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Environnement : disparition progressive des cours d’eau du centre urbain de Labé

Pour ceux qui ont connu Labé dans les années 60, 70, 80 et même 90, un changement majeur s’est opéré sur le plan environnemental. Dans la commune urbaine, on assiste progressivement à la disparition des principaux cours d’eau qui traversent la capitale du Fouta Djallon. Le Sasse-wol, le Pounthioun-wol, le Dombi-wol, le Donghora-wol, le Tata-wol et le Daka-wol – pour ne citer que ceux-ci – n’existent désormais plus que de nom, selon un constat effectué sur place par Guinéenews.

Des habitations, des boutiques et des magasins ont été construits jusque dans le lit de la plupart de ces cours d’eau, laissant derrière eux des fossés ressemblant à de gigantesques caniveaux, souvent utilisés aujourd’hui comme dépotoirs d’ordures.

« On a tout fait pour que les gens arrêtent d’y jeter leurs déchets, mais c’est impossible. On a installé des plaques d’interdiction, infligé des amendes, et alerté les autorités à plusieurs reprises, mais rien n’y fait. Souvent, c’est tard dans la nuit que les riverains viennent déposer leurs ordures », déplore Mamadou Oury Kanté, un habitant du quartier bordant le Sasse-wol.

Un passé verdoyant aujourd’hui disparu

Hadja Zenab Diallo, une octogénaire nostalgique, se souvient avec amertume de l’époque où ces cours d’eau faisaient la fierté de la région : « Avant, le Pounthioun-wol était une grande rivière avec de l’eau en abondance, quelle que soit la saison. La forêt qui longeait ce cours d’eau était si dense qu’elle faisait peur. On y voyait de nombreux animaux, et personne n’osait s’y aventurer la nuit. Aujourd’hui, tout cela a disparu, remplacé par des bâtiments construits sans aucun ordre. » Raconte-t-elle, visiblement affectée par la dégradation environnementale de sa ville natale.

Une situation préoccupante que confirme Mamadou Kobera Diallo, inspecteur régional de l’environnement de Labé : « Les cours d’eau de la commune urbaine sont aujourd’hui asséchés à 90 % pendant la saison sèche. C’est un problème mondial. Ces cours d’eau dépendent des précipitations et des eaux de ruissellement durant l’hivernage. Mais en saison sèche, ils sont alimentés par les sources, elles-mêmes tributaires de la nappe phréatique. Or, cette nappe ne cesse de baisser chaque année à cause du réchauffement climatique et de la déforestation. »

Les forages, un facteur aggravant

Mamadou Kobera Diallo pointe également du doigt les forages, qui accélèrent l’assèchement des cours d’eau : « Lorsque les sources puisent l’eau à 15 ou 20 mètres de profondeur et qu’un forage est réalisé à proximité jusqu’à 150 mètres, la source finit par tarir. Ces forages intensifs contribuent donc à la baisse du niveau de la nappe phréatique, provoquant la disparition des sources et l’assèchement des puits dans la ville. »

Des constructions anarchiques aux conséquences désastreuses

Hadja Zenab Diallo rappelle également les dangers liés à l’occupation illégale des abords des cours d’eau : « Vous vous souvenez peut-être des inondations de 2010 et des dégâts qu’elles ont causés tout au long des cours d’eau du centre-ville. Si l’État continue de laisser les gens construire n’importe où, une nouvelle catastrophe pourrait provoquer des pertes humaines et matérielles inestimables. Depuis 2010, la situation s’est empirée : là où les constructions se faisaient à 20 ou 30 mètres des cours d’eau, elles sont aujourd’hui à moins de 10 mètres. »

Des mesures pour protéger les cours d’eau

Face à l’urgence, l’inspection régionale de l’environnement tente de freiner cette occupation anarchique :« Notre priorité est de délimiter les cours d’eau afin d’empêcher les gens de s’y installer. Dès que l’eau se retire, certains en profitent pour remblayer le terrain et le vendre à des fins de construction. Nous avons déjà posé des bornes rouges et blanches au Pounthioun-wol, au Sasse-wol et à Manga-Labé pour marquer les limites. »

Quant aux mesures de protection, l’inspecteur précise : « Le périmètre de protection dépend de l’importance du cours d’eau. Pour les plus petits, nous prenons entre 5 et 10 mètres de part et d’autre, en nous basant sur la crue en saison des pluies. Pour les zones de bas-fonds comme entre Donghora et Donghol, nous prévoyons une zone de protection allant de 30 à 50 mètres. »

Un avenir incertain

Malgré ces efforts, force est de constater qu’à ce rythme, ces cours d’eau, essentiels à la ville de Karamoko Alpha mo Labé, risquent de disparaître totalement. Pour prévenir, ce scénario catastrophe, une intervention plus ferme et plus soutenue de l’État semble indispensable.

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