Depuis quelques jours, une mission d’évaluation du FMI séjourne en Guinée. Cette mission a été précédée par une autre (PEFA) en mars dernier. Crédit photo : gouvernement guinéen.
Au cours de cette première mission dite de pré-évaluation (PEFA), Guinéenews© a appris que la note D a été attribuée à la Guinée, au titre de sa note souveraine. Celle-ci sur la base des réponses qui ont été données au questionnaire du FMI.
La mission reprocherait au gouvernement guinéen le non respect des procédures de paiement des fournisseurs de service et qui soient conformes aux critères établis par le Fonds Monétaire International (FMI). Ce qui pourrait avoir des conséquences graves sur l’avenir des financements extérieurs de la Guinée.
En fait, du point de l’analyse des comptes publics, les notes donnent aux prêteurs éventuels des indications sur la solvabilité de l’emprunteur, ce qui permet de déterminer le taux d’intérêt, donc le prix, que l’emprunteur doit payer pour son financement. Ainsi, un émetteur bien noté va donc jouir d’un accès privilégié aux marchés financiers et bénéficier d’un coût de l’endettement faible. En revanche, plus la note de l’émetteur est faible, plus ses conditions d’accès aux marchés sont difficiles et les taux d’intérêt auxquels il doit se financer sont importants, les investisseurs exigeant une prime de risque élevée.
La notation de la dette souveraine renvoie dans les faits, à la totalité de l’endettement d’un Etat. La dette souveraine englobe l’ensemble des déficits cumulés de l’Etat, auquel on ajoute l’ensemble des dettes contractées par les institutions qui en dépendent (les collectivités locales, les établissements publics…).
Le financement de la dette est principalement assuré par le recours à des titres de créances émis par l’Etat sur le marché financier. Retrouver la Guinée sur une notation de la dette souveraine du niveau D (c’est à dire complètement en défaut) vue du côté de la première institution de la Finance internationale, en l’occurrence le FMI, n’est en clair qu’une très mauvaise nouvelle pour le pays.
« Il y a eu trop d’autorisation de paiement (AP) en 2017. En réalité, quelques jours après sa nomination, la ministre de l’économie et des finances avait sorti une note circulaire interdisant les AP. Mais cette note circulaire n’a servi à rien, au contraire, au lieu qu’elles ne diminuent, elles ont augmenté de façon vertigineuse. Ce qui a abouti à l’endettement du trésor public vis-à-vis de la banque centrale (BCRG).
Au 31 janvier 2018, date de clôture de la première revue de l’année, le trésor public ne devrait pas dépasser 600 milliards de GNF (francs guinéens) de paiement dans le cadre des dépenses extrabudgétaires (AP). Mais hélas, ce niveau a été largement dépassé, de sorte que l’Etat était obligé de puiser dans les recettes d’une agence de régie avant l’arrivée de la mission du FMI, pour dit-on, boucher les trous », affirme un haut cadre de l’administration publique guinéenne, apparemment déçu de ces performances économiques.
Lors des réunions qui ont eu lieu la semaine qui s’écoule, à Conakry entre les membres de la mission et les cadres en charge de la gestion de l’économie guinéenne, les échanges ont porté entre autres sur :
(1) la mobilisation des ressources internes ;
(2) la maîtrise des dépenses ;
(3) la gestion de la trésorerie ;
(4) le financement du trésor public par la BCRG ;
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(5) l’accumulation continue de la dette intérieure, etc.
Au delà de la non maîtrise des dépenses publiques, la mission a déploré la faible mobilisation des recettes et a suggéré la mise en place rapide des mesures correctives, conditions préalables. Ceci, sans compter le niveau élévé du taux d’inflation, les contre-performances des entreprises publiques et para-publiques et la faiblesse des ressources au niveau des collectivités territoriales et décentralisées.
Sur ce, apprend-on, la mission a suggéré de revoir en première ligne et au plus vite, la taxation et les exonérations accordées aux entreprises minières. À cet égard, il a été fortement conseillé au gouvernement guinéen de ne point renouveler les exonérations échues en vue de dégager des ressources beaucoup plus significatives, pour financer certaines dépenses d’infrastructures et d’investissements sociaux au profit des populations guinéennes.
Au regard de la gestion des dépenses publiques, la mission du FMI, a fortement encouragé la diminution des autorisations de paiements (AP) et le renforcement des mesures d’ici fin juin (date d’arrivée de la prochaine mission d’évaluation) ou au plus tard en fin d’année 2018. Ceci pour montrer les efforts du gouvernement dans le suivi et le contrôle des dépenses exceptionnelles.
Un autre point d’achoppement qui a été débattu selon nos sources, est l’endettement du trésor public vis-à-vis de la BCRG. Le FMI a suggéré une gestion saine et efficace de la trésorerie mais surtout recommandé d’éviter l’accumulation du stock de la dette intérieure qui est estimée à plus de 14 mille milliards de nos francs, environ.
Une batterie de mesures correctives sera bientôt présentée au conseil des ministres en vue d’éviter le retour du gap constaté en décembre 2017, puisque le compte du trésor était largement déficitaire, à cette date. Beaucoup d’autres questions préoccupantes ont été constatées par la mission du FMI, notamment celles liées à la taxe spéciale sur les produits pétroliers et miniers (TSPM). Elle a constaté des difficultés sur la disponibilité des informations pour inclure cette taxe dans le plan de trésorerie. D’autres anomalies relatives à la position nette du trésor (PNT) qui était négative en décembre 2017, ont également été constatées.
En ce qui concerne le compte unique du trésor (CUT), le FMI a demandé à la Guinée de proposer un timeline d’ici fin juin 2018 pour améliorer sa gestion.
Dans le secteur minier, il a été recommandé au gouvernement guinéen la publication des annexes et autres avenants des contrats miniers en toute transparence.
Au total, des mesures additionnelles devraient mises en place pour renforcer la gestion des finances publiques.
Pour la énième fois, il y a eu une réflexion sur la mise en place d’un pourcentage à ne pas franchir en AP (autorisation de paiement), par exemple et à titre indicatif, 5% de l’ensemble des dépenses publiques.
En terme d’actions, dans le but d’augmenter les ressources publiques, il a été suggéré à la Guinée de trouver une AT (assistance technique) pour mieux analyser les exonérations et présenter un plan précis, concis et clair, en vue de leur apurement. Cette assistance technique permettrait d’appuyer le comité de trésorerie en terme de prévision.
Pour y arriver, le gouvernement s’engage à envoyer une nouvelle requête à l’UE (Union européenne) pour la mise à disposition d’une AT pour aider la Guinée dans la gestion de la trésorerie et du compte unique du trésor (CUT).
Dans le but de faciliter la collaboration avec le partenaire technique, l’Etat doit s’engager à fournir à la mission, la matrice sur les points de dérapage et les mesures correctrices prises par le gouvernement. Ensuite, le gouvernement guinéen doit mettre à la disposition de la mission pour analyse, la version provisoire du dernier TOFE (tableau des opérations financières de l’Etat), qui, selon nos sources d’information, ne semble pas être reluisant.
Par ailleurs, la restitution de la mission d’évaluation est prévue à Conakry ce dimanche 15 avril 2018 et la prochaine mission PEFA (cadre d’évaluation de la gestion des finances publiques) sur les investissements publics, est prévue au mois de mai 2018. Cette restitution sera sanctionnée par un communiqué de presse, a-t-on appris de sources concordantes.