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FEG 2019 – Formation en Gestion de Projet : l’œil du Pr Lavagnon, un expert canadien (interview)

« Je suis tellement intéressé par la gestion des projets que j’en ai fait mon domaine de spécialisation. Comme le disait quelqu’un, le chemin est long du projet à la chose (Molière). Ce qui veut dire qu’il y a toujours un écart entre le rêve que nous avons de réaliser un projet et justement ce que nous nous livrons. Entre les deux, il y a des façons de faire, il y a des techniques, il y a des approches, il y a une philosophie de gestion de projet, il y a des méthodes qui ont été éprouvées, il y a une certaine science de la gestion de projet, un certain art de la pratique de gestion de projet. C’est tout ce savoir-faire que je voudrais apporter ici à Conakry notamment pour l’exécution des grands projets en Guinée. »

En mission d’exploratoire à Conakry, Lavagnon Ika professeur titulaire en gestion de projet et également directeur du programme de maîtrise ès sciences (MSc) à l’École de gestion de projet Telfer de l’Université d’Ottawa au Canada a bien voulu accorder une interview à votre quotidien Guinéenews©. Canadien de citoyenneté et Béninois d’origine, récipiendaire de nombreux prix d’excellence et distinctions à travers le monde, Pr. Lavagnon Ika est l’une des sommités intellectuelles qui en est à sa première visite en Guinée. Lisez !

Guinéenews© : Présentez-vous à nos lecteurs s’il vous plaît ?

Lavagnon Ika : Je suis professeur en gestion de projet à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa au Canada. Je viens d’être nommé professeur titulaire en gestion de projet, une première du genre à l’Université d’Ottawa. Je suis aussi professeur co-affecté à l’École de développement international et mondialisation de l’Université d’Ottawa.  Je suis titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat (Ph.D.) en gestion de projet de l’Université du Québec. Je suis directeur du programme de maîtrise recherche de l’École de gestion Telfer.  Je suis béninois d’origine vivant au Canada depuis une vingtaine d’années.

Ces 20 dernières années, j’ai enseigné la gestion de projet en français et en anglais au bachelor, à la MSc au MBA/EMBA (maîtrise en administration des affaires) voire au doctorat (Ph.D.), tant au Canada, en Europe, en Afrique qu’au Moyen-Orient. Par exemple en Afrique, j’ai enseigné à Alger, à Beyrouth, à Casa, à Cotonou, à Tunis, et maintenant à Conakry. J’ai animé un grand nombre d’ateliers de gestion de projet en milieu professionnel et conseillé, dans le cadre de mes consultations, des chefs de projet et hauts cadres de plusieurs organisations. Au nombre de mes clients, figurent différents ministères du gouvernement fédéral du Canada, des organismes internationaux comme la Banque mondiale et la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF) et d’autres entreprises privées.

Je suis auteur de plus d’une vingtaine d’articles dans les revues les plus prestigieuses de gestion de projet et de développement international.

Guinéenews© : Pourriez-vous nous parler de votre parcours ?

Lavagnon Ika : Pour ne pas faire une histoire longue, j’ai commencé au Bénin, mon pays d’origine. J’ai fait les études jusqu’au niveau de Licence en gestion bancaire avant de m’envoler pour le Canada où j’ai fait ma maîtrise et mon doctorat en gestion de projet à l’Université de Québec.

Guinéenews© : Pouvez-vous nous citer quelques prix de distinctions que vous avez bénéficiés ?

