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Dossier – Récupération des domaines publics/cas de Kaporo-rails et Kipé2: raison du plus fort ou raison d’Etat?  

Vrombissements de bulldozers en action, les habitations entièrement rasées, les acacias et manguiers abattus, des populations et badauds fouillant dans les gravats pour récupérer certains objets, le tout sous le regard impassible des agents des forces de l’ordre massivement mobilisés sur le site pour les besoins de la cause. Telle est l’ambiance qui règne depuis quelques semaines à Kaporo-rails et à Kipé2, deux secteurs de la commune de Ratoma, en banlieue de la capitale Conakry.

En effet, les autorités guinéennes, à travers le ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire, ont entamé depuis le 25 février dernier une vaste opération de déguerpissement des habitants de Kaporo-rails et de Kipé2. De Prima-Center à la Mosquée Turque jusqu’à la lisière de Koloma, en passant par le célèbre dancing « Kossovo », rien n’est épargné. L’espace est donc devenu un immense champ de gravats.

Rappelons que le lundi 25 février et le mardi 12 mars, les habitants de Kaporo-rails et ceux de Kipé2 étaient inconsolables, déboussolés et impuissants face à la présence des bulldozers qui démolissaient leurs maisons, boutiques, garages mécaniques, maquis, gargotes, bars dancings. C’est en fait des habitants tétanisés et plongés dans un total désarroi que nous avons rencontrés lors de notre passage dans ces deux secteurs. Ce sont des milliers de familles qui ne savent plus à quel saint se vouer et qui  ne comptent plus que sur la solidarité des personnes de bonne volonté et éventuellement celle que l’Etat pourrait leur apporter pour pouvoir désormais survivre.

Les expulsés de Kaporo-rails et de Kipé2 après le déguerpissement

Après le déguerpissement des familles de leurs  logements, les anciens occupants de ces deux sites vivent aujourd’hui dans des conditions de vie absolument précaires. Oui, nous sommes ici, à Ratoma! Une commune aux villas somptueuses et cossues. C’est ici que la majorité des hauts cadres et les plus nantis du pays avaient choisi d’installer. Mais à Ratoma, il n’y a peu de domaines privés acquis conformément aux normes établies en la matière. Presqu’au cœur de cette commune, se trouvent les quartiers Kaporo-rails et Kipé2, des domaines fonciers appartenant à l’Etat que les autorités actuelles en place sont décidées à reconquérir depuis quelques temps. Pour ce faire,  des engins lourds de terrassement du bataillon de génie militaire sont lancés à l’assaut de tous ceux qui se tient débout sur lesdits domaines. Des opérations de démolition qui laissent derrières elles tout un champ de ruines et des milliers de familles perdues actuellement au milieu de gravats et dans des nuées de poussières. Depuis plus d’un mois, ces pauvres habitants, sans plus aucun abri et ne sachant où aller, dorment à la belle étoile. Chaque soir, ils s’installent comme ils peuvent pour passer la nuit dans les conditions difficiles. Le comble, les adultes partent se laver ou se soulager chez les voisins proches dont les maisons n’ont pas encore été touchées qui ne sont pas concernées par les opérations en cours. La plupart des familles sont contraintes de se séparer faute d’abris. Certains parents ont emmené leurs enfants chez des connaissances pendant qu’eux-mêmes dorment dans les gravats. La nuit, ce sont des tentes de fortune faites de bâches ou des tissus de draps qu’ils dressent pour se mettre à l’abri. «C’est difficile! Vraiment triste pour des humains comme nous», murmure avec tristesse dame Aissatou B.

