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Droit de réponse aux deux premiers dossiers que Guineenews© a consacrés à la problématique de l’insertion du N’ko dans le système éducatif guinéen à travers une proposition de loi à l’assemblée nationale

Il est opportun pour tous les patriotes de dire ce qu’ils pensent sur ce thème qui défraye la chronique en Guinée, à savoir l’introduction de l’écriture N’ko dans le système éducatif guinéen.

Il est vraiment important de donner sa position dans un tel débat national dont les différentes interventions sont susceptibles d’être compilées en un livre très volumineux pour les générations futures. Aussi, le civisme signifie l’apport de chaque citoyen à l’édifice national dans le domaine de sa compétence pour un développement durable et intégré. Cet édifice réserve une part non moins importante à la culture.

Lire : Dossier-Guinée : Epilogue du débat sur l’introduction du N’ko – extrémisme politique et hégémonisme culturel

En ma double qualité de Vice-Président du Réseau et Secrétaire Général de l’Académie Centrale N’ko, je suis bien indiqué pour éclairer la lanterne sur certains points qui semblent être ambigus pour ceux qui aperçoivent le N’ko à distance. Je suis Moussa DIALLO, Ingénieur Chimiste de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, auteur de 22 ouvrages transcrits en N’ko.

Dans une démarche de raisonnement sans passion ni haine, Le N’ko, contrairement à ce que pensent certains de nos compatriotes, est venu pour servir tous les africains, voire tous les hommes de science à travers le monde.

Sa pertinence rigide dans le fait qu’il a pu résoudre le problème crucial des langues africaines : la tonalité. Curieusement, le Savant Solomana KANTE a commencé ses recherches en arabe, puis en latin. Il est admis qu’un homme de science ne cherche que la solution à une situation quelle que soit l’alternative. Mais consciencieusement, il se heurta à de sérieuses difficultés notamment la notation des mots semblables comme ‘’le foie’’ et la ‘’flèche’’ en Maninka ou «’’le poisson’’ et le ‘’Mouton’’ en Soussou etc…

Avec conviction, Solomana Kanté a persévéré sur son travail, malgré beaucoup d’opposition à sa nouvelle création, une opposition plus farouche que celle qui se passe maintenant. Ainsi, il a légué à la postérité 183 ouvrages.

Depuis, le N’ko n’a fait qu’évoluer et il ne cesse de s’épanouir du jour au lendemain, surtout dans l’arène informatique. Cette autopromotion de l’écriture N’ko en absence de tout financement de l’Etat prouve à suffisance son aptitude scientifique. Les dictionnaires pour nos langues sont faciles à concevoir en N’ko plus que toute autre écriture. Techniquement, le correcteur orthographique pour les langues africaines n’est pas concevable avec le latin.

Comprenez le N’ko comme système d’écriture sans s’occuper de l’appartenance ethnique de son inventeur. L’écriture est l’art de représenter la pensée par des symboles conventionnels. L’alphabet lui, est une série de signes graphiques, chacun représentant un ou plusieurs phonèmes pouvant se combiner pour former tous les mots d’une langue. Il s’agit là de l’application de notre écriture à nos langues.

Parmi les essais graphiques conçus par les africains, voici quelques-uns et le sort qui leur a été réservé :

  • Le’’Do’’ est la première écriture Mandingue depuis l’antiquité. Elle s’appliquait au sol. C’était le symbole du tabou de la brousse et des divinités. Restée apanage de la confrérie des chasseurs et des féticheurs, l’écriture Do n’a pu évoluer et ne tarda pas à disparaitre.

  • L’Ecriture Mandé, créée en 1917 par Mohamed TURAY ; amendée en 1921 par Kisimi KAMARA, petit-fils de l’inventeur. Cette écriture, n’ayant produit qu’un syllabaire et n’ayant servi que pour les correspondances, elle s’effondra. Ses traces sont dans les musées.

  • L’Alphabet Bassa, créé en 1920 par le docteur Thomas LEWIS, un alphabet disposant de 32 lettres dont 23 consonnes, 9 voyelles et 5 notes diacritiques conçues pour les voyelles, il n’a pu résister au temps.

  • L’écriture Massaba pour le BAMBARA, créée en 1930 par Woyo COULIBAYI (Kaarta) avec un syllabaire composé de 123 signes. Ecriture peu usitée, elle tomba graduellement.

  • L’Alphabet Haussa, créé par un groupe de chercheurs Nigérians dont messieurs Aminu Hassan YUAKASAYE, Alh Amisu BATURE, Aminu Abdu NA’ina, Dan Azimi BABA, Hahjia Balanaba FIAMAT, Ado HAMAD. Tiré de l’alphabet gréco-latin, l’invention n’a pu évoluer faute d’application.

