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Education : quand les établissements scolaires cohabitent avec les marchés, les débits de boissons et les motels de passe !

Comment peut-on aménager un marché, un maquis et autres chambres de passe à côté d’un établissement scolaire, temple d’éducation des enfants ? Dans cette question, se trouve tout le paradoxe que la rédaction dénonce après avoir fait le tour de beaucoup d’écoles-boutiques perdues dans le brouhaha des marchés de Conakry. Des écoles qui abritent les kiosques des jeux de hasard  et des débits de boisson où squattent les soûlards et autres marginaux  au rythme de la musique à fond.

Dans plusieurs quartiers de Conakry, des écoles sont entourés où se situent complètement dans les marchés, rendant presqu’impossible l’assimilation des cours par les apprenants. Entre les vacarmes des commerçants qui courent après leurs clients et le calme dont ont besoin les élèves pour mieux comprendre les cours se joue l’avenir de la Guinée.

Bienvenue à Bonfi, dans la commune de Matam. Ce quartier abrite l’un des marchés les plus chauds et bouillants  de la capitale. Il accueille des milliers de personnes par jour. Au vu de ce ballet quotidien, difficile d’imaginer qu’il existe des écoles, temples du savoir dans la commune de Matam largement dominée par le commerce.

Autour du lycée et du collège, évoluent plusieurs commerces. Submergés par l’afflux de vendeurs ambulants et d’articles, les différentes entrées de ces établissements se confondent avec les étales des marchandises. Difficiles donc de se frayer un chemin. Une situation que déplorent les enseignants et les élèves. Un fait déjà difficile auquel s’ajoute l’insécurité aux dires des enseignants.

La présence de ces commerces affecte sérieusement les enseignants et les élèves. « Nous vivons un véritable calvaire ici. Nous avons des difficultés pour avoir accès à la cour du lycée. Dès 7 heures, les femmes et les vendeurs  de friperie que vous voyez là envahissent les lieux. Ils occupent les espaces. Même l’entrée principale est occupée par ces vendeuses de poissons fumés. C’est un problème qui date d’aujourd’hui. Nous l’avons signalé à la Mairie, au gouvernorat, au département de l’Enseignement Pré-Universitaire et même au ministère de l’Administration et de la Décentralisation. Mais rien n-est fait jusqu’ici. Tous les directeurs et proviseurs qui sont passés ici ont essayé de faire quelque chose. Mais hélas », raconte avec déception, Mohamed Laminine Sylla, professeur de français au collège1 de Bonfi.

Quant à Souleymane Doumbouya, élève au lycée, il est difficile de se concentrer pendant les cours « Il arrive qu’on ne se concentre pas pour mieux suivre les explications des professeurs. Il y a trop de bruits. Les commerçants, les clients, les klaxons de véhicules nous soumettent à des cris et à des brouhaha de toutes sortes. Cela nous empêche de se concentrer en classe »

Les vendeurs ambulants, principaux accusés, interrogés lors de notre enquête, disent ne pas avoir le choix. « On va aller où ? Il n’y pas de place pour exposer nos marchandises. Tous les magasins sont pris dans le marché », et le nouveau centre commercial de Dabondy ? «Quel centre ? C’est pour les riches commerçants libanais et peuls. Ce n’est pas à notre portée. Surtout les débrouillards comme nous. Ici au moins, on fait notre affaire. C’est vrai. Nous sommes à l’entrée principale du collège. Et notre activité gêne les élève qui ont besoin du calme pour étudier. Mais on n’a pas de choix. Toutes ces femmes que vous avez devant vous, sont pour la plupart des veuves qui gèrent des familles. Et c’est ici qu’elles cherchent de quoi nourrir leurs enfants. Il n’y a pas de centre commercial pour des petits commerces », regrette la vieille dame N’Natôgôma Tounkara, rencontrée dans les environs du Collège 1 de Bonfi lors de notre passage.

Quand ces établissements perdus dans les marchés s’efforcent à donner l’éducation aux élèves dans les vacarmes et brouhaha des commerçants et des clients, certaines écoles cohabitent avec des débits de boissons et des kiosques de jeux de hasard voire  de motels de passe. C’est le cas à Nongo-centre où les fenêtres à claustras d’une école primaire privée donnent sur les chambres d’un motel de passe. Quand certains clients pervers par précipitation, pardon, par mégarde oublient de fermer les fenêtres lors des ébats sexuels s’exposent aux regards curieux des apprenants.

Si ce scandale a obligé le fondateur de cette école à condamner les fenêtres et les issues du côté du motel, beaucoup d’établissements scolaires côtoient ces lieux de plaisirs dans les quartiers à Conakry. Au quartier Lansanaya, les élèves d’un collège enclavé se voient obliger de traverser la terrasse d’un motel pour accéder à la cour de l’école. Les petites collégiennes font régulièrement fasse aux soûlards et autres marginaux qui les harcèlent à leur passage.

Parfois même les jeunes élèves se retrouvent dans les débits de boissons pendant des heures ouvrables « C’est ici nous tuons le temps en attendant l’arrivée du professeur. Parfois, on prend un verre avec des professeurs. Ça ne dérange pas ! On appelle ici le relais », nous raconte avec fierté, Gérôme Gbalamou retrouvé ivre en plein 13 heures.

A Kaloum, à Madina SIG, à Dixinn, à Coléah…les écoles abritent les kiosques de jeux de hasard. Les enseignants jonglent entre les fiches de préparation de cours et les programmes de Pari Mutuel Urbain (PMU) quand les élèves se bousculent devant les kiosque de LONAGUI pour les paris sportifs « Je joue chaque matin avant d’entrer en classe. A dix heures, il faut revenir pour un pari. On ne quitte pas le kiosque jusqu’au soir. ça ne gâte rien. On suit normalement les cours », quand  Moctar Camara de la classe de 12ème année  nous racontait ce scénario, il avait le sourire en coin. Comme pour narguer les surveillants de son école.

Quant à Gilbert Bangoura, jouer au PMU à côté de l’établissement n’est pas un mal en soi. « Je joue au PMU. Si vous voulez, beaucoup d’enseignants parient tous les jours, mais cela n’a pas eu d’impact sur les résultats scolaires. Nous avons fait 60% malgré ce que vous connaissez ! Donc où est le problème ? Et puis avec les maigres salaires, il y a de quoi. Il faut bien arrondir les fins de mois »

Au département de l’Education Nationale, on nous apprend que des décisions ont été prises contre ces écoles situées à proximité des débits de boissons, des kiosques des jeux de hasard. On nous a parlé d’un service chargé de veiller sur l’environnement des établissements scolaires.

Certains cadres interrogés reconnaissent cette réalité qui crève parfois les yeux. « Beaucoup d’écoles cohabitent avec les nids de bandits, des maquis, des lieux de jeux de hasard. Ce qui n’est pas bien pour l’éducation des enfants. Les responsables de ces écoles le savent, mais ne font rien pour nettoyer les alentours.», regrette Dr M. Keita, un cadre croisé dans les locaux du ministère.

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