Les perturbations en cours de la desserte en électricité dans la capitale guinéenne et ses environs deviennent de plus en plus préoccupantes. Il ne se passe plus un jour sans que les populations du grand Conakry soient privées du courant, soit par simple coupure ou suite à une panne sur le réseau de distribution.
De Kaloum, centre administratif et des affaires, aux villes environnantes, en passant par la banlieue de Conakry, aucune zone n’est épargnée. L’on renoue avec les délestages électriques, avec la peur que cette tendance soit irréversible, tellement le problème est devenu récurrent.
Cela, pendant que les factures d’électricité sont devenues plus chères. Au minimum, pour la plupart, elles sont allées du simple au double. Sans compter que la distribution de ces mêmes factures par les agents d’EDG, s’est fortement perturbée à son tour. Si elle ne s’est pas complètement interrompue. Avec les conséquences que cela entraîne, tant chez les usagers, que pour la société.
On en veut pour preuve, les multiples recours et autres plaintes des clients qui pullulent dans les couloirs des agences d’EDG. Les porteurs de contentieux sont parfois autant, voire plus nombreux que les clients qui viennent acquitter leur facture devant les guichets. Ils sont là, qui pour négocier un rétablissement de l’électricité interrompue à son domicile ou à son service ; qui pour demander les raisons d’un cumul de factures impayées, alors qu’ils ne les ont pas reçues et qu’aucune communication ne leur a été faite dans ce sens.
Une réalité qui préoccupe les clients qui ne savent plus où donner de la tête. Et chacun y va de son commentaire. Pour certains, c’est l’héritage qui est trop lourd pour le successeur de Bangaly Maty, limogé, puis poursuivi et jugé, mais blanchi par le nouveau pouvoir. Pour d’autres, cette situation est la conséquence directe de la mal gouvernance chronique dans le secteur.
Les causes lointaines et immédiates
Même si, de sources bien informées, le flou entretenu autour des projets Kaléta et Souapiti dont les pourtours et contours de négociations restent à élucider, y est pour quelque. Ces mégaprojets, premiers du genre en Guinée, ayant été présentés par le régime d’alors comme un patrimoine guinéen, alors qu’en réalité ils sont sous un régime BOT. Donc, les partenaires chinois les gèrent, le temps pour eux de récupérer leur investissement.
Parallèlement, l’administration Condé avait trouvé d’autres sources d’énergie pour venir en appoint à l’énergie hydroélectrique, notamment pendant la période d’étiage. C’est le cas des centrales thermiques et du bateau énergétique de la société turque Karpowership, qui fournissait de l’électricité à la Guinée.
Des éléments et d’autres qui illustrent le fait qu’Alpha Condé avait multiplié les efforts pour faire face au problème d’électricité, surtout dans le grand Conakry. Sans se préoccuper parfois des procédures ou du rapport qualité prix. L’essentiel pour lui, c’était d’avoir le courant. Ce qui n’était pas loin de la perception de beaucoup de citoyens dont les activités économiques et le quotidien aux foyers étaient positivement impactés.
Un peu plus de deux ans après le coup d’état du 5 septembre, c’est l’ensemble du système hérité du régime déchu, qui se désintègre. Et pour ne rien arranger, c’est la gestion de la société EDG (électricité de Guinée) qui se détériore. Elle n’arrive même plus à acheminer les factures chez les clients qui, à défaut de recevoir ce document qui leur parvenait tous les deux mois, ne paient plus le courant. En tout cas, pas dans le délai, pour la plupart de ceux qui s’en acquittent. Et les problèmes que la société rencontre dans le transport et la distribution de l’électricité fournie par les partenaires de Kaléta et Soapiti ne sont pas en reste.
