« En français facile, ça veut dire de les laissez-les tranquille », c’est ainsi que le procureur de la République près le tribunal de première instance de Kaloum a voulu se faire comprendre par l’auditoire. Alors qu’il venait de demander à la présidente du tribunal de renvoyer les prévenus à des fins de la poursuite.
En concluant ainsi son réquisitoire, le procureur a estimé que les faits « d’abus de confiance » et « atteinte à l’honneur » – cette dernière infraction sera occultée dans les plaidoiries et réquisition – pour lesquels Salifou Super V, Ibrahima Blasco Barry et Morton Soumah, ne sont pas établis.
« Il y a eu remise de fonds, cela est incontestable… Mais pourquoi la FIFA, la CAF (les donateurs) ne sont pas à cette barre puisqu’il s’agit de leurs fonds qui ont été détournés », dira le procureur qui s’est même demandé sur qui a mandaté Antonio Souaré pour réclamer les présumés fonds qui auraient été détournés. « Il faut qu’on arrive à faire la différence entre la victime d’une infraction et la partie civile », laissant comprendre que si Antonio Souaré et la FEGUIFOOT peuvent être des victimes du présumé détournement, ils ne peuvent pas se constituer partie civile, puisque ce n’est pas leur fonds qui est en jeu.
Monsieur Alpha Sény Camara estime que les prévenus sont des innocents qu’on a trouvés ça et là pour leur coller l’infraction d’abus de confiance.
Par ailleurs, il estime qu’Antonio Souaré et Salifou Super V ne devraient se retrouver à la barre. « Puisque ce n’est à la justice qu’on doit régler les affaires de la fédération. Ici, c’est la place des voleurs, des criminels, des escrocs… », a dit le procureur qui a auparavant rendu hommage aux prédécesseurs des deux présidents en conflit (Antonio et Super V).
« Ramener les fonds où ils les ont pris »
Un tel réquisitoire ne pouvait qu’être salué par les avocats de la défense. En revanche, peu avant l’intervention d’Alpha Seny Camara, les avocats de la partie civile ont estimé que les faits d’abus de confiance étaient établis à l’encontre des prévenus et qu’il fallait les retenir dans les liens de la culpabilité pour les condamner au paiement des 28 milliards de francs guinéens « qu’ils ont détournés ».
« C’est des fonds qui étaient destinés aux clubs, mais qu’ils ont géré entre eux. Il faut les condamner à ramener ces fonds où ils les ont pris (dans le compte de la FEGUIFOOT logé à la Société Générale des Banques en Guinée) », a plaidé Me Sekou Kondiano, qui estime que le détournement de ces fonds a brisé le rêve de plusieurs jeunes guinéens – espoirs de leur famille – qui pouvaient en bénéficier pour développer des carrières footballistiques. « Il faut qu’on dépassionne le débat, on n’est pas là contre eux, mais on n’est là contre leur gestion opaque », a voulu préciser l’avocat. Avant Me Kondiano, son confrère de la partie civile Me Doura Chérif, a indiqué que c’est la FIFA qui a remis en cause la gestion de l’équipe sortante et qui a demandé à l’équipe d’Antonio Souaré de procéder à des vérifications.
Des prévenus de luxe
Me Sekou Kondiano, Me Doura Chérif (l’ancien magistrat)…. Mais aussi, en face d’eux, Me Dinah Sampil, le bâtonnier Djibril Kouyaté… ce procès regroupe des grands noms du barreau de Guinée. Des grands noms qui sont là pour défendre des prévenus qui se montrent différents des autres qu’on a l’habitude de voir à la barre. Dans cette salle d’audience poussiéreuse, avec des bancs qui abritent des punaises, ils ont pris soin de couvrir leurs sièges et ceux de leurs avocats avec des feuilles de journaux. Et, même quand le tribunal décide de leur apporter des chaises pour ne pas rester debout tout au long de la longue séance des plaidoiries et réquisition, ils sont quelqu’un qui vient désinfecter les meubles… Ces constats sont rares. Le plus souvent, les prévenus sont préoccupés par le sort qui va leur être réservé que par l’insalubrité du tribunal et de sa salle d’audience.