Deux grands noms de la première génération de footballeurs guinéens viennent de s’en aller à leur tour. Le nom de Sakho Bafodé et de Kandia ne dira pas grand-chose à la génération actuelle comme celui de maître Naby, de Baratt, de Dacky M’bor, de Ndoungou, de Pierre Bangoura, du gardien Morlaye Camara, de Sammuel Smith, de Edenté, des personne qui ont donné au football guinéen ses premières lettres de noblesse.
Quand l’un d’eux s’en va, l’occasion donne aux adolescents de leur temps de se rajeunir des années de leurs hauts faits, comme les adolescents de notre temps, qui vont se souvenir des Salam Sow, des Titi Camara, des Pascal Feindouno, des Naby Kéita, des Ibrahima Traoré et d’autres qui montent, s’ils ne font pas la grosse tête pour se rendre inutiles et désagréables. On ne garde pas les mauvais souvenirs.
Dans ces souvenirs opalescents d’enfant, si on a vu les Dacky Mbor et les Sakho Bafodé en filigrane dans les années 64-66, c’est que le premier jubilé que les Guinéens ont organisé pour Dacky Mbor. On l’a vu sortir avec un mouchoir blanc qu’il agitait le jour de son jubilé. Le président Alpha Condé, qui fut son ami d’enfance et son coéquipier, nous dit-on, devra dire si Dacky avait toujours un mouchoir avec lui, lorsqu’il jouait. En tout cas, on avait vu Dacky avec un mouchoir noué autour du cou pendant son jubilé. Abdoulaye Sylla criait à qui voulait l’entendre que Dacky ne boit pas, Dacky ne fume pas, Dacky ne croque…
Le souvenir de Diallo Ibrahima Kandia est tout autre par le fait qu’il était du temps de notre pleine adolescence, bien qu’il faisait partie de la première génération et surtout pas le fait qu’il était une étoile exceptionnelle. Sauf avis contraire de Maître Naby, de Chérif Souleymane, de Petit Sory, la Guinée n’a jamais eu un attaquant et un buteur comme Kandia, Alioune Kéita Njo Lea n’a été qu’un succédané, mais un succédané de taille, quand même.
En 1968, lors des qualifications pour les JO de Mexico, la Guinée avait fait 1-0 contre l’Algérie, mais au vu de la rencontre, pas deux Guinéens ne pariaient sur la qualification guinéenne au retour, à Alger, Lalmas avait ouvert le score, Kandia avait égalisé, Lalmas doublait le score, Kandia avait répondu, et Boubacar Kanté de dire : Si Lalmas est le dieu du football en Algérie, en Guinée, Kandia est son prophète. C’est Kandia qui avait offert la première qualification aux JO à la Guinée, c’était la première qualification internationale. Le match attendu à Mexico était un certain France-Guinée. La politique battait son plein, mais la France nous avait collé un 3-1. On ne sait plus qui avait marqué le but guinéen, mais Kandia était celui qui marquait inévitablement un but pas match. Boubacar Kanté l’appelait « Monsieur but ».
En 1970, lors de la CAN du Soudan, on s’attendait à une confrontation entre N’Daye Mulemba du Zaïre, Laurent Pokou de Côte d’Ivoire et Kandia. Ce dernier avait manqué le rendez-vous. La rumeur disait que Kandia avait tenté de prendre la tangente pour l’Europe mais rattrapé, il avait prétexté une blessure; une autre rumeur disait qu’il était effectivement blessé comme Ndoungou, dans un choc avec Aly Badara Kolev. C’était sur Ndoungou qu’avait misé l’entraineur hongrois Budai pour le Soudan. Lors de cette CAN, c’est Laurent Pokou qui fut le meilleur buteur du continent, Maxime, le meilleur ailier gauche et Petit Sory, le meilleur ailier droit d’Afrique.
La rumeur racontait que le Malien Salif Kéita Domingo avait dit que s’il avait la ligne d’attaque guinéenne de l’époque avec lui, à Saint-Etienne (Maxime, Chérif, Petit Sory), il prendrait une coupe d’Europe des clubs champions.
Se souvenant de tout cela, il nous revient quelque chose d’extraordinaire à l’esprit, une réminiscence qui peut faire rentrer se coucher à un témoin. Les psychologues et Psychanalystes en diront des choses : une falsification scandaleuse de l’histoire. Il s’agit de la relation des 5 dernières minutes du match Hafia-Hearts of Ock du Ghana. Une séquence s’est inculquée dans notre esprit de dire à la face du monde que Sékou Touré était entré dans le stade avant la fin de la rencontre, il n’en était rien du tout. Mais d’où est venue cette fabulation si bien controuvée ?
Dès 12 heures GMT, ce jour de décembre 77, le Stade du 28 septembre était plein comme un œuf. Les spectateurs avaient comprimé un besoin naturel depuis des heures et des heures. Le but de Papa Camara avait tout libéré. Le stade n’avait pas de toilettes. Pour se soulager, il fallait se frayer un chemin pour atteindre le haut de la tribune, dans le dos des spectateurs, où ceux qui n’avaient pas eu de place assise s’étaient agglutinés. Tout le monde, garçons comme filles, se soulageait dans des bouteilles, des boites de jus, et déversaient le contenu du haut de la tribune. Rejoindre les places après sur les gradins n’était plus possible. Ainsi emprisonnés pendant longtemps derrière une haie humaine épaisse, haute et agitée, on ne pouvait plus rien voir sur la pelouse que regarder vers l’université de Conakry. Soudain, un grand brouhaha, puis la voiture de Sékou Touré qui faisait son entrée dans l’arène, sans savoir si la fin avait été sifflée ou pas. La dernière image qui était restée ancrée dans notre mémoire fut le grand dépit des joueurs ghanéens après le troisième but du Hafia. On avait longtemps accusé Sékou Touré à tort sur cette séquence. On lui demande spécifiquement pardon. Il est entré après la le coup de sifflet final. On n’était plus dans l’ambiance.
Personne ne nous a fait cette remarque, mais on va faire la remarque à Sékou Legrow, du Bembeya dans le concert ‘’Regard sur le passé’’, il avait parlé du « 29 septembre 1958 »faisant allusion au NON du 28 septembre pour faire coïncider avec la date de l’arrestation de Samory le 29 septembre 1898. Au moins, on ne sera pas le seul à avoir eu le béribéri.
Doit-on dire aux jeunes footballeurs que la Guinée n’a jamais eu un buteur de talent et de modestie comme Kandia. A eux de faire de manière que les journalistes de leur temps se souviennent d’eux comme nous nous souvenons de ceux de notre temps. Seuls ceux qui mouillent le maillot pour le Syli National le méritent. A bon entendeur…