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Dossier – Guinée – Gestion opaque des entreprises publiques : Alpha Condé et Kassory face à l’histoire

Le Fonds Monétaire International (FMI) lors de sa revue du programme avec la Guinée au premier semestre 2018, a noté que les comptes de l’Etat étaient déficitaires fondamentalement dû à la mal gouvernance. Dans son rapport, l’institution de Breton Woods a recommandé à la Guinée d’augmenter ses revenus par l’élimination de la taxe spéciale sur les produits pétroliers (TSPP) et par l’accroissement de la taxe spéciale sur les produits miniers (TPM) afin de booster les ressources intérieures ; mais, ce rapport focussait une levée de bouclier sur la corruption dont les impacts négatifs sur l’économie guinéenne dépassaient tous les records jusque-là atteints. Selon certains des experts du FMI, il est incompréhensible, voire inacceptable pour les populations que l’exploitation minière notamment celle fortement liée à la bauxite augmente alors que les revenus en matière de taxe minière ne suivent pas ou sont mal représentés sur le TOFE (tableau des opérations financières de l’Etat). Quel paradoxe !

C’est dans ce cadre que le gouvernement sans mesures préalables de sensibilisation et d’échanges avec les partenaires sociaux, a augmenté unilatéralement le prix des hydrocarbures de 8 000 GNF à 10 000 GNF, soit une augmentation de 25%. Cette augmentation a provoqué l’émergence d’une nouvelle dynamique sociale au motif de « défendre » les populations contre la précarité galopante imposée par les autorités sous l’appellation de « forces sociales de Guinée » constituées de syndicats et des organisations de la société civile. Conséquence, l’économie déjà laminée par une mal gouvernance entretenue au haut sommet de l’Etat subit un ralentissement, fragilisant le peu d’amélioration exhibée au travers de notoires effets d’annonces.

En lieu et place d’un schéma d’apaisement qui aurait réduit drastiquement les dépenses de l’Etat, le gouvernement a opté pour une stratégie de résistance et de l’usure. Dans l’hypothèse où il avait pris l’option de réduire ses dépenses, notamment la mise en place des mécanismes de réduction de la dissipation des fonds au niveau des entités étatiques, les populations auraient certainement accepté sans coup férir la démultiplication de leurs charges domestiques accentuée par l’augmentation du prix du carburant à la pompe. L’impact de la mal gouvernance des entreprises publiques sur les revenus de l’Etat aurait également dû être mitigé pour libérer des fonds supplémentaires sur le budget de l’Etat et lui permettre d’orienter les ressources vers d’autres services sociaux de base.

C’est pourquoi, votre quotidien électronique Guinéenews© tente de revenir ici sur la gestion opaque des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), des sociétés anonymes et celles mixtes. Si la gestion de ces entreprises était convenante conformément à la loi L056 relative à leur gouvernance, l’Etat aurait engrangé des centaines, voire des milliers de milliards au trésor public guinéen permettant ainsi de combler son déficit de ressources financières et investir dans la réalisation des infrastructures routières et sociales. Les mêmes experts font remarquer que si les comptes de l’ARPT (autorités de régulation des postes et télécommunications – environ 400 milliards de francs guinéens) n’avaient pas été mis à contribution pour réduire l’entendu du déficit, la Guinée n’aurait pas bénéficié de la facilité récemment accordée par le FMI (25 millions de dollars américains) ; l’état de latence du FER (fonds d’entretien routier), une EPIC liée directement à la gestion de la TSPP (taxe spéciale sur les produits pétroliers) est révélatrice d’une gestion opaque et inefficiente, voire même crisogène. La question que l’on se pose est la suivante : A l’heure où les populations souffrent du désenclavement par le fait que les ponts cèdent au jour le jour, les routes et pistes rurales mal entretenues se dégradent massivement, qu’elle est l’utilité de cette société d’Etat qui n’existe que par son sigle ?

Avant d’en donner quelques détails, parlons globalement de l’impression que l’on a des entreprises appartenant à l’Etat ou bien là où il est actionnaire.