Lavagnon Ika : Avant de prendre la direction pour le Canada, j’ai bénéficié d’une bourse d’excellence du Gouvernement béninois. Parce que j’avais participé aux Olympiades panafricaines mathématiques en 1994 à Yamoussoukro. C’est fort de cette distinction et des résultats académiques exceptionnels que j’ai obtenu une bourse du gouvernement béninois pour aller au Canada pour continuer mes études. Au Canada, j’ai d’abord fait la maîtrise et ensuite le doctorat en gestion de projet avant d’embrasser la carrière de professeur. Dans le cadre de mes travaux de recherche, j’ai eu quelques prix d’excellence à l’international notamment deux prix de l’IPMA (International Project Management Association), une association professionnelle parmi les plus prestigieuses de ce monde basée en Europe. C’est une association qui regroupe plus d’une soixantaine de pays membres dont le Nigéria.  Il s’agit des prix IPMA Research Award (Prix d’excellence en recherche de l’année) en 2017 et Contribution of a Young Researcher Award en 2012 (Prix du jeune chercheur le plus prometteur). Je siège actuellement sur le comité de recherche de cette association. Mes travaux m’ont aussi valu trois prix d’excellence de la maison d’édition Emerald, Best Reviewer Award(Prix du meilleur réviseur de l’année) en 2018,Outstanding Paper en 2017 (Prix du meilleur article de l’année) et Highly Commended Paper Award (Prix du deuxième meilleur article de l’année) en 2011. Je me suis vu attribuer le prix du chercheur novateur de Telfer en 2017. De plus, je suis rédacteur en chef adjoint (Associate Editor) de la revue International Journal of Project Management – la plus cotée en gestion de projet au monde.  Deux de mes articles figurent dans les articles les plus cités dans les revues de gestion de projet depuis 2011. Plusieurs de mes articles ont reçu des éloges des praticiens dont un qui a été cité dans les notes conceptuelles de la Banque mondiale.

Guinéenews© : Vous êtes sûrement à votre première visite en Guinée, quel est l’objectif de votre séjour ?

Lavagnon Ika : Je tiens à vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez pour cette entrevue. Je tiens également et surtout à remercier le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique Abdoulaye Yéro Baldé et sa cheffe de cabinet Mme Zeinab Camara qui ont eu la bienveillance de m’inviter à Conakry. C’est ma première fois comme vous l’avez mentionné. Dans quel cadre je suis venu ici ? Comme vous le savez, je suis professeur en gestion de projet. La Guinée a des difficultés comme bon nombre de pays africains dans tout ce qui concerne la gestion des grands projets et des manques de capacité en ce qui concerne la formation des formateurs en gestion de projet. C’est ce qui justifie d’ailleurs la mission d’exploratoire que je diligente et c’est la raison pour laquelle je suis à Conakry.

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Guinéenews© : Comment avez-vous trouvé notre pays la Guinée ?

Lavagnon Ika : J’ai trouvé en Guinée qu’il y a pas mal de circulation. Cela m’a fait rappeler un peu le Bénin avec le bruit incessant des klaxons. J’ai ressenti ce que je ressens très souvent quand je rentre chez moi au Bénin. J’ai trouvé que Conakry est une belle ville. J’ai jeté un coup d’œil à la Corniche; les gens sont hyper sympas ! C’est très agréable même s’il fait très chaud. Plus qu’au Canada !

Guinéenews : Vous êtes intéressé à venir former les formateurs guinéens en gestion de projet ?

Lavagnon Ika : Je suis tellement intéressé par la gestion des projets que j’en ai fait mon domaine de spécialisation. Comme le disait quelqu’un, le chemin est long du projet à la chose (Molière). Ce qui veut dire qu’il y a toujours un écart entre le rêve que nous avons de réaliser un projet et justement ce que nous nous livrons. Entre les deux, il y a des façons de faire, il y a des techniques, il y a des approches, il y a une philosophie de gestion de projet, il y a des méthodes qui ont été éprouvées, il y a une certaine science de la gestion de projet, un certain art de la pratique de gestion de projet. C’est tout ce savoir-faire que je voudrais apporter ici à Conakry notamment pour l’exécution des grands projets en Guinée. Mes travaux de recherche, d’abord avant de revenir sur votre question, portent sur la réussite des projets. Qu’est ce qui fait que les projets échouent ? Qu’est ce qui fait la complexité de certains grands projets ?  Si vous prenez l’exemple du gigantesque projet du chef de l’Etat Alpha Condé qui consiste à revitaliser toute la ville de Conakry et à ériger 20 mille logements sociaux. C’est un énorme projet qui va coûter très cher et qui prendra de temps ; ce qui est une caractéristique classique d’un projet (délai et coût). Mais plus que cela, c’est la complexité socio-politique du projet (…). J’enseigne la gestion de projet depuis une vingtaine d’années. Je me suis dit qu’il est temps que les Africains (notamment les chercheurs) se préoccupent davantage des questions entourant le développement et le renforcement des capacités notamment en gestion des projets. Et comment on peut faire en sorte de pouvoir livrer des projets qui réussissent dans les délais et dans les coûts (…). J’ai déjà écrit dans un de mes papiers de recherche qu’il est un peu incommodant que ce soit plutôt des « Blancs » qui écrivent sur les ratés de la gestion des projets en Afrique et c’est pourquoi moi je me suis consacré à des travaux de recherche sur la question. Pourquoi les projets de développement échouent en Afrique ? Et en quoi peut-on y remédier ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour améliorer la performance de nos projets ? Je suis persuadé que chaque fois qu’un projet de développement échoue, le coût d’échec est plus élevé qu’ailleurs en occident. Il y a des projets qui prennent du retard au Canada, aux États-Unis, en Allemagne (…). Il y a des projets dont la qualité n’est pas au rendez-vous. L’Afrique n’a pas le monopole des projets qui échouent. Le coût de l’échec d’un projet est beaucoup plus élevé à mon humble avis en Afrique compte tenu du coût d’opportunité que cela représente par rapport aux ressources qui auraient pu permettre d’éviter la mort de vieilles personnes ou des enfants en raison de la malnutrition (…).

