A l’expiration hier vendredi du délai que la CEDEAO avait fixé à la junte au pouvoir en Guinée, tous les yeux sont désormais rivés sur Accra, la capitale ghanéenne devant abriter les prochaines réunions des chefs d’Etat et de gouvernement pour, sans doute, définir la nature des sanctions retenues, s’il y a sanctions à prendre.
C’est une question qu’on est en droit de se poser. Surtout qu’à ce jour, en dépit de la « liberté strictement surveillée » accordée au président déchu et du lancement du cadre de concertation « inclusive » aussi contesté et boycotté, les lignes n’ont pas assez bougé. De la méfiance, on semble s’installer de plus en plus dans un rapport de quasi défiance entre la junte et les coalitions politiques les plus représentatives du pays. C’est la même atmosphère très délétère qui caractérise fondamentalement les relations entre les tombeurs du président Alpha Condé et les organisations de la société civile.
En tout cas, dans le dernier communiqué ayant sanctionné les travaux de la conférence des chefs d’Etat, le 25 mars dernier, la CEDEAO était bien claire. En demandant «la finalisation d’un chronogramme acceptable de la transition au plus tard le 25 avril 2022 », elle avait précisé que « passé ce délai, des sanctions économiques et financières entraient immédiatement en vigueur ».
A l’examen de la situation en Guinée à l’heure qu’il fait, « la conférence n’a guère manqué d’exprimer sa vive préoccupation par rapport à l’absence de visibilité sur la volonté de la junte militaire et les actes que celle-ci pose. De passage, l’institution sous-régionale avait également constaté l’indisponibilité d’un chronogramme de la transition. Sans oublier la détérioration de la situation sociopolitique du pays du fait de l’insuffisance de dialogue.
Eu égard à ce diagnostic, l’organisation la CEDEAO réaffirmait sa volonté de voir nommé pour la Guinée facilitateur de la crise. Tout en rappelant, entre autres, à la junte la nécessité de respecter les dispositions légales et réglementaires dans le processus de récupération des biens présumés appartenir à l’Etat.
Une chose reste cependant certaine à date, c’est qu’il n’y a eu pour le moment aucune réunion ni une déclaration quelconque de la CEDEAO depuis l’expiration de cet ultimatum hier vendredi à Accra.
Sur la situation, nos sources du côté de la représentation de l’organisation à Conakry, disent ne rien posséder comme information à ce sujet. Un autre aspect qui pourrait justifier cette petite période morte ou de ‘’grâce’’ en faveur de la Guinée, c’est probablement les absences d’Alassane Ouattara et de Macky Sall de leurs pays respectifs. Ces deux dirigeants se trouvent actuellement en Arabie Saoudite dans le cadre de l’accomplissement de leurs obligations religieuses de la Umra et parallèlement dans celui du travail qu’ils prévoient avec autorités saoudiennes.
Par ailleurs, une source digne de foi confie à Guinéenews que la réunion de la CEDEAO n’a pas eu lieu encore, mais ne saurait tarder. Notre interlocuteur avance la première semaine du mois de mai.
En attendant, à Conakry, c’est tout sauf la sérénité. En témoigne le compte du dernier conseil des ministres qui n’est pas sans lien avec le refus que la majorité des politiques a opposé au gouvernement qui tentait désespérément de renvoyer une image d’ouverture à l’endroit de ceux qui ont boudé le lancement du cadre de concertation. En effet, dans ce document, il est indiqué que « le Chef de l’Etat, Chef Suprême des Armées a informé que le cadre de concertation qui est ouvert à toutes les forces vives de la nation sera l’espace pour se retrouver et échanger des problèmes de notre pays ». Puis de préciser que « ces travaux se feront sans pression et sans compromission. Seul l’intérêt du peuple de Guinée sera mis en avant. Dans cette concertation, les solutions des problèmes guinéens seront trouvées en Guinée et par les Guinéens… »
Même son de cloche chez le porte-parole du gouvernement dont la sortie médiatique de ce lundi n’est pas passée inaperçue. A cause de ses propos peu diplomatiques pour ne pas dire va-t-en guerre, généralement dignes de la posture de quelqu’un qui est acculé et prêt à dégainer au premier coup.
Ce qui n’est pas sans rappeler les récentes prises de position au Mali où la junte a beau agité le spectre de son retrait de la CEDEAO avant se raviser, en refermant cette parenthèse d’agitations populistes, et s’accommoder aux offres de négociations qui lui ont été proposées. Une nécessité urgente, eu égard au poids visiblement insupportable des sanctions de la CEDEAO.
En tout cas, en interpellant le président sénégalais sur fond de plaidoyer, en plein pèlerinage à la Mecque, une ressortissante malienne envoie un avertissement à Conakry. Comme quoi, on ne peut se passer de la CEDEAO sur un simple coup de sang. Surtout pas seulement parce qu’on a une ouverture sur la mer.