La méthode du gouvernement désapprouvée par un ancien ministre de l’Habitat

Mansour Kaba, ancien ministre de l’Habitat, n’apprécie pas la méthode utilisée par le gouvernement pour déguerpir les habitants de Kaporo-rails et de Kipé 2. Pour avoir été l’un des acteurs de la modernisation de la ville d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, l’Architecte Mansour Kaba estime que l’Etat aurait pu faire déménager d’abord les habitants  de ces zones concernées sur un nouvel espace avant de démolir leurs maisons. Pour lui, l’Etat a manqué de pédagogie devant ce problème social. Il va jusqu’à même raconter une anecdote sur un fait similaire quand il était en activité en Côte d’Ivoire. «J’ai vécu un fait similaire à Abidjan quand il était question de déguerpir les habitants d’un quartier précaire non loin de l’aéroport… Lorsque nous nous sommes présentés avec les bulldozers, un habitant de ce quartier est sorti avec son fusil pour nous  menacer. On a rebroussé chemin. Informées, les autorités nous ont demandés de retourner sensibiliser, recenser les familles concernées et leurs maisons, de prendre la dimension de l’espace occupé. Une fois le travail terminé, il a été question de trouver une zone dans la périphérique d’Abidjan pour recaser les occupants de la zone à démolir. C’est ce qui a été fait ! D’où le quartier Port-Bouët 2, à Yopougon pour ceux qui connaissent Abidjan. Les familles victimes ont bénéficié d’un espace, avec chacun un terrain et le même nom de quartier où ils étaient. Un espace viabilisé, bitumé, électrifié avec de l’adduction d’eau. Certains ont vendu une partie de leur terrain pour construire. Pourquoi ne pas envisagé de telles méthodes», s’est-il interrogé.

Pour l’ancien ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat de feu général Lansana Conté, il fallait d’abord recaser les habitants de Kaporo-rails et de Kipé 2 avant de démolir leurs maisons.

 Comment Kaporo-rails et Kipé2 ont-ils été occupés?

Pour répondre à cette question, nous avons interrogé El hadj Bachir Barry, un occupant de Kaporo-rails, membre du collectif des victimes du déguerpissement. Selon lui, la quasi-totalité des habitants de Kaporo-rails et de Kipé2 étaient installés bien avant le décret de 1989 qui a fait de ces lieux des domaines réservés.

«Je vous apprends que sous le régime de feu Sékou Touré, il n’existait pas de zones réservées de l’Etat. On parlait plutôt des cités des fonctionnaires. Les seuls endroits de l’Etat, c’étaient les forêts classées. Cette affaire de domaine de l’Etat a commencé avec l’ancien ministre de l’Habitat Bana Sidibé, sous le régime Conté… Celui qui a tracé les transversales. Et tenez-vous bien ! A son temps, tous ceux dont les maisons ont été touchées par le tracé, ont été dédommagés. Sur son plan, on devait construire le Palais Présidentiel à Hamdallaye. C’est quand le gouvernement d’alors a constaté la position géographique du futur Palais Présidentiel, qu’il a jugé utile de réserver le plateau de Koloma pour en faire une cité administrative et résidentielle. D’où le décret de 1989 qui a fait de Kapora-Rails et de Kipé2 domaines de l’Etat. Mais le décret a bien précisé que ces zones seront récupérées progressivement par l’Etat en cas de besoin. Et que tous ceux qui  ont occupé ces lieux avant le décret, seraient dédommagés avant de quitter. Ce qui n’avait pas été le cas en 1998 quand la première partie a été rasée. …Pire, cette partie récupérée n’a jamais été reconstruite à part le bâtiment de la RTG, le siège de l’ARPT et l’Ambassade des Etats-Unis. Les zones qui viennent d’être rasées ne l’étaient pas en 1998. Vingt un ans après ce premier drame, les nouvelles autorités reviennent faire pire que le régime précédent… Maintenant pour revenir à votre question, Kaporo-Rails et le quartier qu’on appelle aujourd’hui Kipé2  étaient occupés bien avant le décret de 1989. Certains étaient installés ici depuis des années 70 et 80. Donc tous ceux-ci doivent être dédommagés. Chacun de nous a des papiers d’autorisation. Nous ne sommes pas des occupants illégaux comme les gens le disent», a fait remarquer le vieil homme.

