Dernières Nouvelles de la Guinée par les Guinéens
Pub Elysian

Dr Baba Sacko, ex-président de la FEGUIFOOT : « Depuis 77, il fallait trouver une nouvelle génération »

A la  retraite  depuis 2008,  l’ancien  président de la Fédération Guinéenne de Football, Dr Baba Sacko  consacre sa vie à sa famille.  En plus de ses fonctions   administratives  bien  fournies, le Pharmacien  Dr Sacko  aura marqué son passage dans le milieu  sportif. Il a contribué  à la  régénération  des équipes nationales  après le célébrissime Hafia 77.   Dans  un  entretien  qu’il a accordé  à Guineenews©  à son domicile  sis à Petit Simbaya, dans la commune de Ratoma.  Il nous  parle de son vécu et de sa gestion  du football guinéen.    Lisez plutôt.

Guineenews© : Quelle appréciation faites-vous du football guinéen de nos jours ?

Dr Baba Sacko : Ça c’est une très grande question, les gens m’ont toujours posé cette question, j’ai dit qu’on se considérait comme des gens de devoir, c’est-à-dire des gens en mission. Quand on nous a appelés à la Fédération  Guinéenne de Football en 1976, c’était pour relever un défi, le bureau politique nous a dit  avec l’humiliation d’Alger, on vous donne  comme tache de nous ramener la coupe Kwamè Nkrumah  en 76, donc nous on s’est considéré au moment de notre existence, comme des missionnaires. Il y a une différence d’approche, c’est-à-dire que nous    étions des gens en mission, ce n’est pas l’argent que l’on regardait,  d’ailleurs  les sorties s’étaient d’ailleurs  5000  francs CFA durant toute la mission, alors que j’entends maintenant des sommes faramineuses  et les jeunes de maintenant croient qu’en fait, ils viennent pour ça.  Pour les missions ou pour  l’argent à gagner dedans. Donc il y a deux visages  totalement différents dans la conception. C’est-à-dire c’est ce qui fait la différence,  les jeunes  de  maintenant quand ils perdent un match, le soir même  tu les trouves dans les boîtes de nuit,  alors qu’avant c’étaient des pleurs, c’est comme si en fait on  venait d’échouer. Donc la différence entre les deux  choses, le monde a changé et malheureusement pas à notre faveur,  et  les gens ne savent pas  qu’ils sont  en mission pour ramener en tout cas  des trophées. Mais qu’est-ce que vous voulez il y en a qui disent que nous on est dépassé mais on préfère cela parce qu’à notre temps, il y avait des résultats dans tous les cas.

Guineenews© : Quelle est votre lecture sur la mise en place du comité d’organisation de la CAN 2025  en Guinée ?

Dr Baba Sacko : Le Cocan, ça m’a toujours fait plaisir  de voir l’initiative de la Fédération Guinéenne de Football, du ministère chargé des Sports,  d’avoir eu l’ambition de s’engager  dans l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations, mais avec beaucoup d’inquiétudes, je le dis parce que  j’ai la petite expérience  que j’ai eue.  En 1996 moi-même  membre du comité exécutif de la CAF, j’ai demandé aux collègues du comité exécutif  de la CAF avec Issa Hayatou en tête, d’accorder à la Guinée l’organisation de la CAN cadette en 1999, tous les collègues m’ont supporté.  A  mon  retour à Conakry, j’ai fait le compte rendu  au ministère chargé  des Sports et aux  autres membres de la  fédération. Mais je peux dire que ma  seule  joie était peut-être  à ses instants là.  Avec la volonté, on est pas du tout en retard on est en 2020  et on ne  part pas  de zéro,  il y a au moins  deux terrains à Conakry.  Ça veut dire que ça reste  quatre  dans les zones qui ont été ciblées. Avec  la volonté, si  nous sommes   incapables de faire ces infrastructures là pour 2025, alors  que  ça veut dire que c’est  très grave. Nous n’allons  pas  être les premiers à le faire, le Mali l’a fait. Alors,  mais je  dis, je suis inquiet.

Guineenews© : Quel bilan dressez-vous de  votre présidence de la FEGUIFOOT ?

