouma n’est pas en reste. De Hérico à Linsan Saran en passant par Sagalé et Balaya sans oublier Parawol, Diountou, Korbé, Thiaguel Bori ou encore Manda Saran, bref, Lélouma reste une référence en matière de l’islam. Une réputation jalousement gardée malgré les contextes liés à la mondialisation ou encore à une société toujours en proie à des mutations.
Des « cheicks » ou des Chérifs, des érudits, pour ne pas dire des véritables « bibliothèques humaines » et autres maîtres coraniques de renom y ont vécu et y vivent de nos jours avec comme pour ambitions, la transmission et la diffusion des valeurs religieuses et même culturelles à travers les inombrables  » dhoudhés » en langue du terroir, autrement dit les foyers coraniques avec plusieurs centaines de « talibés ».
A travers ce grand reportage, Guinéenews vous promène dans quelques uns de ces foyers coraniques de Lélouma. Ces écoles de formation par excellence, voir même de transformation sociale et morale d’une part, intellectuelle et spirituelle d’autre-part.
 » Au niveau de mon foyer coranique d’une centaine de talibés sis à mon domicile, nous nous occupons de la formation, de l’éducation du corps, de l’esprit et à la préparation de l’âme des enfants pour les épreuves de la vie d’ici-bas mais aussi et surtout pour celle de l’au-delà. On les apprend la lecture, l’écriture, la signification ou l’interprétation des textes coraniques d’un côté, les règles de conduite en société, la morale, la purification du corps, de l’âme pour la vénération divine. Car lorsque le prophète Mohammed (PSL) a été envoyé, il lui a été recommandé de « lire » a travers la sourate « Al alaq » ou  » adhérence » dont le premier mot est « iqra », qui signifie  » lis » en arabe« , nous enseigne dès l’entame Thierno Mamadou Oury Diallo maître coranique basé à Madinatou Salam dans la sous-préfecture de Balaya à environ 15 kilomètres du la commune urbaine avec 113 talibés. Depuis plus de trente ans, plusieurs générations y sont passées.
Lecture du Saint Coran dans un foyer coranique à Lélouma/Labé
Sur la même logique, un autre maître coranique renchérit :  » Ce foyer coranique, je l’ai hérité de mon père qui l’avait hérité de son père c’est-à-dire mon grand père. On perpetue cette culture depuis plus d’un siècle. J’ai tout abandonné pour m’installer ici dans la concession familiale pour enseigner le coran. Car le coran c’est pour ici et surtout pour l’au-delà. Des enfants nous viennent de partout dans la région. Certains viennent même de Boké. (…). Vous dire le nombre exact de talibés serait pour moi juste une façon de se glorifier. Mais sachez juste qu’il y a plus d’une centaine avec lesquels nous travaillons quotidiennement, » explique le secrétaire général de la ligue islamique sous – préfectoral de Parawol El hadj Malal Diallo.
Thierno Mouctar Diallo quant à lui, va un peu plus loin. «  Chez nous les musulmans, tout se passe par le coran. C’est la référence. Donc du coup, au-delà de la lecture, de l’écriture ou de l’interprétation du saint coran, il y a d’autres aspects d’ordre social et moral mais aussi et surtout spirituel. Car ici les enfants apprennent déjà la vie en société auprès de leurs aînés, amis ou petits-frères.C’est là que l’enfant fait ses premiers pas dans la vie. Une vie le plus souvent éphémère. Notre mission donc consiste non seulement à enseigner mais aussi à instruire, à éduquer et à former non seulement le corps mais aussi l’âme », nous instruit t-il.
Place des foyers coraniques dans la société
Structures religieuses – éducatives par excellence, les foyers coraniques occupent une place très importante dans la société à Lélouma. Sa particularité est qu’il est accessible à tout le monde. Hommes, femmes et jeunes enfants de tout âges sans discrimination aucune. «  A mon avis, c’est la seule chose pour laquelle, personne, je dis bien personne n’est assez vieux où vielle pour renoncer à la course pour le savoir. Surtout lorsqu’il s’agit du coran. Car le livre coranique, c’est le condensé de la vie d’ici bas et pour l’au-delà. J’ai dit bien qu’à mon avis, il est inépuisable. C’est l’esprit des personnes qui nous sommes qui a des limites. En tant que musulmans, c’est plus qu’important que nous-nous adonnons corps et âme à la lecture, à l’interprétation mais aussi et surtout à l’enseignement de nos enfants. C’est en cela que nous retrouverons la lumière, la voie du salut et la repentance. C’est d’ailleurs pourquoi j’accorde plus d’importance à la lecture du coran. Car c’est la seule façon de nous rapprocher davantage de Dieu. », avoue au micro de Guinéenews une femme visiblement octogénaire. Lunette lentille bien ajustée et séance tenante.