Rappelons qu’en décembre 1998, le régime militaire dirigé par feu général Lansana Conté avait démoli les habitations du site directionnel de Kaporo-rails… On se rappelle si comme c’était hier. Ce déguerpissement avait provoqué de l’émoi, de l’indignation et de la violence jusqu’à mort d’homme. La classe politique d’alors plus particulièrement l’opposition conduite par feu Bâ Mamadou s’était levée pour dénoncer ce qu’elle qualifiait d’‘’injustice’’. Des manifestations émaillées de violences et de désobéissances civiques, ont été organisées à cet effet. Des marches au cours desquelles, Bâ  Mamadou, leader de l’UNR à l’époque, a été arrêté et jeté en prison avant d’être gracié quelques mois plus tard.

Malgré les voix qui s’étaient levées et les déclarations de l’opposition, une partie de Kaporo-rails fut rasée. L’argument du gouvernement de l’époque, c’était d’aménager le site et y construire les édifices pour l’administration publique. Malheureusement,  le début des années 2000 fut marqué par le désordre. L’Etat et ses structures décentralisées, affaiblis par des multiples crises politiques, n’ont pu empêcher la « privatisation » des espaces publics qui s’est généralisée à l’ensemble de la ville de Conakry, plus particulièrement à la zone de Kaporo-rails où les mécaniciens et autres occupants vont revenir pour s’y installer.

En l’absence donc d’une véritable politique d’urbanisation et avec la montée en puissance de la corruption et du clientélisme dans la gestion de l’occupation de l’espace urbain, on assisté à un  retour  en force des occupants dits illégaux du reste du site directionnel de Kaporo-rails. Ainsi,  les habitations, les garages, les ateliers de tous genres, les gargotes et bien d’autres petits métiers vont se multiplier sur la zone. Certains déguerpis de 1998 ont profité de la crise sociopolitique qui a secoué le pays durant une décennie doublé du  silence du pouvoir public pour retourner sur le site sous les regards complices des chefs coutumiers, des chefs de quartier et de certains cadres véreux du ministère de la Ville.

La démission de l’Etat, une aubaine pour les chefs coutumiers et de quartier

Au début des années 80, la ville de Conakry était constituée d’un noyau urbain d’environ 16km. Mais depuis quelques décennies, du fait de l’occupation quasi continue de la périphérie urbaine avec le développement des fronts d’urbanisation au-delà des limites des zones couvertes en infrastructures, cette ville originale ne représente plus 16% de l’espace communale actuel. Cette extension urbaine rapide, sans planification et sans  infrastructures, est favorisée par la « démission » de l’Etat de ses missions régaliennes de construction et d’aménagement du territoire et par la montée et l’affirmation d’une élite foncière constituée par des autochtones qui ont régné en maîtres absolus des terres. Ces derniers se substituant au pouvoir public, procèdent à des « opérations d’urbanisme » motivées principalement par la spéculation foncière. Ils vendent les terrains privés et parfois les domaines appartenant à l’Etat aux tiers. Pire, les chefs de quartier, appuyés par des truands de démarcheurs, profitent de la lenteur ou du silence du pouvoir pour brader les espaces publics aux particuliers. Sinon comment est-il possible que malgré le déguerpissement de 1998, les zones réservées de l’Etat puissent être réoccupées ?

Qui des autorités et des anciens occupants de Kaporo-Rails et de Kipé2 a raison?