Dr Baba Sacko : C’est en 1976, j’étais chez moi  il y a eu le communiqué du bureau politique national.  C’était comme ça.  Les cadres dont les noms suivent  sont  à partir de ce jour nommés membre de la Fédération Guinéenne de Football. C’est-à-dire l’ancienne fédération est dissoute,  l’équipe de N’fa Amara, il n’y a que N’Fa Amara seul qui a été conservé parce que le grand problème  qui s’est passé  en Algérie, il a été rapporté au président  de la République  que N’fa  Amara  avait  réagi là-bas,  donc en dehors de lui,   tous les autres étaient des vendus dans l’esprit du président à l’époque. Il a été le seul à être conservé,  tout le reste à commencer par le ministre de la Jeunesse et des sports à l’époque,  donc tout le monde a été viré. C’est là que j’ai  entendu mon nom avec d’autres personnes  sur  la liste  on était je crois  17.  Et à partir de ce jour-là,   on s’est consacré à ce travail.  Premier objectif,  il faut que la coupe Kwamè Nkrumah  rentre  en Guinée ici.  Ça   c’était en 76,  donc  on s’est mis à la tache, dieu  a été avec nous  en 77 la coupe Kwamè Nkrumah  est rentrée ici, ça a été notre départ pratiquement. Mais ce  n’était plus le même système, quand la 1ère république est tombée, la 2ème est venue mais pendant la première république, la fédération avait un travail,  mais un travail facilité par la structure même du parti,  la politique sportive c’était politique, ça commençait par les quartiers. Les chefs de quartier de  l’époque mais s’étaient des vrais commandants et c’était l’enthousiasme général, c’était la participation de tout le monde. Donc après les inter-quartiers, il y avait des inter- sections ici par exemple Dixinn, Kaloum, Matam. C’était des sections. Le fondamental c’était les trois générations qui ont été  formées, la génération de 85, les Titi Camara, Salam, Kolovati,  la génération de 89, les Souleymane Oularé  et Careca. Et  ensuite la génération de 95 et mieux une initiative aussi  que j’ai eue à partir de l’Equateur,   j’ai  pris la décision  que l’équipe qui nous a représenté là-bas,  je vais les garder telle quelle, je n’accepterais pas qu’ils aillent ni dans Horoya, ni dans Hafia comme club,  et ils jouent  le championnat pour les conserver. J’ai fait une réunion  à la fédération pour dicter cela, ce n’est pas normal d’accord,  mais c’est une décision qu’il fallait prendre. C’est cette formation là  que j’ai appelée  l’Etoile de Guinée. L’Etoile de Guinée  qui existe actuellement là, une très bonne équipe  mais mon problème , c’est pas la fédération qui gère un club,  il fallait que je trouve  vraiment  une société  pour assurer la présidence  du club, résoudre les problèmes quotidiens  ou une personnalité de bonne volonté mais je n’ai trouvé personne.  Alors  c’est pourquoi j’ai dit  que  si  à cette période-là j’avais quelqu’un comme   Antonio  je crois que,  on serait parti très loin. Alors, malheureusement les jeunes se sont dispersés et puis voilà.

Guineenews© : Selon vous, qu’est-ce qui explique la baisse de régime de nos équipes nationales sur la scène internationale ?

