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Dossier – Naufrage de la Sotelgui : Le dessous des cartes, le ministre Mamy mis à l’index !

Nombre de Guinéens se demandent sur le mobile réel de la fermeture de la Société des télécommunications de Guinée (SOTELGUI). Cet opérateur historique figurait pourtant en bonne place sur la liste des pays de la sous-région en termes de télécommunications, pour avoir réussi sa restructuration et sa privation, mais aussi à introduire la téléphonie cellulaire GSM (Global system for mobile).

Seule sur le marché jusqu’en 2005, la Sotelgui, à cette époque précise, disposait d’un parc de 157.000 abonnés. Une situation de monopole qui va prendre fin avec la loi du 8 septembre 2005, obligeant ainsi la société à engager d’importants efforts d’investissement et de marketing pour résister à la concurrence.

A travers ces efforts, le nombre d’abonnés mobiles connait une nette majoration avant d’atteindre 668.000 abonnés, soit plus de 4 fois son niveau de 2005. Mais, avec l’arrivée de grands groupes sur le marché, notamment Areeba (qui deviendra MTN au fil des ans), Orange et Cellcom, la Sotelgui, avec son réseau Lagui, perdra progressivement sa position de leader sur le marché.

Il est important de rappeler que ces opérateurs sont de dimension mondiale, bénéficiant de l’effet de groupe et des économies d’échelle, et capables de faire face aux investissements capitalistiques qu’exige la croissance des activités dans le secteur. C’est du moins l’avis d’Elhadj Mamadou Pathé Barry, membre fondateur de la Sotelgui, qui le mentionne dans son ouvrage intitulé « Sotelgui: de la coopération sud-sud au portefeuille de l’Etat (1993-2013) ».

Causes de fermeture de la Sotelgui

Président du Conseil d’administration de la Sotelgui au moment des faits, Ismaël Baldé impute la principale raison ayant prévalu à la fermeture de cette société à la « mal gouvernance » qui l’a caractérisée. Car, révèle-t-il, avec un coût de fonctionnement beaucoup plus élevé que la rentabilité, il va de soi que la société se dirige tout droit vers la faillite.

« Et c’est ce qui a prévalu en grande partie à la faillite de cette société », soutient notre interlocuteur qui poursuit en disant que ce coût de fonctionnement gravitait autour de 30 milliards GNF, alors que les recettes n’avoisinaient pas les 12 milliards GNF.

Enjeux liés à cet état de fait

Rappelant le statut d’entreprise publique de la Sotelgui, M. Baldé indique qu’il n’y avait pas assez de contrôles au sein de l’entreprise. Cela, tant au niveau de l’emploi, du recrutement du personnel, que de la gestion du réseau. En gros, aucun contrôle par rapport au fonctionnement au quotidien de cette entreprise qui a été pourtant le deuxième opérateur des Postes et télécommunications de la sous-région ouest africaine, après le Ghana, selon ses dires.

Moustapha Mamy Diaby pris pour responsable dans le naufrage de la Sotelgui

Se tenant droit dans ses bottes, l’ancien président du Conseil d’administration de la Sotelgui accuse en premier chef l’actuel ministre des Postes et Télécommunications et de l’Economie numérique d’être responsable de cette prématurée fermeture de la Sotelgui.

A en croire M. Ismaël Baldé, alors directeur de l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT), c’est Moustapha Mamy Diaby qui était censé – puisque c’était une structure publique – fournir du carburant à la Sotelgui pour permettre à celle-ci de fonctionner sous subvention.

« Mais il a coupé le carburant. Et il s’est fait nommer par le président de la République comme président du Comité de gestion de la Sotelgui. A l’époque, lui, Moustapha Mamy Diaby et moi avons été reçus par le président Alpha Condé. J’ai donné ma version. Moustapha Mamy Diaby a aussi donné la sienne. Et finalement, c’est celle de Moustapha Mamy Diaby qui a prévalu par rapport à cette question », relate Ismaël Baldé.

Les mises au point du ministre Mamy Diaby

Dans le souci de recouper l’information, nous avons joint au téléphone le mis en cause pour avoir sa réaction à l’accusation portée contre sa personne. Mais Moustapha Mamy Diaby n’a pas voulu apporter plus de commentaires à cette accusation, préférant plutôt nous confronter aux textes de lois qui régissent le fonctionnement de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications.

« Je n’ai pas l’habitude de commenter ces choses-là. Vous êtes un professionnel. Regardez les textes d’une Autorité de régulation des postes et télécommunications. Ça vous permettra de savoir est-ce qu’elle a vocation d’intervenir dans la gestion d’une entreprise régulée. C’est comme si on demandait à l’Autorité de régulation de fournir du carburant à Orange », a banalisé notre interlocuteur au bout du fil.