  • L’Alphabet Wolof, cette écriture fut créée en 1961 par le Sénégalais Assane FAYE soutenue par le « Mouvement des enseignants de langues africaines ». Cet alphabet comprenait 25 consonnes, 4 voyelles et 3 notes diacritiques. Il comportait aussi des symboles spéciaux pour les chiffres. Il n’est de nos jours, comme les précédents, qu’un épisode dans la chronique des écritures africaines.

D’autres écritures africaines : le Loma et le Kpellè existaient en Guinée forestière ; le Bamun et le Eghap au Cameroun ; le Béria au Soudan ; Oromo au Kénya et en Ethiopie ; toutes ont disparu faute d’application.

Que d’efforts fournis par nos chercheurs ! Toute une panoplie, plus d’une trentaine d’alphabets qui se consument dans le temps sans avoir servi, ne serait-ce que deux générations, tel est le terrible sort subi par les inventions graphiques africaines, (African Writing Systems of the Modern Age The Sub-Saharan Region). Si le N’ko a pu résister durant 70 ans, certes il mérite d’être valorisé. Il est peu honorable de la part de nous Guinéens de voir les autres accorder beaucoup plus d’importance à cette écriture alors qu’avec un peu d’effort, l’Etat peut s’impliquer dans le processus pour lui imprimer un caractère national.

Les langues africaines en général sont caractérisées par des inflexions vocales difficilement reproductibles chez les alphabets étrangers.

Alors, nos chercheurs, s’étant aperçus de cette inaptitude pédagogique se sont mis à la tâche. Chaque pays, voire chaque entité ethnique, est en train de se déployer afin de trouver une issue favorable à la transcription exacte des langues locales. Si ce pluralisme alphabétique enrichit le bilan des chercheurs africains, force est de reconnaître que l’adoption d’un alphabet commun pour l’Afrique contribuerait mieux à son intégration culturelle.

Le problème posé à l’Afrique n’est pas un manque d’écriture, mais le regroupement autour d’un alphabet commun et l’application de nos langues à la science et à la technologie. La création d’alphabet qui fait la fierté de nos chercheurs ne représente même pas 1% du programme d’innovation linguistique. Créer un alphabet n’est qu’une manifestation d’intention pour circonscrire les signes dans lesquels on doit travailler. Le travail proprement dit ne commencerait que quand on aurait produit un ou plusieurs ouvrages de chaque discipline scientifique, littéraire et être en harmonie avec les principes pédagogiques requis en la matière.

Pour le moment, entre autres, les alphabets authentiquement africains qui font leurs preuves sont : l’Amharique et le N’ko. D’autres en herbes tel que le Koré-sèbèli et l’Adlam est un système qui émerge et ne ne sont pas à négliger.

A l’instar de l’Ethiopie qui dispose maintenant d’une écriture stable, l’Amharique, la Guinée doit faire le pas historique en posant cet acte politique majeur.

Chers compatriotes, ça ne sert à rien de rejeter une invention d’utilité publique sous prétexte que l’inventeur appartient à une ethnie. Cela constitue un frein au développement des pays africains. Car l’inventeur appartiendra toujours à une communauté donnée. Il revient à l’Etat de ramener tous les produits scientifiques dans le rang du patrimoine national. Ceci dit, faire la promotion du N’ko ne constitue pas un privilège ethnocentrique, mais le fait de le croire ainsi qui constitue une prise de position ethnocentrique.

J’ai lu avec étonnement sur Guinéenews, la rédaction du quotidien électronique qui assume d’ailleurs le dossier, soutenir que faire la promotion d’un alphabet authentiquement africain comme le N’ko, serait un danger national. A l’entendre, je donne raison à Souleymane KANTE, qui dans son ouvrage intitulé ‘’N’ko daloukèndè’’, a attiré l’attention de ses adeptes sur le piège monté par les pays colonisateurs dans leurs anciennes colonies. Ce piège repose sur 3 piliers qui sont :

  1. Donner une formation aux africains taillée sur mesure, c’est à dire qui leur permettra juste d’accomplir les missions du colonisateur et d’exécuter les consignes de commandement, mais pas pour avoir accès à la science, à la technique et à la technologie.

  2. Apprendre aux africains l’art de détester soi-même, sa propre culture, ses valeurs etc.

  3. Inculquer dans leur esprit la supériorité du Blanc sur le Noir.

Ce piège a si bien fonctionné que les élites africaines qui sont censés être les initiateurs de valorisation de nos langues sont paradoxalement les obstacles majeurs, ils ne croient qu’à ce qui est l’œuvre de la peau blanche. Comme l’a mentionné Cheikh Anta DIOP, « il faut que la vérité sonne blanche pour que l’intellectuel africain se résolut à l’accepter ». C’est pour cette raison qu’ils préfèrent le latin harmonisé dans la transcription de nos langues à nos propres caractères, qui, pour eux vont augmenter le fossé entre nous et l’occident. Avec cette idée occidentalisée, ils estiment que nos langues sont incapables de rendre les concepts scientifiques.