Qui parle de l’islam parle du coran. Et qui parle du livre saint parle de paix, d’amour, d’unité, de piété, de vertueux, de miséricordieux ou encore de justesse.  » Le coran, c’est la boussole, le repère, la référence de tout bon musulman. C’est notre guide le très absolu », souligne hors micro un érudit de la localité.
L’érudit El hadj Abdourahamane Poyé Diallo dans une de ses prêches confie :  » le coran, c’est l’un des plus beaux cadeaux que le Bon Dieu nous a offert. Mais pour savoir l’immensité de ce don, il faut savoir s’en servir. Et cela n’est possible que lorsque nous lisons, lorsque nous apprenons. C’est en ça que nous verrons la voie, la lumière. C’est pourquoi, les maîtres coraniques ont un grand rôle à jouer dans nos  » doudhés », prévient ce sage. Il faut signaler aussi que ces maîtres coraniques et autres érudits de la localité sont d’une influence très considérable et sont les plus écoutés.
La mutation des foyers coraniques
 
Si il y a quelques années auparavant le foyer coranique traditionnel se reconnaissait par la mobilisation des talibés matins et soirs autour d’un feu spécialement allumé et entretenu à cet effet, où le maître coranique bâton à la main faisait des va-et-vient pour surveiller la lecture, les gestes et les mouvements de chaque enfant, aujourd’hui, dans bon nombre de foyers coraniques sillonnés, ce temps est révolu.
Actuellement, des hangars éclairés par des lampes électriques souvent solaires abritent les différents foyers coraniques. « Comme nous le disons souvent, le monde évolu. Et nous avec. C’est pourquoi, dans la plupart des foyers coraniques on ne voit plus ce qu’on appelait il y a quelques années « Kara » ( bois destinés pour l’entretien du feu le soir ou le matin pendant les moments de grande fraîcheur. Maintenant dans la plupart des grands foyers coraniques, les lieux sont éclairés par des lampes électriques », fait remarquer Mody Mountaga Diallo. Sur l’aspect économique, si des maîtres coraniques plus avisés n’ont pas encore accepté vendre ce service, d’autres au contraire, en font leur fonds de commerce.
Des problèmes existentiels
 
Le manque de collaboration et de bonne coordination entre ces structures religieuses éducatives et certains ligues communale et préfectorale constitue parfois un point d’achoppement.  » Il y a aujourd’hui beaucoup de foyers coraniques à travers toute la préfecture. C’est vrai. Mais la plupart de ces foyers coraniques ne sont pas affiliés aux différentes ligues religieuses communale ou préfectorale. Néanmoins nous sommes informés de leur existence bien qu’il n’y ait pas assez de collaboration entre nous » , reconnaît un membre de la ligue islamique préfectorale.
Sur la même logique, Thierno Oury Madinatousalam lui, pointe du doigt certains talibés et leurs parents qui après quelques années d’apprentissage, abandonnent complètement le ‘dhoudhal ». « C’est qui nous préoccupe davantage ici, c’est l’abandon. Beaucoup de nos élèves abandonnent très tôt le foyer coranique. Le plus souvent avec la bénédiction des parents qui veulent soit qu’ils partent en aventure ou qu’ils s’occupent d’un travail lui permettant d’avoir sa vie. Oubliant que si un talibibé réussit à avoir ce qu’il est venu chercher chez nous ici, c’est à dire le savoir, il ne souffrira jamais durant toute sa vie ».
A cela, il faut ajouter le manque voire l’absence totale de soutien de la part de l’état vis-à-vis de ces foyers coraniques qui en ont réellement besoin. En tout cas, à Lélouma, ce sont des milliers de talibés qui évoluent dans ces différents foyers coraniques dont les plus importants sont entre autres Sagalé et Zawiya.
Au vu de la situation que traverse l’autre système éducatif  » moderne », guinéen, on serait emmené à dire que les foyers couraniques, ce sont les seules autres écoles solides qui nous restent encore. Bien que pas forcément suffisantes ici bas.
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