Guinéenews© : Avez-vous pris part au FEG (Forum de l’Etudiant Guinéen) et quelle a été votre contribution ?

Lavagnon Ika : Je n’avais aucune espèce d’idée du forum de l’étudiant guinéen avant de faire cette mission exploratoire de formation des formateurs en gestion de projet. Le ministre Abdoulaye Yéro Baldé et sa cheffe cabinet Zeinab Camara m’ont dit qu’ils souhaitent que j’amine un masterclass dans le cadre du forum. A ma grande surprise, j’ai découvert que c’était un évènement d’envergure à l’échelle de la Guinée avec une couverture médiatique impressionnante. C’est avec un grand plaisir que j’ai animé mon masterclass. Les étudiants étaient très chaleureux, ils avaient envie d’apprendre et ils étaient motivés. D’ailleurs, mon université est très intéressée par ce genre de chose, précisément le Recteur de l’Université d’Ottawa, une Université qui a plus de 40 mille étudiants et qui fait partie des dix premières universités du Canada. C’est la plus grande Université manifestement de la région de la capitale nationale du Canada à Ottawa. C’est une Université qui fait de la francophonie un volet important de sa mission et qui souhaite recruter dans la région de l’Afrique francophone notamment en Afrique de l’Ouest (…).

Guinéenews© : Avez-vous rencontré les autorités du système éducatif guinéen ?

Lavagnon Ika : Bien-sûr que oui ! Diligenter une mission de ce genre sans rencontrer les autorités du système éducatif qui sont des parties prenantes clé de la formation des formateurs, ce serait un échec. C’est d’ailleurs le sens même de ma mission de rencontrer les recteurs, les dirigeants des instituts d’enseignement supérieur, des centres de recherche, des professeurs et d’autres acteurs comme les praticiens. Dès ma première journée, j’ai rencontré les recteurs des Universités de Sonfonia, de Gamal Abdel Nasser de Conakry et d’autres centres de recherche et instituts. Dans l’ensemble, ils se sont montrés hyper enthousiastes au projet. Je remercie un ami guinéen qui a pesé de tout son poids pour me mettre en contact avec les autorités guinéennes (…).

Guinéenews© : Notre interview tire vers sa fin, avez-vous d’autres choses qui n’ont pas été dites ?

Lavagnon Ika : Je suis très heureux de faire cette mission et de pouvoir connaître la Guinée. J’espère qu’il y aura d’autres opportunités pour discuter des grands projets et de leurs ratés. Quand je vois des notamment les infrastructures routières qui s’affaissent à peine inaugurées, je me dis que ce sont des ratés des projets et je suis disposé à discuter de tous ces problèmes lors de ma prochaine visite. Le forum de l’étudiant guinéen a été une belle opportunité pour rencontrer la classe estudiantine guinéenne. J’ai l’espoir de multiplier ces genres rencontres dans les jours et semaines à venir.     

Une interview réalisée par Sékou Sanoh pour Guinéenews©

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