À la suite des événements tragiques survenus le 1er décembre 2024 au stade du 3-avril de N’Zérékoré, des procédures judiciaires ont été engagées par le collectif d’avocats des victimes de ce drame. Mais, à ce jour, les choses ne semblent pas évoluer sur le plan judiciaire.
Lors d’une conférence de presse tenue ce vendredi 21 mars 2025 à Conakry, le collectif des avocats des victimes et des parents des victimes de la tragédie du 1er décembre au stade du 3-avril de N’Zérékoré a dénoncé le silence « inexpliqué » du parquet de N’Zérékoré.
Selon les conseils des victimes, le procureur de N’Zérékoré reste jusque-là « inactif » face aux infractions commises contre des citoyens. Pourtant, disent-ils, certains blessés sont abandonnés dans des hôpitaux sans assistance de la part du gouvernement.
Une série d’infractions relevées
Selon Me Daniel Haba, la population concernée a été victime de plusieurs infractions. « À l’issue du rapport publié par le collectif, un groupe d’avocats composé de six membres a été constitué pour travailler sur l’identification des infractions, notamment : homicide involontaire, meurtre, coups et blessures volontaires, mise en danger de la vie d’autrui, entrave aux mesures d’assistance, omission de porter secours, trafic d’influence, entrave à la saisine de la justice, recel de cadavres, atteinte à la santé publique, abstention délictueuse et complicité« , a-t-il déclaré en entamant ses propos.
Après l’identification des infractions, une plainte a été déposée au parquet de N’Zérékoré, affirme Me Daniel Haba. Cependant, aucune suite favorable n’a été donnée par le procureur. « Ces infractions ont été relevées et 98 victimes et parents de victimes ont décidé de porter plainte, car nous avons estimé que le parquet de première instance de N’Zérékoré ne souhaitait rien faire concernant cet événement. La plainte a été rédigée et déposée depuis le dimanche [date précise non mentionnée] sous le numéro 68. Avant même le dépôt de la plainte, nous avons pris soin de rencontrer les victimes et leurs familles« , a-t-il précisé.
Des victimes « abandonnées dans un état critique et pitoyable«
D’après Me Daniel Haba, plusieurs victimes du drame du stade du 3-avril sont laissées à elles-mêmes, sans aucune prise en charge.
« Nous avons rencontré des victimes dans un état très critique, en particulier celles qui sont blessées. Nous vous informons que ces blessés sont dans un état très pitoyable. Pourtant, au lendemain des événements, le gouvernement avait annoncé une prise en charge. Ces personnes, transportées par les véhicules des officiels présents au stade, ont été conduites à l’hôpital de l’amitié sino-guinéen, puis abandonnées. Certains ont même été contraints de quitter l’hôpital pour retourner à N’Zérékoré, où ils se soignent à l’indigénat et vivent aujourd’hui dans la précarité« , regrette-t-il.
Il a également mentionné le cas d’un jeune nommé Étienne : « Il n’y a qu’une seule personne encore hospitalisée, le jeune Étienne, qui est aussi dans un état d’abandon. Il avait été envoyé au Maroc pour des soins, mais a été rapatrié sans suivi. D’autres victimes ont été totalement ignorées par l’État. Ces personnes n’ont plus que leurs larmes pour pleurer, sans parler de celles qui ont perdu des proches – enfants, parents, époux – et qui ne bénéficient d’aucune mesure d’assistance
Le silence inexpliqué du parquet de N’Zérékoré
Le collectif des avocats des victimes exige du parquet des explications sur son inaction face aux infractions constatées. « Le parquet peut décider de poursuivre ou de classer l’affaire sans suite. Cependant, lorsqu’il choisit de ne pas poursuivre, il est tenu de notifier sa décision au plaignant dans un délai de huit jours. Or, dans ce dossier, le parquet est resté muet et n’a adressé aucun avis formel« , a déploré Me Pépé David Kolié.
Recours au parquet général de Kankan
Face à l’inaction persistante du parquet de N’Zérékoré, le collectif des avocats a décidé de saisir le parquet général de Kankan pour obtenir l’ouverture des poursuites contre les auteurs présumés des infractions.
« En accord avec nos clients, nous avons décidé d’invoquer l’article 51 du Code de procédure pénale, qui nous permet de faire appel au procureur général de Kankan. Ce dernier, en sa qualité de supérieur hiérarchique du procureur de la République de N’Zérékoré, est habilité à donner des instructions pour engager les poursuites. Nous espérons que cette démarche aboutira et que justice sera rendue aux victimes« , a annoncé Me Pépé David Kolié.