L’ONG Amnesty International a présenté ce mercredi 15 mai 2024, son nouveau rapport sur la violation des droits de l’homme en Guinée. Ce document de 60 pages traite principalement du difficile accès aux soins de santé et à la justice pour les victimes d’exactions des manifestations survenues de 2019 à ce jour. Il dresse un bilan sombre des deux régimes qui se sont succédé en Guinée, notamment le régime d’Alpha Condé et celui du CNRD dirigé par le Général Mamadi Doumbouya.
Selon Amnesty International, « Depuis 2019, au moins 113 personnes ont été tuées et des centaines gravement blessées par des individus identifiés comme membres des forces de défense et de sécurité lors de manifestations. Malgré les promesses du CNRD de s’attaquer à la problématique de l’usage excessif de la force sous Alpha Condé, y compris dans les cas d’homicides illégaux, cette situation extrêmement grave persiste, dans un contexte général de répression des voix dissidentes. Les autorités guinéennes ont constamment violé depuis 2019 les droits humains à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’expression », a déclaré lors d’une conférence de presse Samira Daoud, Directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et centrale.
Le rapport indique que sous la gestion de la junte militaire CNRD, 47 personnes ont perdu la vie et 75% étaient des jeunes. Certaines auraient abandonné l’école. « Sur un total d’au moins 47 personnes tuées lors de manifestations sous le CNRD à la date du 22 avril 2024, plus de 75 % avaient moins de 25 ans, et 40 % avaient moins de 18 ans, selon un décompte d’Amnesty International. Une grande proportion des personnes blessées interrogées pour le rapport sont également des enfants et des jeunes. Le traumatisme psychologique pour ceux qui ont été blessés a obligé bon nombre d’entre eux à abandonner l’école et les a rendus inaptes au travail », a indiqué le rapport.
Ce rapport, intitulé “Une jeunesse meurtrie : Urgence de soins et de justice pour les victimes d’usage illégal de la force en Guinée », met en évidence les obstacles persistants aux soins de santé et à la justice pour les victimes d’exactions. « Le rapport démontre que les victimes de blessures graves infligées par les forces de défense et de sécurité lors des manifestations ont reçu des soins médicaux tardifs, après que ces dernières ont empêché ou retardé l’évacuation médicale, en violation du droit guinéen et international. Selon les témoignages recueillis par Amnesty International, les forces de l’ordre ont délibérément laissé sur place des victimes grièvement blessées au lieu de leur porter assistance. Des victimes ont également été arrêtées et détenues sans soins médicaux, parfois pendant plusieurs jours. Selon plusieurs témoignages, certains membres du personnel médical des centres de santé publics et privés ont refusé de traiter les personnes blessées par crainte de représailles des autorités, qui ont constamment cherché à minimiser la répression. Les blessés et les familles des victimes ont très majoritairement renoncé à déposer des plaintes, en raison de leur manque de confiance dans le système judiciaire, de la crainte de représailles ou du manque de moyens financiers ».
Des recommandations aux autorités militaires
« Les autorités guinéennes doivent garantir les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, respecter strictement les principes du droit international sur l’usage de la force et des armes à feu par les forces de l’ordre et veiller à ce que toute personne blessée lors de manifestations soit prise en charge rapidement par les services médicaux, sans condition de paiement des frais médicaux à l’avance », a déclaré Samira Daoud.