La Poste de Guinée est très malade. C’est le constat que nous avons fait dans le cadre d’une enquête réalisée au niveau des anciens bureaux de poste à travers la ville de Conakry et dans les villes de l’intérieur. Sur le terrain, la quasi-totalité des bureaux sont en ruine, s’ils ne sont pas transformés en magasins de commerce ou en agences des banques primaires. A la Direction de l’Office de La Poste Guinéenne, c’est le silence absolu face à l’agonie de ce grand service public par excellence. Que se passe-t-il ? Les responsables se beurrent-ils sur le cadavre de La Poste ou se battent-ils pour lui insuffler un second souffle ?
Poste de Kipé (Centre Emetteur). C’est le nom du bureau de poste du quartier de Kipé qui servait les zones de Kaporo-Rails, Nongo, Lambayi…. Ce bureau n’existe plus. En lieu et place, des kiosques à café et des kiosques des jeux de hasard ont poussé. Vendu à une banque de la place puis ensuite à un particulier, le terrain est aujourd’hui abandonné aux mains des voyous qui en ont fait leur nid… Lors de notre passage la semaine dernière sur ce site, c’est une zone assiégée par les mototaxis et autres fumeurs de chanvre indien que nous avons vue. Les locataires ayant quitté les lieux depuis belle lurette.
Si le bureau de Kipé ne représente pas un problème majeur, du fait de l’absence de population dans la zone, ce n’est pas le cas en ce qui concerne d’autres bureaux comme, à Sangoha, dans la commune de Matoto; le bureau de poste de Madina, à Matam et ceux qui existaient dans les villes de l’intérieur du pays. La vente de ces bureaux aux commerçants et aux établissements bancaires, est le signe d’un service mort qui a laissé bon nombres d’usagers dans le désarroi et déversé un grand nombre de travailleurs dans la rue.
A Madina-Sig par exemple, un ancien receveur des postes, rencontré sur les lieux d’un incendie, en début du mois, nous a confié que le site qui a pris feu appartenait à La Poste Guinéenne mais était baillé à un riche commerçant par la junte militaire:« c’était l’ancien bureau de la Poste. Mais il a été baillé pendant la transition. Même le petit bureau réservé a été transformé en quincaillerie avant de devenir boutique de vente de téléphone. On ne sait pas où vont les frais de location. Maintenant que tout ceci est parti en fumée, on se demande comment ça va se passer », s’interroge le vieux retraité, avant d’évoquer des problèmes de trésorerie.
« Depuis longtemps, la poste Guinéenne broie du noir. Nous avions de récurrents problèmes de trésorerie et la crise en a rajouté à cette situation », déplore-t-il.
A Kankan et à Siguiri, selon les enquêtes menées sur le terrain, les anciens bureaux de La Poste Guinéenne ne fonctionnent plus. Ces espaces auraient été vendus aux vendeurs des pièces détachées autos, avant d’être bradés à une banque primaire de la place. Ainsi, les anciens bureaux de La Poste dans cette partie de la Guinée, sont transformés en agences de banque. A quels prix ? Aucune information n’a filtré à ce sujet. Les riverains interrogés affirment que ces terrains ont été cédés depuis des décennies.
« Ces bureaux de Poste étaient longtemps restés fermés avant d’être vendus aux importateurs de pièces détachées et à des pneumatiques ! Après on a dégagé les commerçants pour l’aménager au profit d’une banque de la place qui y a installé ses agences. A Siguiri ici on ne parle plus de La Poste », tranche notre interlocuteur.
Dans les autres villes, si les bureaux existent encore, ils sont hermétiquement fermés, abandonnés dans la broussaille et devenus le nid des lézards et autres reptiles. Des bâtiments en ruine devenus repères des bandits qui y squattent ou des anciens gardiens qui en ont fait leurs logis.
Au siège de La Poste à Kaloum, au quartier Almamya, les agents rencontrés évoquent toute sorte de difficultés. Selon l’un des agents interrogés, le mercredi 19 février dernier, certains produits comme les timbres postaux et les boîtes postales ne marchent plus.
« Les gens préfèrent le courrier électronique. Allez visiter le centre des tris postaux ! C’est une vraie poubelle ! Dans les boites postales, ce sont des toiles d’araignée à la place des courriers…. C’est pour dire à quel point l’Etat a abandonné son premier service de prestation…Les salaires ? C’est la catastrophe. Nous vivons une misère qui ne dit pas son nom… Rien ne va ici. Tous ceux qui ont eu de bonnes initiatives ou de bons projets ont été découragés. Et pourtant, certains parmi eux ont abandonné femmes, enfants et bons boulots avec des salaires respectables pour venir ! Il n’y a aucune lueur d’espoir ici. La Poste Guinéenne est malade. Si rien n’est fait d’ici peu, elle disparaitra », conclura-t-il, comme pour dire que La Poste Guinéenne reste cette grande malade qui attend un traitement de choc.
Des innovations en vue?
A la Direction où nous nous sommes rendus le vendredi après-midi, on nous a fait entendre que des efforts ont été fournis pour résister jusqu’ici et aussi que des projets et autres stratégies sont engagés sur le terrain pour donner un second souffle à La Poste Guinéenne. Ainsi, selon le directeur général, pour redynamiser le service, il a été question de procéder à une restructuration au niveau de l’effectif des travailleurs. Cet effectif pléthorique de 375 travailleurs sera alors réduit à108. Qui deviendront d’ailleurs tous des contractuels. Les autres étant reversés comme fonctionnaires à la Fonction Publique. Ayant revu à la baisse le nombre de travailleurs, il va falloir changer de statut. C’est ainsi, selon le patron de l’Office de la Poste Guinéenne qu’un avis d’appel d’offres sera fait pour le recensement du patrimoine. A l’issue duquel l’OPG deviendra Société Anonyme avec tous les avantages qui s’y attachent.
On assistera alors, toujours aux dires des responsables de l’OPG, à la restauration des réseaux pleine production. D’où celle des trente-cinq bureaux et la diversification des produits de service tels que des courriers, des cartes postales, tous désormais sécurisés. Mais pour réussir cette politique il va falloir penser à la formation. La direction conduite par Diallo Mohamed Lamine va alors mettre l’accent sur la formation des jeunes cadres. Un centre de formation sera mis sur pied à cet effet.
A l’OPG, selon son directeur général, ça ne dort pas comme beaucoup le pensent. Pour lui, il est mieux de poser des actes que de parler. Comme quoi, le moment de communication viendra. Sinon La Poste Guinéenne fait son petit bout de chemin. L’objectif de développer la logistique, c’est-à-dire renouveler le parc-auto, avoir de nouvelles prestations, tels que le transit, la vente de téléphones, des services bancaires avec certaines banques commerciales de la place….Tous ces objectifs seront atteints à écouter le Directeur général qui reste confiant et optimiste, bien que selon lui, l’OPG ne fonctionne que sur fonds propre sans la subvention de l’Etat.
Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. L’OPG est aujourd’hui abandonnée. C’est un Office mal en point dont les travailleurs végètent sur les bancs de café noir en compagnie des déflatés de la défunte SOTELGUI. C’est un service à l’agonie et pourtant ses sites sont toujours exploités. Où vont donc les sous issus des locations, des bailles ? Pourquoi le gouvernement abandonne-t-il un tel service pourvoyeur d’argent ? Autant de questions qui restent pour le moment sans réponse.