L’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) s’est engagé dans le processus électoral le plus compliqué de l’histoire du parti. Du fait du passé (2010) que ses responsables et militants ruminent encore et aussi et surtout à cause d’une opinion particulièrement critique. Qu’à cela ne tienne, Cellou Dalein Diallo accepte de s’y engager après consultations de ses différentes fédérations nationales et internationales.
Jamais Cellou Dalein Diallo n’a entamé une élection avec autant d’enjeux, pour ne pas dire de risques, pour le pays, pour son parti et pour lui-même. Le processus étant particulièrement biaisé à cause du fichier électoral polémique et la détermination d’Alpha Condé à s’octroyer un troisième mandat après avoir changé la constitution, avec pas moins d’une centaine de morts, sans compter les blessés et les dégâts matériels enregistrés.
Ce contexte étant ce qu’il est, au sein de l’opinion, à tort ou à raison ; et parfois à dessein, le président de l’UFDG fait face à beaucoup de critiques. Jusque dans les rangs de son parti, certains trouvent incompréhensible que l’opposant s’engage dans un scrutin avec Alpha Condé et sur la base de la constitution issue du double scrutin contesté du 22 mars dernier. Elections dont les résultats et les institutions qui en découlent sont théoriquement rejetés par l’aile dure du Front national pour la défense de la constitution (Fndc) dont il a fait partie jusque-là.
C’est donc peu de dire que cette élection est loin d’être la mieux engagée de sa carrière. Du moins à priori. Un handicap qui a l’avantage pour lui de savoir au moins qu’il joue gros pour son avenir et au-delà, pour l’avenir de son parti et peut-être, celui du pays. Non sans être conscient dès ce départ qu’il n’a plus droit à l’erreur. C’est en tout cas ce qu’il laisse entendre à l’occasion de son investiture, notamment dans son discours de circonstance.
« Le choix de participer à une élection alors que la transparence et l’équité du scrutin ne sont pas garanties n’est pas facile à faire. La complexité de ce questionnement a hanté mes nuits traversées d’insomnies, mes journées chargées d’interminables rencontres avec des interlocuteurs issus de toutes les catégories socio-professionnelles (…) », confie-t-il.
Et Dalein de rappeler que « la décision prise en concertation avec mes proches collaborateurs d’engager l’UFDG dans cette compétition repose sur les avis motivés de l’écrasante majorité de nos fédérations de l’intérieur et de l’extérieur ainsi que du libre choix des membres du Bureau Exécutif National.»
L’UFDG sur tous les fronts
Le principal opposant au régime Condé décide de jouer sur tous les tableaux. Comme pour multiplier ses chances, tendant de passage une main à ses collègues des autres partis politiques engagés ou non à ce processus. « En acceptant de participer à cette élection, nous avons voulu, en plus des manifestations pacifiques auxquelles l’UFDG continuera de prendre part, transporter notre combat contre le troisième mandat dans les urnes, parce que nous sommes déterminés à user de tous les moyens légaux pour empêcher Alpha Condé de s’octroyer une présidence à vie », explique Cellou.
Parallèlement, ajoute-t-il, «j’accepte votre mandat en espérant aussi que le dialogue politique inter-guinéen annoncé par la CEDEAO se tiendra et examinera de manière objective les revendications de l’Opposition politique, conformément à notre droit national et au Protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.»
Et de rappeler: « ces revendications, déjà soumises à la délégation conjointe de la CEDEAO, de l’UA et des Nations Unies lors des deux réunions préparatoires de ce dialogue, concernent notamment l’annulation du double scrutin du 22 mars, l’audit et l’assainissement du fichier électoral, l’achèvement des élections locales du 4 février 2018 par l’installation des Conseils de quartiers et de districts ainsi que des huit Conseils régionaux, l’ouverture du processus électoral aux partenaires traditionnels de la Guinée dans l’organisation des élections, notamment l’UE, l’OIF et les Nations Unies et l’envoi d’une mission tripartite (CEDEAO, UA, NU) pour faire le bilan des violences policières lors des manifestations du FNDC contre le troisième mandat ».
C’est donc en plus de ces fronts déjà ouverts que l’ancien Premier ministre s’engage dans ce processus électoral, avec un autre argument. «Mon choix de diriger un parti politique procède d’une conviction inébranlable : pour accéder au pouvoir, il faut participer à des élections. J’ai fait le choix de conquérir le pouvoir par le biais de la confiance du peuple, qui s’exprime librement par le suffrage universel. Je suis un républicain convaincu, attaché aux valeurs universelles de démocratie », indique-t-il.
Ajoutant qu’il est «par ailleurs un homme préoccupé par la paix et la cohésion sociale dans notre pays.» Et que, «c’est au nom de ces principes qu’en 2010, lorsque ma victoire à l’élection présidentielle m’a été volée, je me suis abstenu de toute réaction qui aurait pu déboucher sur une guerre civile compte tenu du contexte qui prévalait».
Comme sur fond de rappel vis-à-vis de la communauté internationale qui avait alors peser de tout son poids pour le conforter dans cette posture que l’opposant n’adopterait sans doute pas s’il était à refaire, car tout porte à croire que Dalein joue son va-tout.