La Guinée, l’unique pays à n’avoir pas un réseau de souveraineté

C’est une honte pour le pays que de n’avoir pas un réseau de souveraineté. Pis, aux dires de l’ancien président du Conseil d’administration de ladite société, la Sotelgui qui a été fermée, valait au bas mot 500.000 millions de dollars US, si elle devait être privatisée de manière partielle.

« Ceux qui ont été derrière cette fermeture avaient un agenda caché. Et cet agenda n’a malheureusement pas prospéré. Aujourd’hui, nous n’avons ni la société ni autre chose », regrette-t-il, tout en rappelant que tout pays qui se veut serein et sécurisé, et qui n’a pas d’opérateur historique, est voué à être espionné. Puisque quand c’est le cas, évalue Ismaël Baldé, les appels téléphoniques du président de la République et ceux des ministres en charge des départements stratégiques comme la Défense nationale et la Sécurité doivent passer par ces canaux-là.

« Or, aujourd’hui, nous n’en avons pas. Ce sont des plateformes étrangères, notamment Orange, MTN et Cellcom qui sont censées filtrer les communications du chef de l’Etat, les appels téléphoniques du Premier ministre et de l’ensemble des membres du gouvernement. Ce qui est fort malheureux », condamne M. Baldé.

Pourquoi la suppléante de la défunte Sotelgui a-t-elle du mal à démarrer?

En lieu et place de la relance de la Société des télécommunications de Guinée, les autorités guinéennes ont songé à la création d’une nouvelle société dénommée Guinée Télécoms (GuiTel), dont le lancement se fait attendre depuis bien des années depuis la fermeture de la Sotelgui.

Interrogé sur le lancement de ce nouvel opérateur devant remplacer la Sotelgui, le ministre Diaby a dit s’abstenir de commenter ces « rumeurs-là », selon ses propres termes. « Je préfère ne pas parler de choses comme ça à distance. Non! », a-t-il décliné. Téméraire, nous avons enchaîné avec cette autre question: « Pouvons-nous passer au bureau demain pour parler de ce sujet avec vous? », a-t-on formulé en guise de requête. « Pas avec moi! Vous avez les directeurs nationaux. Vous pouvez leur poser la question, s’il vous plait »,  nous a suggéré M. Diaby au cours d’un bref entretien téléphonique.

Or, interpellé le lundi 21 janvier 2019 – au cours d’une conférence de presse – sur l’avenir de cette société étatique, le patron des Postes et Télécommunications et de l’Economie numérique s’était montré plutôt catégorique : « La Sotelgui a été dissoute », avait alors coupé court le conférencier, ajoutant par la suite qu’une nouvelle société a été créée et qu’on appelle « Guinée Télécoms », dont le directeur général a même été nommé.

 « Sur le plan juridique, la Sotelgui n’existe pas. Tous les anciens travailleurs de la Sotelgui ont été réglés conformément à la loi. Ils sont passés devant l’Inspection du Travail. Ils ont reçu leurs droits conformément à la loi. Personne ne vous dira qu’il est travailleur de la Sotelgui. Il vous dira peut-être qu’il est ancien travailleur de la Sotelgui. Et il n’y a aucune relation conflictuelle entre l’Etat et ces travailleurs » avait-il fait remarquer.

Dressant, plus loin, les caractéristiques de la nouvelle société, le ministre Diaby avait laissé entendre qu’il s’agit là d’une entité numérique aux statuts nouveaux, aux réalités nouvelles et à un contrat de lancement tenant compte des réalités actuelles du marché.

« Il ne sert à rien de faire un lancement politique et de fermer en un mois. Il faut s’assurer que tous les ingrédients sont là pour que quand on lance, qu’on soit un concurrent sérieux devant les entreprises qui sont là, qui performent et qui affichent des résultats enviables par rapport à certains opérateurs de téléphonie », avait-il conclu avec ce dossier, ce jour.

Du squattage présumé des équipements de la Sotelgui par d’autres opérateurs

Au regard du fort taux de pénétration qu’avait l’opérateur historique, s’étendant sur les 33 préfectures qui composent l’étendue du territoire national, en plus des cinq communes de Conakry, l’ancien président du Conseil d’administration de la Sotelgui nous apprend que dans l’arrière-pays, les équipements de la Sotelgui sont actuellement squattés par des opérateurs privés, citant nommément deux d’entre eux.

« Que sont devenus ces investissements-là? Selon mes informations, ce sont Orange et MTN qui sont en train de les exploiter au détriment du peuple de Guinée », nous révèle Ismaël Baldé.