Dr Baba Sacko : Les résultats que nous avons maintenant ça ne tombent pas du ciel comme ça, la philosophie qui encadrait la pratique sportive a totalement changé. Un exemple : Quand le trophée  a été obtenu en 76, tout le peuple  guinéen  était content,  de Conakry  jusqu’à Panziazou (Macenta). La preuve  sait  que Hafia  avec le trophée devait aller dans chaque préfecture pour aller montrer le trophée à la population et c’est moi qui étais désigné par la fédération pour  les accompagner.  Quand  on est arrivé à Mamou, il y a un vieux qui passait là  il voit une population en train de danser, il dit qu’est-ce qui se passe on dit c’est Hafia qui est venu, le vieux a dit attendez,  je viens on l’a vu venir avec un bœuf qu’il traînait, et il a dit que ça c’est sa contribution. Avec cet enthousiasme là,  mais parallèlement à cela, les jeunes qu’on encadrait, c’est-à-dire les Petit Sory, Chérif Souleymane, Kalva, Jacob Morciré,  ils faisaient les causeries dans le car  que je captais.  J’ai compris par là qu’il fallait trouver une nouvelle génération. C’était depuis cette période-là qu’on devait commencer à faire  la régénération, parce qu’eux ils pensaient dans leur tête peut être qu’ils avaient raison  qu’on leur a fixé une mission qu’ils ont accomplie et c’est terminé. Mais il y en a qui s’attendait aussi à  des villas à des trucs  et c’est les salutations qu’on leur a  accordées.   Au retour,  je suis allé trouver  un membre du bureau politique, j’ai dit monsieur le ministre on vient de faire la tournée, ça a été l’enthousiasme, ça c’est très bien passé  partout,  mais je voulais attirer votre attention sur quelque chose.  Les causeries que j’ai entendues alors  je veux  faire une proposition en 78.  Je propose que l’on engage  Hafia en vainqueur de coupe et  Horoya en  club champion. Mais le ministre a failli me battre, il dit mais attend tu es fou ou quoi ? Je dis non,  monsieur le ministre ce n’est pas çà ce que j’ai entendu, les jeunes sont bons, ils ont été bons mais ils croient que leur mission est terminée.  Je ne pense plus que cette équipe-là puisse  nous ramener d’autres trophées.  Alors mais si en vainqueur de coupe  Hafia est battu, on dirait non,  c’est parce qu’ils n’ont pas pris au sérieux, si Horoya donc  est battu  en club champion, on dira non qu’ils sont au début, ils vont apprendre. 78 là justement Hafia  a été éliminé par Canon de Yaoundé ici au stade du 28 septembre, alors qu’en réalité, on était plus fort  et  par contre,  Horoya est allé prendre la coupe en Algérie, c’est vous dire qu’il y avait un problème de motivation, eux ils croyaient  qu’on leur demandait un peu trop. C’est pour cette raison en 82 moi, en tant que vice-président de la fédération,  j’ai suggéré au président  N’fa  Amara que l’on s’engage à la coupe du monde des cadets qui devait avoir lieu en  85  en Chine, on est allé trouver l’ambassadeur d’Allemagne pour nous trouver un expert pour venir former une nouvelle génération. Ils nous ont envoyé un entraîneur du nom de FIG, avec du matériel, quand on a eu l’accord l’entraîneur là est venu à l’annexe du stade du 28 septembre,  pendant deux mois,  on lui a confié deux jeunes  comme adjoint à l’époque  et il a fait venir des jeunes  de différents quartiers.  Ça  c’est la génération de Titi, Kolovati eux sont venus  de Kaloum, il y a Socra qui est venu de Dixinn,  les Salam sont  venus de Matam. C’est ce groupe-là de 50 jeunes pendant un mois en train de travailler et  après il nous a donné une liste de 25 pour dire que voilà, son contrat arrivait à terme, mais Chérif venait de rentrer comme entraîneur d’Allemagne, comme il parlait  Allemand,  j’ai proposé  qu’il seconde FIG  pour pourvoir assurer d’abord  la tradition  parce que ce  dernier ne parlait que l’Allemand. C’est ainsi que l’équipe de Titi  a été créée,  qu’on l’a engagée à la coupe du monde des cadets en Chine en 1985. Cette équipe-là est allée pratiquement jusqu’en demi-finale. Ça  c’est la première équipe, mais ce n’était pas suffisant. On s’est  engagé en 1989  à la coupe du monde des cadets qui devait avoir lieu en Ecosse, on a fait la même politique, c’est là où les Souleymane Oularé, les Careca,  c’est leur génération et le troisième groupe, c’est ceux qu’on a regroupé et qui sont allés en Equateur en 95.  