De toute façon, si un intellectuel admet que l’utilisation de notre propre écriture constituerait une menace pour l’unité nationale, c’est qu’il donne raison à la colonisation ou qu’il fait partie des personnes qui ne raisonnent pas les choses telles qu’elles sont, mais plutôt telles qu’elles voudraient que les choses se présentent. Le N’ko est venu pour conserver toutes nos langues, la langue étant l’expression jalouse d’une culture, il convient de la préserver et de l’immortaliser car, peut garder espoir, un peuple qui n’a pas perdu sa langue.

Je reviens sur le texte de Guineenews, pour dire à mes compatriotes que la valorisation de l’Alphabet N’ko revêt un intérêt capital, car il a fait preuve d’efficacité dans la transcription de nos langues qui sont des langues à ton et plus loin son aptitude scientifique est avéré sur le plan mondial. Alors si l’assemblée internationale de normalisation des systèmes (UNICODE) l’a adopté, l’Assemblée Nationale n’a aucun prétexte pour le rejeter.

Ça m’étonne que ceux qui s’opposent à l’introduction du N’ko dans le système éducatif guinéen sont restés indifférent quand la Guinée a adhéré au programme ‘’ELAN AFRIQUE’’ (Ecole et Langues Nationales en Afrique) en 2015, dont les premières écoles expérimentales sont fonctionnelles depuis 2019 à Kindia pour enseigner concomitant le Français et le Soussou. Comme l’ELAN AFRIQUE utilise l’écriture latine, cela ne constitue pas un danger national. Parce que le latin n’est pas créé par un guinéen.

L’équipe de rédaction de Guineenews a eu la prétention de donner une leçon à l’Honorable Sékouba KONATE, initiateur de ladite proposition de loi en critiquant son approche et en qualifiant sa proposition de loi comme un travail d’amateur qui n’a été précédé d’aucune recherche approfondie, alors qu’elle devrait faire l’objet de beaucoup d’enquêtes pour justifier sa pertinence. Au même moment vous confondez Projet de loi et Proposition de loi.

En réponse, l’équipe doit savoir que cette proposition de loi est le résultat d’une longue recherche, d’un constat sur le plan national et international. Un Député agit au nom du Peuple, et s’il y a 114 Députés, c’est pour pouvoir recueillir les besoins non individuels de la population et les faire remonter. Il n’est de secret pour personne ce que représente le N’ko aujourd’hui sur le plan national et international. Cette écriture fait aujourd’hui la fierté de tous les africains, surtout sur les tribunes internationales. C’est après plusieurs années d’études techniques en collaboration avec les promoteurs de l’Alphabet N’ko et la Direction Nationale de l’Alphabétisation, ainsi qu’avec le concours de tous les acteurs impliqués que cette proposition de loi fut rédigée.

Vous affirmez qu’ ‘’une loi de la république ne doit pas confondre l’intérêt des prometteurs de N’ko avec l’intérêt général de toute la population guinéenne’’.

Oui, je vous le concède. Mais seulement sachez que vous avez une vision restreinte de l’écriture N’ko à telle point que vous la maintenez comme une propriété d’un groupe exclusif. Vous dites ceci : ‘’Le projet de loi doit être une initiative ministérielle ou parlementaire.  Si c’est l’initiative privée d’un groupe parrainé par un député, les critères d’appréciation devraient être plus stricts’’.

En réponse, il faudrait savoir que le Député est l’interface entre le Peuple et les Gouvernants. Une proposition de loi ne peut avoir l’appellation d’une ‘’imposition’’. Une loi provient des Députés ou du Gouvernement, mais après avoir fait un constat au niveau des administrés. Donc, la société civile est une source d’inspiration des Députés à l’Assemblée Nationale. S’ils ne reconnaissent pas cela, ils ignorent leurs missions.

Heureusement, l’équipe de rédaction a ajouté à la fin que le N’ko est l’une des options pour la transcription de nos langues. Et nous accueillons à bras ouvert d’autres options que vous comptez suggérer.

En conclusion, acceptons l’objectivité et soyons visionnaire pour ne pas continuer à réserver des lendemains difficiles pour nos enfants.

Moussa DIALLO,

Ingénieur chimiste, Vice-Président du réseau central de l’alphabet N’ko

Secrétaire général de l’académie centrale N’ko

Contacts : diallomoussa2003@gmail.com 

Note de la rédaction :

1- Le droit de réponse s’applique à une accusation non à la critique d’un projet de loi ou à une action (mesure) publique !

2- Guinéenews© est un quotidien électronique qui encourage les débats civilisés, respectueux et contradictoires sur les sujets concernant la Nation guinéenne. Mais lorsqu’on fait une lecture en diagonale sans comprendre l’essence même de ses prises de position sur un projet de loi controversé, on ne rendrait pas service à la Nation au moment où le tissu social est fragilisé. Nous y reviendrons dans nos prochaines éditions pour clore ce débat infructueux sur l’alphabet N’ko au moment où les autres pays s’investissent dans la promotion de la langue anglaise et le développement technologique.

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