Révélée par la presse étrangère et locale ce lundi 27 mai, la démission du ministre de la Justice Cheick Sako fait penser, au-delà des raisons invoquées dans la lettre, à d’autres facteurs plus ou moins connues et sur lesquels il est resté silencieux. Ceux-ci sont plutôt signalés par ses proches.
D’abord, le ministre a présenté sa démission. Pourtant, le président Alpha Condé aurait pu éviter cette deuxième démission qui intervient plus de six mois après celle du ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté Kalifa Gassama Diaby. «Tirant les conséquences de votre silence depuis le 4 avril 2019, jour de notre entretien et de la remise du courrier vous demandant de me remplacer dans mes fonctions de Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, je vous présente ma démission du gouvernement », lit-on dans la lettre. Pourquoi Alpha Condé n’a-t-il pas remplacé son ministre, le laissant jusqu’à présenter sa lettre de démission ? Pour une source proche du ministère de la Justice, Alpha Condé pensait pouvoir convaincre Cheick Sako à revenir sur sa décision. Et des actes ont été posés dans ce sens. Entre autres, des émissaires ont été envoyés à Montpellier en vue de le convaincre et il y a eu la signature du statut particulier des huissiers de justice.
Nouvelle Constitution
Ce statut, réclamé depuis des années par les huissiers, a été finalement signé le 24 mai dernier par le Président Alpha Condé. « On pense que c’est la grève des huissiers qui a payé. Mais non, c’était pour rassurer Cheick Sako que les choses vont désormais changer », estime notre source.
L’autre raison invoquée par le ministre, et qui semble être l’une des plus importantes, c’est qu’il n’a pas été associé « à rédaction de la nouvelle Constitution ». Et, en sa qualité de Garde des sceaux, Cheick Sako n’a pas du tout apprécié cela. Sauf que Cheick Sako savait bien qu’il ne pouvait pas être associé à cette rédaction. Puisque, comme d’ailleurs il le dit, il s’est toujours positionné « contre toute modification ou changement de la Constitution en vigueur ».
Cheick Sako a toujours été intransigeant sur les questions liées aux textes de lois et au fonctionnement des juridictions. Grand défenseur des magistrats, Cheick Sako a toujours cru que le respect à l’égard de la justice guinéenne passe par l’indépendance du personnel judiciaire et l’application de la loi. Sur ce point, il a été d’ailleurs déçu quand les députés guinéens ont refusé de lever l’immunité de leur collègue Amadou Damaro Camara. Une raison de plus qui l’a poussé à la démission.
« Le ministre n’a pas parlé du bras de fer opposant Damaro aux magistrats, mais tout le monde sait qu’il voulait la peau du député dans cette affaire », nous dit une source proche du ministre démissionnaire.
Dossier 28 Septembre
Enfin, il y a l’épineux dossier du massacre de 2009 au stade 28 Septembre. Après avoir annoncé plusieurs dates sans succès, Me Sako a fini par réaliser qu’il faut être prudent sur ce dossier. La volonté et la détermination ne suffissent pas pour réaliser tous les projets en Guinée. Il a quand même mis en place un Comité de pilotage pour l’organisation du procès. Le lieu de la tenue des audiences a été désigné et le coût prévisionnel du procès fixé.
Mais quand se tiendra-t-il ? Mystère. D’ailleurs, ces derniers temps, le ministre n’était pas rassuré de la volonté du gouvernement à s’acquitter des 60,25 milliards de francs guinéens, soit 77% du budget total de ce procès co-financé par les Etats-Unis (17%) et l’Union Européenne (5,8%)… Pourtant, il était le grand espoir de ces évènements du 28 septembre 2009.