Statuts mal adaptés aux activités et à l’utilité publique

Les statuts des entreprises publiques sont pour la plupart disparates et souvent incompatibles avec l’activité ou l’objet justifiant leur existence. Elles sont autonomes sur le plan des opérations et financièrement indépendantes ; chacune d’entre elles, est dotée d’un conseil d’administration (CA) au sein duquel tous les départements intéressés par l’activité ou l’objet de l’entité y sont représentés. Les régies les plus emblématiques de cette contradiction sont l’ARPT, le FER, la LONAGUI (loterie nationale de Guinée) l’OGP (office guinéen de la publicité), l’OGC (office guinéen des chargeurs), etc., pour ne citer que celles-là. Selon les statuts de certaines d’entre elles, lorsque les résultats sont positifs, le trésor public doit systématiquement encaisser des montants représentants des dividendes et autres revenus entendus. Si les dividendes sont payés, leur intégrité reste un cas d’école ! Comptabilité mal tenue en raison de l’incompétence et la corruption entretenues par les directions générales soutenues par des « parrains » proches du pouvoir central contre espèce sonnante et trébuchante. Si l’ARPT, le LONAGUI, l’OGC…reversent au trésor public en plus des dividendes des taxes ou redevances sous-estimées prélevées sur l’exploitation privées des secteurs contrôlés par l’Etat, d’autres ne le font presque pas. Pour les premiers, non seulement le mode de calcul de ces taxes ou redevances est au déséquilibre de l’Etat, mais aussi, très souvent, les montants mobilisés sur les caisses du trésor public sont souvent repartis entre les ministres et les directeurs généraux. Revenons-en aux statuts des entreprises publiques.

Substantiellement, que disent les lois L075 et L056 sur la gouvernance financière des EPIC et autres ?

La loi L075 entend par organisme public, les établissements à caractère administratif (EPA), les sociétés publiques dans lesquelles l’Etat est actionnaire à 100%, les EPIC (établissements publics à caractère industriel et commercial), les sociétés anonymes unipersonnelle, celles où l’Etat détient 100% du capitale,  les sociétés mixtes dans lesquelles l’Etat détient au moins 50% des actions. En effet, la loi impulse différemment les modalités de contribution financière de chacune de ces structures à l’Etat au travers de leurs statuts, ainsi que de leur gouvernance.

En ce qui concerne les sociétés mixtes, c’est le conseil d’administration qui décide du niveau de la contribution financière au budget de l’Etat. De fait, le législateur a évité d’imposer un montant prédéfini à cette catégorie de sociétés pour tenir certainement compte du fait qu’elles évoluent sur des marchés dynamiques et victimes de concurrence sournoise par l’ouverture virtuelle de l’espace des affaires. Toutefois, les ministères des finances et du budget, dans l’optique de la mobilisation de fonds, auraient dus passer des contrats de performances avec les dirigeants de ces entreprises pour orienter leur effort à abonder les caisses du trésor public en réduisant les coûts  superficiellement gonflés et la maîtrise  de leurs activités. Ceci aurait contribué potentiellement à réduire le déficit criard sur le budget national.

Plus loin, l’article 52 de la loi L056 répertorie que le contrôle des EPA est assuré par le contrôleur financier, l’inspection générale d’Etat, l’inspection générale des finances  et en dernier ressort la cour des comptes. Mais dans la pratique, le contrôle des EPIC et les Sociétés Anonymes Unipersonnelle (SAU), est fait généralement par un analyste/évaluateur qui ne devrait être que la direction nationale du portefeuille et des investissements privés représentant la tutelle financière. Ce dernier (ce qui est un changement de la loi L075) fait naturellement un suivi et une évaluation très classique inopérante des performances des sociétés d’Etat et ne dispose aucun levier d’alerte sur la mauvaise gestion du patrimoine de l’Etat. Pire, elle n’engage en général aucune opération de vérification indépendante sur pièces concernant les chiffres ou données à lui communiquer. Il est par ailleurs constaté que dans certaines entreprises d’Etat, le contrôle est assuré par un commissaire aux comptes recruté non pas par l’Etat mais par la direction de l’entreprise publique concernée. De ce fait, le commissaire aux comptes bien qu’indépendant et légalement reconnu par les textes de loi régissant sa profession peut-il-être « indépendant » vis-a-vis de son employeur lorsque celui-ci entorse les principes de gestion pour détourner les ressources de l’entreprise ? Très souvent, les commissaires aux comptes « maquillent » les anomalies de gestion constatées sans signifier l’utilisation abusive des fonds à des fins privées ou autres que ceux auxquels ils sont destinés ; d’où une certification fantaisiste des comptes par certains commissaires ; d’autres en revanche, couvrent la tenue d’une double comptabilité pour cacher la réalité du patrimoine de l’entreprise à l’Etat.