C’est les trois générations-là qui ont été regroupés pour remplacer les petit Sory, Chérif Souleymane et  pour constituer la nouvelle  équipe nationale. Bon, il faut reconnaître que ce sont des jeunes  qui ont fait ce qu’ils pouvaient faire mais je dis que c’est le retard dans ce renouvellement-là qui a un peu manqué au fur et à mesure qu’on avançait, alors les choses se compliquaient et le tournant c’est depuis 84 à l’avènement du  CMRN la philosophie du PDG donc  a été rejetée et maintenant il a été dit aux gens qu’on est  plus dans le socialisme,  qu’on est maintenant dans le capitalisme. C’est là où moi,  j’ai dit capitalisme sans capital, alors le résultat c’est ça, c’est là où le commerce a commencé dans le sport, dans le football, sinon les jeunes, ils ne faisaient pas de réclamation   pas, vous avez les pères de famille, les mamans qui venaient accompagner leurs enfants au stade, au terrain, ça c’était la philosophie du PDG, là où le problème s’est compliqué, c’est à partir de 1984, alors ça a bouleversé tout le système, les enfants donc ont  cru en  cela, les parents des footballeurs, c’est à partir de là que  le commerce  est rentré  dans le football guinéen. Chacun cherchait à  avoir son enfant maintenant au Maroc,  en France, en Angleterre et ailleurs. Mais jusqu’en 1985, il était interdit de laisser sortir un joueur guinéen, le Hafia a crané sur le continent africain  dans ce système-là. C’est la morale même qui a disparu, ce n’était plus la même conception j’étais assis ici chez moi, je vois à la télévision quelqu’un qui vient il se tape la poitrine pour dire moi, ce que j’ai fait pour le football guinéen, alors je le regarde, j’ai failli briser ma télévision non, mais parce que je dis qu’est-ce que lui  il a fait pour le football guinéen, venir prendre nos jeunes  joueurs aller  les revendre  en Algérie, au Maroc, en France,   ailleurs,  et empocher l’argent, les parents même ne reçoivent  absolument rien,  voilà le nouveau dirigeant sportif . A partir de ce moment  ça a été donc  la véritable pagaille et ça a commencé à partir de 1985, sinon avant il était interdit, Morlaye Kolovati (Bastia, France) même quand il est arrivé dans son nouveau club maintenant il ne pouvait officiellement plus  jouer  sans que  la fédération n’adresse à ce club-là, une autorisation officielle, mais nous on n’avait pas cette autorisation. Je suis allé demander au ministre mais c’était exclu.  C’est donc bien  après que  c’est devenu maintenant  un marché,   alors chacun peut prendre un jeune  qu’il n’a pas formé lui-même, et il le revend  à l’insu même de ses parents.  L’organisation  de base avait disparu, il y avait les inters Comités ici, les compétitions inters comités,  ensuite inter- sections, préfectures  et jusque  même au niveau régional, mais tout ça là, c’était dans le cadre du parti  bien sûr, qui était unique, mais comme ça avait disparu. C’était la dislocation totale chacun pour soi. Voilà c’est ce qui nous a amenés à ce niveau-là, et  il y a les répercussions jusqu’à maintenant.  Le point central vraiment c’est à partir de 85, dès que la notion véritable  de volontariat,  c’est parce qu’il faut le dire, a commencé à disparaître, dès que le mot capitalisme  est rentré  dedans, alors chacun croit qu’il faut obligatoirement de l’argent pour apporter sa contribution.  Alors c’était la déperdition totale, les jeunes  donc  étaient revendus dans tous les coins du monde. Ce qui fait qu’on arrivait plus à les conserver   sur place  ici, or le sport surtout le football, une équipe ce n’est pas rassembler 20 bons  joueurs exceptionnels, c’est avoir des gens qui jouent ensemble depuis au moins des périodes déterminées, parce que ce n’est pas seulement le pied qui tape dans le ballon.  Je crois que  c’est tout çà qui a créé des problèmes. Evidemment le PDG finançait mais à travers les quartiers d’ailleurs.  C’est les quartiers qui supportaient les équipes des quartiers et les gens c’étaient avec plaisir qu’ils  déboursaient de l’argent, pas donner aux  joueurs, mais en ce moment pour résoudre les problèmes quotidiens  quand je suis rentré membre de la fédération, j’étais en même temps le directeur chargé de la distribution nationale  des produits pharmaceutiques à pharma guinée. Mais moi,  j’avais un registre là-bas, aucun joueur du Hafia ni son père, ni sa mère, ni ses parents ne payaient des médicaments à Pharma Guinée.  Tu as l’ordonnance, tu viens alors  on prend ça dans un registre  et puis on te sert, tu t’en vas. C’était ça la prise en charge avec l’état mais maintenant rien de tout ça n’existe, il faut l’argent.

Guinéenews© : Votre dernier mot…

Dr Baba Sacko : Le sport est une discipline très compliquée, mais la première des choses  d’abord il faut l’aimer. On ne vient pas  dedans  pour s’enrichir  en tout cas pour voyager seulement, il faut avoir de l’ambition pour le pays.

Propos recueillis par Salematou Sylla.

vous pourriez aussi aimer
commentaires
Loading...