De cette information, l’actuel directeur général de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications dit n’être pas informé. « Premièrement, je ne suis pas au courant (de cela). Et deuxièmement, en ce qui concerne le partage des infrastructures, ce sont des contrats qui sont signés entre opérateurs. Donc, aujourd’hui, la Sotelgui n’existant pas, ça ne relève pas du régulateur: ça relève du ministère des Postes et Télécommunications, pas de nous. Donc, s’il y a des contrats qui ont été signés, nous, nous n’avons rien à voir dedans. Si c’était un problème entre Orange et MTN, ils viendraient vers nous. Mais aujourd’hui, la Sotelgui n’est pas un opérateur en fonction. Donc, je ne peux rien dire par rapport à cette société », a clarifié M. Antigou Chérif.

Du plan social

A la demande de la Commission interministérielle, le gouvernement guinéen a fait appel aux institutions de Bretton Woods, en particulier la Banque mondiale, en vue de voler au secours de la Sotelgui.

« C’est ainsi que le 8 octobre 2012, une requête a été adressée à la Banque mondiale pour lui demander son assistance pour le recrutement d’une maison spécialisée pour assurer la gestion transitoire de la Société des télécommunications de Guinée », fait noter M. Pathé Barry, ingénieur-économiste doublé d’écrivain, par ailleurs, ancien travailleur de la Sotelgui.

« Ceci était comme une répétition de l’histoire. Car, rappelle-t-il, en 1992, le gouvernement avait encore fait appel aux institutions de Breton Wood, en particulier la Banque mondiale, qui avait alors demandé à son agence de financement concessionnel (IDA) de voler au secours des télécommunications en Guinée. Toute chose ayant conduit à la création – en 1993 – de la Sotelgui. Puis, à sa privatisation en 1995″.

En réponse donc à l’appel du 8 octobre 2012, la Banque mondiale a recruté un consultant en 2013 pour la préparation d’un Plan social pour la société. En application de ce plan social, un protocole d’accord a été signé en mai 2013 par l’ensemble des acteurs, notamment la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (Cntg), le Syndicat de la Sotelgui et l’Inspection générale du Travail.

Vu la sensibilité du sujet dans un contexte où le gouvernement guinéen menait une politique de promotion de l’emploi, l’opérationnalisation de ce Plan social, qui nécessitait alors beaucoup de précautions, a au moins été effectuée avec succès, malgré quelques difficultés de mise en œuvre.

Après l’exécution du Plan social, s’en est suivie la fermeture des locaux de la Sotelgui sur l’ensemble du territoire national. Conséquemment, la relance des activités de la Sotelgui se positionnait, alors comme l’un des plus importants défis du gouvernement dans le secteur. Un défi d’autant plus important qu’il sera difficile, en toute hypothèse, que l’Etat, son actionnaire unique, puisse faire face à cet effort avec les contraintes budgétaires que connait le pays.

Aussi, était-il indiqué de décider de l’ouverture du capital de la Sotelgui en direction d’un partenaire capable d’apporter les ressources financières requises et d’être porteur d’un projet de développement pour l’entreprise. Hélas! L’on assistera à l’abandon de ces laborieux bâtisseurs de l’une des plus grandes entreprises économiques qu’a connues la Guinée depuis son indépendance en 1958, ces professionnels de plusieurs métiers, des métiers qui sont aujourd’hui le socle des technologies de l’information et de la communication, dont les services innovants ont révolutionné notre mode de vie et rapproché les citoyens du monde.

Il s’agit bien de ces acteurs de développement qui ont fait la fierté de tout un peuple, pendant les plus beaux jours de la Sotelgui. Des travailleurs capables des merveilles tout aussi troublantes qu’effarantes, qui sont désormais tous poussés vers la sortie. Or, un Etat sans opérateur téléphonique historique, est un Etat voué à tous les risques.

Coût social

Les nombreuses gerçures nées d’une stratégie managériale qui n’a pas pris en compte tous ces facteurs de risque en interne et dans l’environnement concurrentiel futur, ont inexorablement engendré la fermeture de ce géant économique de la Guinée. Puis, le déclenchement d’un processus qui finit par conduire l’ensemble du personnel de la Sotelgui vers la sortie.

Selon nos informations, il y avait au total 1200 employés qui ont été, du jour au lendemain, remerciés. Ceci a « précipité » la mort de certains travailleurs, dont la situation venait de basculer. Il y a eu de nombreux autres phénomènes sociaux également, dont des cas divorce, la vente des biens matériels, etc. Véritable catastrophe sociale.

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