La ligne de défense d’EDG
Nous en avons eu la confirmation lors d’un entretien téléphonique accordé à Guineenews par le chef du département communication d’EDG. Naby Camara, c’est son nom, évoque des problèmes de «perte en cours du transport». Surtout, précise-t-il, pour ce qui est de l’énergie hydroélectrique où le taux perdu se situerait à 6% cette année, alors que «la moyenne est de 7% sur le réseau de transport». Et d’expliquer ce phénomène par le fait que les barrages soient «loin des centres de consommation». Contrairement aux centrales thermiques qui sont à proximité, où «la perte est jugée négligeable… », selon lui.
Dans cet entretien, notre interlocuteur revient aussi sur les pannes des transformateurs qui, explique-t-il, «sont dues pour la plupart aux surcharges». Pendant que le dépannage ou le replacement, si nécessaire, prend parfois du temps, parce que, défend-t-il, «le matériel acheté à l’étranger prend quelques semaines pour arriver». Et la période d’étiage n’est pas pour arranger les choses. Surtout qu’elle arrive plus tôt que prévu. «Comparativement à l’an passé à pareil moment, le niveau de l’eau a baissé de 12% », affirme-t-il. Sans oublier «l’augmentation de la population qui se répercute sur la consommation de l’énergie. Notamment à la pointe, la période située entre 18h et 22 heures… », argumente-t-il.
Également, le fait que la clientèle, notamment au niveau de la consommation domestique n’est pas rationnelle, dans son attitude. «Des clients au revenu modeste qui ne tiennent pas compte de leur statut dans la consommation », dénonce-t-il. Sans compter «les branchements clandestins…».
Si non, à écouter M. Camara, «toutes les conditions sont créées pour une production et une desserte de l’électricité, à la satisfaction de la clientèle ». Même, avec le départ du bateau turc, Karpowership, qui serait plutôt un avantage, avec «la baisse du coût de la subvention qui varie entre 300 ou de 500 milliards GNF par an», soutient il.
Autre amélioration, contrairement à ce que certains observateurs croient savoir, «l’électricité produite par les barrages hydroélectriques est toujours bonifiée par les centrales thermiques » qui ont été relancées à cet effet.
Au niveau de la distribution des factures où il a y a beaucoup plaintes aussi, notre interlocuteur admet qu’il y a des manquements, avant de décliner les mesures en cours d’implémentation, pour résorber le problème. Parmi les solutions, une centaine de jeunes distributeurs recrutés, pour entre autres tâches, répertorier les transformateurs…
Parallèlement, la carte digitale est jouée à fonds. «Le client peut retrouver la version électronique de sa facture sur le site d’EDG. Il peut également payer par l’une des solutions électroniques, via les opérateurs de téléphonie de la place », indique-t-il.
Consommation rationnelle et clients citoyens
Mais en plus des efforts que doit faire EDG, notre interlocuteur persiste et signe: «le grand effort à faire reste sur la maîtrise de la consommation de l’électricité au niveau des foyers où le Guinéen laisse tout allumé 24H24. Pendant qu’il n’y a pas eu de compteurs depuis plusieurs années, donc chacun fait ce qu’il veut », déplore Naby Camara. D’où l’idée de «la pose systématique du compteur. C’est ce qui pourra sauver l’entreprise», affirme-t-il.
Dans le même sillage, il en appelle à la citoyenneté de la clientèle, surtout la catégorie domestique. «Un citoyen qui ne reçoit pas de facture alors qu’il a eu l’électricité, doit se rendre EDG pour la réclamer et payer ce qu’il doit. C’est ce qui peut permettre de réduire la subvention qui devient de plus en plus insupportable, avec un montant annuel variant entre 3500 et 4000 milliards.», explique le responsable de la communication de la guinéenne d’électricité.
Des améliorations financières non négligeables, même si leur incidence sur la desserte en électricité se fait encore attendre. Au grand dam des populations qui n’en peuvent plus des coupures intempestives d’électricité qui, on ne le dira jamais assez, avaient tendance à devenir des lointains souvenirs dans la capitale guinéenne.