Dans la plupart de ces entreprises, c’est le CA qui décide du montant des dividendes à verser sur proposition de la direction. Le ministère des finances représenté au sein du conseil d’administration approuve la délibération avant la mise en œuvre du procès-verbal (PV) des décisions prises lors du conseil d’administration. Ce qui signifie que ce dernier détient un droit de véto et de facto peut théoriquement exiger l’augmentation du niveau des dividendes ou décider de l’utilisation des revenus de l’entité visée pour une soutenabilité financière des actions publiques nécessitant des appuis urgents. Cependant, le ministère monnaie très souvent ce droit de véto et favorise conséquemment les pratiques mal saines au sein des entreprises publiques. Alors que les deux lois, complémentaires, régulent parfaitement le mode opératoire des entreprises publiques, notamment la loi L056 qui réduit l’étendu du pouvoir du CA des EPIC en ce qui a trait à la fixation du montant des dividendes à verser à l’Etat.

Avis d’un praticien des entreprises publiques, verbatim

« Toutes les entreprises publiques (EPA, EPIC) sont des tiroirs caisses des directeurs généraux et leurs soutenants proches du pouvoir (parrains qui couvrent leur forfaiture moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes) et des membres des conseils d’administration. Ces derniers ne jouent par correctement leur rôle car ils sont intéressés seulement par la protection de leurs intérêts égoïstes au détriment de ceux de l’Etat.  Il vous souviendra que la ministre de l’économie et des finances sortante avait fait des réformes allant dans le sens de la moralisation des recettes conformément à la loi L056 relative à la gouvernance financière et la gestion des finances publiques. Mais l’application de ces réformes, suggérées par les partenaires techniques et financiers tardent à se matérialiser concrètement sur le terrain à cause des intérêts mercantiles de certains directeurs de ces établissements publics et leurs complices qui rôdent au tour du pouvoir central », affirme un autre commis de l’Etat apparemment amer contre de tels actes qui ne font qu’asphyxier l’économie guinéenne.

L’inertie de l’Etat face à l’hégémonie du parti au pouvoir sur la prise en otage des entreprises d’Etat

Le président Alpha Condé, depuis son avènement à la magistrature suprême, s’est toujours lamenté de n’avoir pas de cadres allant jusqu’à dire qu’il ne les connaissait pas. Mais, avec le temps, il s’est parfaitement acoquiné avec les mêmes cadres pour l’aider à « développer » le pays avec une pratique de corruption à outrance jamais égalée depuis mathusalem. De sorte que malgré la gabegie financière qui s’y passe, ayant les mains liées et malgré ses louvoiements, il n’arrive ni à sanctionner ni à poursuivre en justice pour corruption et détournement des deniers publics encore moins à trouver des astuces pour dénicher des vrais cadres en lieu et place de ceux tordus. Au contraire, il fait la promotion de certains commis de l’Etat que les critiques qualifient de « médiocres » et qui sont « trempés » dans des malversations ; ceux-ci se sont enrichis sur le dos des Guinéens ordinaires dont la souffrance a atteint son paroxysme. Ce qui rend improductif l’administration publique guinéenne avec des gens à la fois fonctionnaires et affairistes, les mettant du coup au dessus des institutions de la république. L’impunité qui a toujours été érigée en système de gouvernance en Guinée, fait qu’en dépit des réformes économiques engagées ça et là, aucun impacte n’est visible sur les ménages. Seuls les spécialistes du détournement sont promus car ils ne savent que confiner la richesse nationale dans leur poche et s’en foutent que les Guinéens continuent à tirer le diable par la queue. Il est moins aisé en se promenant à Conakry de constater que certains commis de l’Etat, notamment ministres, anciens ou nouveaux, directeurs généraux des EPIC et EPA directeurs administratifs et financiers vivent dans un luxe insolent, vivant largement au dessus de leurs moyens dans des réalisations insolentes à Conakry et à l’extérieur du pays où beaucoup d’entre eux détiennent non seulement des maisons mais aussi d’importants capitaux placés dans des banques étrangères. Si les structures de contrôle de l’Etat fonctionnaient normalement sans interférence du sommet, le gouvernement aurait traqué ces biens et les reverser au compte de l’Etat comme le Nigeria et l’Angolais l’ont fait récemment.