Lors de notre enquête, certains occupants déguerpis interrogés, soutiennent avec force qu’ils détiennent des titres fonciers délivrés par les autorités du ministère de l’Habitat aujourd’hui ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire. Seulement à part les quelques certificats ou attestations de donation, nous n’avons pu mettre main sur ces titres fonciers et autres documents légaux les autorisant à construire sur ces zones réservées. Et pourtant, tous soutiennent la main sur le cœur, avec insistance qu’ils ne sont pas des occupants illégaux  ni à Kaporo-rails ni à Kipé 2. Certains persistent et signent qu’ils ont acquis leurs domaines depuis des années 70 et 80 avec les chefs coutumiers et les propriétaires terriens. Ont-ils cherché à l’égaliser leurs domaines après acquisition? A cette question, ces acquéreurs insistent avoir obtenu les dossiers en bonne et due forme avec le département de l’Habitat et de l’Urbanisme d’alors. Ils demandent par conséquent aux autorités de les indemniser conformément au décret n. 211/PRG/SGG/89 du novembre 1989. Lequel décret dit en article 4, citation : «les occupants de ces zones seront déguerpis au fur et à mesure des besoins d’aménagement de la puissance publique. Ces occupants qui auraient mis en valeur leur fonds avant la date du 20 avril 1988. Ci-dessus indiquée, ne seront déguerpis que si l’Etat s’engage à les recaser et à les indemniser de la valeur de leur réalisation sur le fonds

Du côté du ministère de la Ville et de l’Aménagement, on est reste droit dans les bottes. Selon les autorités du ministère, il y a eu une campagne de sensibilisation. Les occupants ont été approchés, informés et sensibilisés pendant des mois avant de passer à l’acte. Des délégations conduites par le ministre s’étaient rendues sur le terrain après le passage des huissiers pour faire comprendre aux occupants la nécessité de quitter les lieux. Mais hélas ! Aucune de ces initiatives n’a pu faire plier les habitants de Kaporo-rails et de Kipé 2.

Tous ceux qui affirment avoir  les documents, les ont-ils obtenus à partir de la Direction de la Conservation Foncière, au département de la Ville et de l’Aménagement du Territoire? «Faux! Personne par ces occupants n’a obtenu un document à partir de nos services. S’ils ont les papiers qui les ont autorisés à s’installer sur ce site directionnel, qu’ils les présentent ! Il ne suffit pas de dire, j’ai des papiers. Il faut les montrer. Ces gens ce sont installés clandestinement. Ce sont des occupants illégaux. Je vous apprends que ces deux sites étaient marqués avec des plaques. Mais après le passage des agents, ils les ont déterrées et les ont jetées. Nous avons des archives officielles. Qu’ils viennent avec leurs «Titres Fonciers » s’ils en ont. Nous allons vérifier ! » C’est ainsi qu’un cadre des services de la Conservation Foncière, qui a bien voulu garder l’anonymat, nous a répondus.

Pourquoi maintenant ? Quelle urgence il y a pour raser en un laps de temps 953 habitations, 14 écoles et mettre dehors 10.786 personnes et 808 élèves en pleine année scolaire?

A cette question, on nous apprend dans les locaux du ministère de la Ville et de l’Administration du Territoire que « sur les 169 ha déguerpis, pousseront bientôt les bâtiments qui abriteront des ambassades, des ministères, des banques et autres services publics. » Et cela ne saurait tarder, selon les dires des autorités du ministère.

En tout cas, le ministre de la Ville et de l’Aménagement du Territoire, Dr Ibrahima Kourouma récemment interpellé à la faveur d’une des tournées de prise de contact avec les autorités des 5 communales de Conakry, a été on ne plus clair.

Nous vous proposons de revivre ici les éléments de réponse qu’il a apportés aux interrogations de la presse relatives aux sites de Kaporo-rails et de Kipé2 et à leur viabilisation, entre autres :

