L’examen de ce bilan ne se fera pas sur le nombre de droits fondamentaux inscrits dans les constitutions africaines en faveur des citoyens. Mais sur la capacité effective du citoyens d’exiger par voie judiciaire un droit garanti. Sur ce angle, on verra que le bilan est négatif.
Au-delà des systèmes nationaux de protection des droits fondamentaux, les systèmes régionaux connaissent à leur tour, différentes réalités, non satisfaisantes dans l’ensemble. Dans le cas de la Cedeao par exemple, entité sous régionale chargée d’appliquer le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance, le système ne marche qu’à sens unique, en direction et en faveur des chefs d’État. Le passage en revue des décisions de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement sur la « rupture de la démocratie » permet de tirer la conclusion suivante: ces décisions ne se préoccupent jamais des violations par les Etats membres, des droits humains et électoraux des peuples. La notion de rupture de démocratie ne profite qu’aux seuls chefs d’État.
Le seul système de protection des droits fondamentaux qui marche en Afrique est celui qu’incarne la courageuse Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui a son siège à Arusha, en Tanzanie. Mais problème : depuis 2016, sur les 10 Etats africains qui confèrent à leurs citoyens et ONGs, le droit de saisir la cour pour violation des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ils ne restent plus que 6 Etats aujourd’hui. 4 Etats ont déjà retiré ce droit à leurs citoyens et ONGs.
Le premier à le faire est le Rwanda, en février 2016. Il a senti à cette époque l’étau se resserrer sur lui, depuis qu’une opposante (Ingabire Victoire Numuhoza) au régime de l’homme fort de Kigali, Paul Kagamé, a saisi en 2014, la cour pour violation de son droit à un procès équitable par l’Etat Rwandais. Le deuxième pays est la Tanzanie, en novembre 2019, suite à l’instauration par le pouvoir en place d’un climat hostile à la liberté d’expression, aux activités des ONGs, et aux activités des partis politiques. Le troisième pays à retirer à ses citoyens le droit de saisir la cour est le Benin, en mars 2020. C’était à la suite de la suspension par cette cour, sur demande de l’opposant Sébastien Ajavon, de l’élection des conseillers communaux prévue le 17 mai 2020. Enfin le pays qui a suivi le Benin est la Côte d’Ivoire, lorsque la cour a suspendu l’exécution du mandat d’arrêt émis contre Guillaume Soro et des mandats de dépôts décernés contre les autres requérants, tous opposants au régime de Ouattara.
En ce qui concerne la Guinée, elle a ratifié le 16 février 1982, la charte la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, sans pour autant adhérer au protocole portant création de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Autrement dit, les citoyens et les ONG guinéens n’ont aucune possibilité de saisir la cour africaine des droits de l’homme pour faire valoir leurs droits.
Infine, sur les 55 Etats que comptent l’Union africaine, seuls 6 Etats acceptent aujourd’hui que leurs citoyens et ONGs saisissent la cour africaine des droits de l’homme. Il s’agit du Bukina Faso, du Mali, du Malawi, de la Gambie, de la Tunisie et du Ghana. Ce nombre très faible montre à quel point les États africains ne veulent pas que la cour porte un regard critique sur ce qu’ils font en matière de droits de l’homme et de démocratie. Ils refusent catégoriquement à leurs citoyens le droit saisir la cour.