A cela, il ne faut pas occulter que chaque directeur général (DG) nommé par décret à la tête d’une entreprise d’Etat, s’estime fondé à utiliser les fonds de l’entreprise comme bon lui semble parce que le soutien de sa communauté, du parti au pouvoir et de ses accointances avec les conseillers du parti au pouvoir lui font croire que « c’est leur tour ». En général, ces DG n’ont ni le profil adéquat, ni la qualification pour gérer une entreprise publique. Certains d’entre eux, n’avaient jamais travaillé avant l’avènement de Alpha Condé à Sekhoutoureya. La seule compétence qu’ils réclament, c’est leur appartenance au parti au pouvoir ou à leur communauté. La plupart des régies financières sont gérées par eux. Il en est du cas du FER, dont la mauvaise gestion se traduit par l’état dégradant des routes, des pistes rurales inaccessibles et des ponts qui cèdent au jour le jour.

L’inefficacité et l’absence d’efficience dans la gestion du fonds d’entretien routier (FER) – Où va ce fonds estimé à des centaines de milliards par mois tirés de la vente du carburant à la pompe ?

Pour démontrer la mauvaise gestion des entreprises publiques à caractère industriel et commercial, nous avons mis l’emphase sur la gestion du FER au regard de la dégradation poussées de nos routes et ponts causant non seulement des accidents mortels mais aussi la perturbation du réseau routier guinéen et la baisse des activités économiques. L’on n’a point besoin de porter les lunettes pour comprendre que depuis un certain temps, nos ponts chutent à bien des endroits et désenclavent certaines localités ou préfectures.

Depuis sa nomination, le nouveau ministre des travaux Moustapha Naite en collaboration avec des cadres techniques est à pieds d’œuvre pour faire face aux travaux d’urgence. Si le FER jouait correctement son rôle, sachant que les fonds n’y manquent pas (le carburant est acheté tous les jours à la pompe par les automobilistes), il aurait pu entretenir progressivement nos ponts et routes conformément à sa vocation avant qu’ils ne soient dans l’état dans lequel ils sont de nos jours. Mais hélas, ce fonds d’entretien routier qualifié même d’insuffisant, est plutôt détourné de sa vocation pour être destiné  à financer certaines activités politiques ou des intérêts  personnels. A rappeler que le FER est une caisse qui sert à financer l’entretien de nos infrastructures routières. Très souvent, les techniciens du ministère des transports font la planification d’une série de routes et de ponts à réparer sur financement du fonds d’entretien routier. Mais ce qui arrive, c’est que, sur 10 cas, on ne décaisse l’argent que pour 2 ou 3 cas en laissant les autres sous le prétexte fallacieux qu’il n’y a pas d’argent alors que le carburant est l’un des biens le plus consommé en Guinée. De cette façon, les choses s’accumulent, et deviennent finalement ingérables. Même si, les techniciens de la chose estiment que la dégradation poussée de notre réseau routier est due en dehors des cas de corruption, à la surcharge des gros porteurs qui y circulent sans aucune forme de contrôle. Ce qui occasionne une pression énorme sur les routes accélérant du coup leur dégradation surtout quand il y a un manque d’entretien régulier.

De statut d’EPIC mal défini à statut d’éléphant blanc !

Le FER tire ses revenus essentiellement sur la vente du litre des hydrocarbures vendu à la pompe. En filigrane, depuis 2009, pour chaque litre de carburant vendu à la pompe, le fonds d’entretien routier perçoit 250 GNF. Ce qui fait que selon un rapport officiel consulté par Guinéenews©, le FER a perçu deux cent quarante quatre milliards et un million de francs guinéens (244.001.000.000 GNF) au titre de redevance pour l’entretien des infrastructures routières en 2017.

« Au regard de l’état piteux de nos routes et nos ponts actuellement et au vu et au su de tout le monde, il est avéré que ce machin (FER) ne veut pas se salir et ne fait qu’engraisser les individus en lieu et place de sa responsabilité naturelle l’entretien et la maintenance des routes, ponts et autres ouvrages de franchissement pour le bien être des populations guinéennes », a déclaré un économiste du ministère des Finances sous le couvert de l’anonymat.

Globalement, les observateurs s’accordent à dire qu’il serait important que l’Etat poursuive les réformes relatives à la gouvernance financière des entreprises publiques et des régies financières. Maîtriser son déficit budgétaire, en instaurant un système de contrôle strict, en choisissant des cadres sur des critères de compétences et non subjectifs et en instituant les contrats de performances. Car il y a un lien directe entre la faiblesse des leviers étatiques de conduite des affaires publiques, de leur contrôle et l’ampleur de la corruption ; donc, du déficit des finances publiques. La conséquence d’une telle faiblesse c’est l’injustice sociale et les crises sociales récurrentes.

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