«Je pense qu’il faut dans un premier temps saluer les populations. Parce nous savons tous que le déguerpissement de 1998 de Kaporo-rails qui a été émaillé  de morts d’homme, et du côté des forces de l’ordre et du côté des populations. Aujourd’hui, ce déguerpissement de Kaporo-rails se passe, non sans heurts, dans les conditions les meilleures. En tout cas dans des conditions souhaitées par le Chef de l’Etat. Donc, je voudrais déjà saluer l’esprit civique des populations. Je tiens à préciser que ce déguerpissement que nous sommes en train de faire, concerne la zone qui a été dégagée et qui a été réinvestie par les populations. Les deux autres zones qui sont considérées comme des zones tolérées, je veux parler de la zone qui se trouve entre les rails jusqu’à la clinique mère et enfant, et la zone qui sépare les deux immeubles Welly Kakimbo jusqu’à l’autoroute Le Prince, sont des zones tolérées et  il n’y aura pas de dégagement à ces endroits-là.  Ce que nous touchons aujourd’hui, c’est ce qui a été dégagé et illégalement occupé par les populations. Il faut que cela soit clair, les 169 hectares qui avaient été dégagés et qui sont réinvestis par des gens de façon illégale, seront récupérés. Nous sommes obligés de faire en sorte que l’Etat récupère son dû. Les autres côtés qui n’avaient pas été dégagés et qui sont considérés dans le schéma comme étant des lieux tolérés, si leur dégagement doit se faire un jour, cela se fera sur la base de négociations avec les populations. Le Président de la République est très clair là-dessus. Je pense que les gens ont compris. C’est pourquoi il n’y pas trop de problème et c’est parce les populations savent, elles-mêmes, qu’elles sont venues occuper illégalement des lieux qui avaient été déjà dégagés.  Dès l’instant qu’il y a eu un dégagement qui a été fait, il faut que les gens comprennent que tout le monde a été informé. Même s’il n’avait pas l’information avant, ils savaient que c’est une zone déjà occupée.

Qu’est-ce qui est envisagé pour le recasement des familles qui dorment à la belle étoile?

Si l’Etat doit systématiquement fonctionner en faisant en sorte que les gens viennent s’installer de façon flagrante et illégalement dans une zone et puis  s’attendre à être dédommagés, cela ne marchera pas. Maintenant, si des gens se sont installés légalement et que l’Etat veut dégager, il va sans dire que l’Etat prendra sa responsabilité pour les dédommager. En plus, ce dégagement qui est en train d’être fait aujourd’hui, hors mis les communiqués, les gens ont été saisis par voie d’huissier pour qu’ils quittent.  Mais on a toujours cet esprit comme quoi l’Etat ne viendra jamais.

Qu’est-ce que l’Etat envisage pour viabiliser ces zones?

Soyez rassurés que les semaines qui vont suivre le déguerpissement, la zone va commencer à être viabilisée. A ce niveau-là, il y a des dispositions prises par le président de la République pour que dès que la zone est libérée, il y ait une occupation mais cette fois légale pour que les Guinéens retrouvent un vrai centre administratif. Les premiers ministères qui seront transférés, vont être les ministères de l’Education. Ensuite, il y a beaucoup d’Ambassades, de Banques qui sont déjà prêtes à investir sur cette zone. Il y a des privés aussi qui sont  décidés, dans le cadre du partenariat public-privé, à faire des investissements pour que cela soit loué par l’Etat.

D’autres zones sont-elles concernées par le déguerpissement

Oui, il y a d’autres zones. Le président de la République est très clair sur la question. On ne va pas faire du mal ni de violences aux populations ou encore les brimer dans leurs droits. Mais on fera en sorte que tout ce qui est domaine de l’Etat et qui est occupé par les populations, soit récupéré. Aujourd’hui, c’est Kaporo-rails et Kipé2. Mais avant, il y a eu d’autres domaines qui ont été récupérés. Il faut que les gens observent très bien… Quand il a été question de récupérer les terrains à la Cité Douane pour faire des logements sociaux, il n’y a pas eu de problème, à la Cité Police et à Enta, il n’y a pas eu problème. Dans ces zones, il y a eu un déguerpissement sans bruit,  sans heurts. Aujourd’hui, on fait beaucoup de bruits avec ce cas de Kaporail-rails. Mais il faut que les gens comprennent que ce n’est pas seulement ce quartier qui est concerné. Dès l’instant qu’il y a un domaine occupé par les populations illégalement, l’Etat récupérera. Pour le cas de Kaporo-rails,  personne sur cette zone ne vous montrera un papier qui soit un papier produit après le décret du président Lansana Conté. Je répète, tous les domaines de l’Etat vont être récupérés. Nous avons commencé par Kaporo-rails parce que c’est le centre directionnel et l’Etat est prêt à faire des investissements maintenant sur la zone. Et on ne peut pas tout le temps empêcher les investisseurs et l’Etat de travailler

Rappelons que depuis 2011, l’Etat guinéen a déclenché des opérations de déguerpissement pour  récupérer les domaines fonciers de l’Etat. C’est ainsi que les habitants des cités Douanes et Policières de Coléah ont été dégagés ainsi que ceux des deux tours jumelles de Boulbinet. Sans oublier les riverains de la décharge de Dar-Es-Salam et les habitations le long de la nationale 1 de Manéah à Kouria via Coyah. Les populations de Wannidara, les boutiques, les magasins, les kiosques et autres commerces installés sur les emprises des voies publiques ont aussi été détruits.

Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Depuis plusieurs décennies, le déguerpissement est pratiqué en Guinée comme un mode de régulation de l’espace urbain. A chaque période, dans la perspective d’une meilleure maîtrise du développement de la ville de Conakry, l’Etat a recours à ce procédé pour juguler les occupations illégales du domaine public. Encore ces dernières semaines, les autorités ont durci le ton en s’attaquant à des lieux populaires, symboles forts de l’occupation illégale. Bien sûr,  en suggérant une récupération des espaces publics déguerpis pour donner l’image d’une métropole moderne. Les villes de l’intérieur ne sont même plus en reste. A Labé, Siguiri, Kankan…, les services déconcentrés du ministère de la Ville, dans le sillage des opérations de récupération des réserves foncières de l’Etat, ont commencé à marquer des habitations illégales de croix rouges assorti d’avertissements pour leurs occupants.

L’occupation illicite des domaines publics, une triste réalité

Les opérations de déguerpissement se suivent et se ressemblent. Les espaces libérés sont aussitôt réoccupés. Un vrai travail de Sisyphe pour les autorités guinéennes. A Conakry et dans les autres grandes villes du pays, l’occupation anarchique des voies publiques est un véritable casse-tête. Evidemment, les populations n’apprécient guère ce phénomène qui relève parfois d’une indiscipline des occupants, mais aussi l’incapacité à faire respecter l’interdiction d’occuper le domaine public par les autorités compétentes.

C’est vrai. L’occupation anarchique du domaine public ne relève, malheureusement, pas d’une anecdote, bien au contraire. C’est un spectacle quotidien qui s’offre aux Guinéens. Là où ceux-ci s’attendent à une plus grande fluidité dans la circulation, ils ont des difficultés à se frayer un chemin. A certains endroits de la capitale tels que le tronçon Madina-Constantin (Route-Niger), c’est un parcours du combattant.

A regarder de près la situation, on peut aisément trouver des faiblesses dans les actions de libération du domaine public ou des voies publiques, squattés par les commerçants ambulants et autres brocanteurs. Et pourtant, il suffit d’une volonté politique et des actions audacieuses pour circonscrire le phénomène.

Les opérations rondement menées depuis des semaines par le ministre Ibrahima Kourouma ont été diversement appréciées par les populations. Elles ont eu au moins le mérite de libérer des espaces publics des griffes des « squatteurs ». On n’est plus à l’heure des récriminations. Il faut donc poser les vrais problèmes pour que les pouvoirs publics trouvent des solutions définitives. Il est admis par tous qu’en Guinée, le social pèse énormément sur les décisions politiques. Malheureusement, l’attitude des autorités guinéennes confirment le constat parce qu’elles fléchissent toujours. Après moult interdictions, les « squatteurs » des lieux publics reviennent toujours s’installer. Sinon, qui pensait qu’après les évènements de 1998 sur le site directionnel de Kaporo-rails, les gens allaient revenir s’installer sur les mêmes zones relevant du patrimoine foncier de l’Etat?

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